CONTE: GRISELIDIS (PARTIE V)
V. La troisième épreuve du marquis, et l’incomparable
vertu de Griselidis
La fille du marquis chez sa tante vivait
Et elle avait douze ans, et son frère en
avait
Huit. Il voulut qu’auprès de lui ils
revinssent
Afin qu’ils vécussent comme princesse et
prince,
Et en même temps fit courir le cruel
bruit
Dont ses barons furent rapidement
instruits
Qu’il allait répudier sa femme et en
prendre
Une autre, noble et plus belle, sans
attendre.
Griselidis, consternée d’un pareil
évènement,
S’arma de courage au lieu de pleurer
vainement
Et attendit l’ordre de son mari qu’elle
aime
Sans lui montrer une seule fois un front
blême.
Celui-ci, devant ses plus vieux barons,
lui dit :
« Depuis seize ans tu es ma femme,
Griselidis,
Charmé par ta vertu plus que par ta
naissance.
Tu mérites sans doute ma reconnaissance
Ainsi que mon amour. Cela me fait pitié,
Mais mes vassaux exigent un noble
héritier,
Et Rome m’a permis, d’une famille
insigne,
De prendre une épouse qui de moi est
digne.
Elle arrivera dans deux jours.
Prépare-toi
A lui céder ta place et à quitter ce
toit.
Sois donc courageuse et emporte ton
douaire. »
Griselidis voila sa douleur d’un suaire
Et répondit à son impassible mari :
« Je comprends que votre cœur de
moi soit marri
Et de cette femme je ne suis point
jalouse ;
Elle mérite plus que moi d’être votre
épouse,
Et la pauvre fille d’un pauvre roturier
Ne peut avoir le cœur assez aventurier
Pour prétendre au rang élevé de votre
dame.
Même si je n’avais point, sire, sans
vous d’âme,
Je quitte le palais si c’est votre désir
Où j’avais demeuré avant tant de
plaisir,
Et je retourne sans murmurer, cher
maître,
Dans la même cabane qui m’a vue jadis
naître,
Où je rendrai à mon père les mêmes soins
Dont sa sombre vieillesse a encore
besoin.
Quant à mon douaire, à votre palais vaste
Je n’ai rien apporté, avec un cœur
chaste,
Hormis ma pauvreté, l’amour et le
respect.
Souffrez donc que je quitte ce royal
aspect
Et que chez mon père bien-aimé je
retourne
Là où une pauvresse comme moi séjourne.
Reprenez cet anneau, je quitte votre
cour
Pauvre comme j’y suis venue. » De
ce discours
Le marquis fut ému et cacha ses larmes.
Griselidis, elle, vêtue de ses seuls
charmes,
Quitta ses ornements, ses vêtements, ses
joyaux,
Et reprit ses habits. Des chevaliers
loyaux,
Des barons et des dames la suivaient,
éplorées,
Regrettant la vertu de l’épouse adorée
Qui marchait en silence et ses beaux
yeux baissés.
A la cabane où son cher père était
laissé
Avec un valet du marquis bien alerte
Elle revint, et de cette découverte
Il ne semblait pas bien surpris, et d’un
air doux
L’embrassa tendrement, sans douleur ni
courroux,
Car il doutait du fruit de cette
mésalliance,
Et remercia sa suite avec bienveillance
En exhortant tout le monde à toujours
servir
Le marquis qui venait cruellement de
ravir
Sa fille à une vie d’éternelle opulence.
Mais en disant cela il se faisait
violence,
Et sa fille, quand tous étaient enfin
partis,
Ranimait son courage du malheur averti.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
jeudi 30 avril 2015
Conte: Griselidis (Partie V)
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