samedi 25 avril 2015

Conte: Griselidis (Partie I)

CONTE: Griselidis (Partie i) 

I. La requête que firent ses vassaux au marquis Gauthier

A Lombardie, sur les confins du vieux Piémont,
Thébaïde des pieux et terreur des démons,
Est une noble contrée peu connue des hommes
Que terre des Saluces en ces temps on nomme
Et dont les seigneurs ont depuis toujours porté
Le titre de marquis avec grande fierté.
Tous ces marquis semblaient impuissants et faibles
Devant un seigneur qu’on appelait Gauthier, noble,
Bien fait, puissant, de tous les dons du ciel comblé.
Mais ses barons et ses vassaux étaient troublés
De l’entendre dire que le mariage
Ne valait point la chasse, la guerre et les voyages,
Et que prendre femme n’est pas de ses soucis.
Pour qu’il devînt donc plus sage et adouci,
Ses barons et vassaux un jour s’assemblèrent
Pour conférer à ce sujet, et tremblèrent,
Bien que Gauthier pour sa bonté fût réputé,
De dire leur pensée. Quelques vieux députés
Furent choisis pour lui parler. « Notre maître,
Lui dirent-ils, daignez conseil nous permettre,
C’est par amour de vous que nous parlons, seigneur.
Votre front de vos jeunes jours porte la lueur,
Vous êtes le mieux fait et le plus bon des hommes,
Et de vous avoir pour notre marquis nous sommes
Redevables au ciel et sans doute honorés.
Mais vous n’ignorez point, cher marquis adoré,
Que les années s’envolent et qu’elles sont volages,
Et quoique vous soyez à la fleur de l’âge,
Comme tous les mortels vous allez vieillir.
Vos vassaux, dont l’honneur est de vous obéir,
Qui vous respectent et sont pleins de reconnaissance,
Veulent chercher pour vous, de haute naissance,
Aussi vertueuse que ses charmes sont doux,
Une dame dont vous voudrez être l’époux,
Qui vous aimera et sera de vous aimée
Et qui chérira ses petites âmes essaimées,
Et vous supplient, sire, de daigner l’agréer.
Parmi toutes les femmes que Dieu a pu créer,
Il y en a peut-être qui pourrait vous plaire. »
Attendri, le marquis répondit sans colère :
« Mes amis, il est vrai, je me plaisais à jouir
De ma liberté. Mais nul homme ne peut fuir
Le mariage et la mort. Je vous promets de prendre
Une femme et j’espère qu’elle sera tendre,
Vertueuse et belle, et que je vais la chérir.
Oui, il faut prendre femme avant de périr.
Mais je veux que vous me promettiez une chose :
Que nul d’entre vous en mon absence n’ose
Blâmer mon choix ou en murmurer, que vous soyez
Respectueux pour votre dame quand vous la voyez,
Qu’elle soit riche ou pauvre, noble ou roturière ;
Je vous en donne l’ordre et vous en fais la prière. »
Les barons et sujets en firent le serment
Et ils remercièrent le marquis alarmant
Qui prit avec eux jour pour ses noces prochaines,
Emplissant le pays d’une joie sans chaînes.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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