CONTE: LE VILAIN DEVENU MÉDECIN (PARTIE Iv)
IV. Les prouesses du vilain, qui réussit à guérir la
princesse et quatre-vingts autres malades
La princesse vint, pâle et la bouche
ouverte,
Et, sa douleur l’ayant rendu indiserte,
Montrant au vilain le siège de la
douleur.
En voyant la beauté qui perdit ses
couleurs
Et dont le visage perdit sa blancheur
pure,
Il songeait comment opérer cette cure,
Car il voyait qu’il ne pouvait plus
reculer
Ou pour qu’il se tirât d’affaire
fabuler,
Et périr sous les coups ne le
réjouissait guère.
« Le mal est dû à cette artère qui
naguère,
Se disait-il, resta dans son royal
gosier.
Si j’arrive à la faire rire et à l’extasier,
Peut-être l’artère maudite
sortirait-elle
Et j’éviterais une punition mortelle. »
Le vilain demanda au roi qu’on allumât
Un grand feu dans la salle, et qu’on se
résumât
A le laisser seul un moment et la
patiente.
Tous se retirèrent. Presque inconsciente
A force de souffrir, le vilain fit
asseoir
La princesse. De ses ongles crochus et
noirs
Il se gratte avec des grimaces
plaisantes
Et s’étrille la peau. La chose est
amusante
Au point que la princesse, malgré sa
douleur, part
D’un grand éclat de rire, et que de son
rempart
L’artère sort et lui vole hors de la
bouche.
Il la ramasse et vole aussi comme une
mouche
Au roi à qui il dit : « La
voici, majesté ! »
« Peu de temps vous êtes avec elle
resté,
Mais vous l’avez guérie ! Vous me
rendez la vie !
S’écria le monarque, car, ma fille
ravie,
J’aurais perdu ce que j’avais de plus
précieux.
Ah ! bénie soit ta science et bénis
soient les cieux !
Je te donnerai des habits et des robes. »
Le vilain remercie, et pour qu’il se
dérobe
Prétend avoir fort à faire et être
pressé.
Le roi lui dit alors, par sa cour
caressé,
De devenir son ami et son médecin
fidèle.
« Ma bonne femme attend. Ayez pitié
d’elle.
Je ne mérite point de tels honneurs,
seigneur. »
A cette réponse l’on rossa le soigneur.
Convaincu par les coups : « Ah !
je vous l’accorde !
Cria-t-il. Majesté, faites miséricorde. »
Et il promit au roi de rester non
seulement
Un jour, mais s’il le lui commande,
éternellement.
On le régala, tout d’abord, aux
cuisines,
Puis il fut conduit dans une chambre
voisine,
Tondu et rasé, et prestement revêtu
D’une belle robe d’écarlate. Têtu,
Il pensait qu’il pourrait un jour
prendre la belle
Et aux souhaits du roi était toujours
rebelle.
Sa guérison avait fait cependant du
bruit,
Et malgré lui il lui fallait cueillir
ses fruits ;
Quatre-vingts malades de la ville
arrivèrent
Au château du roi, qui d’être guéris
rêvèrent
Et voulaient consulter le médecin
prodigieux
Dont on parlait avec des propos
élogieux.
Le roi le fit appeler et lui dit : « Maître,
De guérir ces gens-là vous devez me
promettre. »
« Sire, répondit le vilain avec
émoi,
Je ne le puis, sauf si Dieu s’en charge
avec moi. »
Il fit alors venir les sergents à sa
chambre,
Et le malheureux, qui tremblait de tous
ses membres,
Promit de ne laisser nul malade partir.
Il pria donc le roi et sa cour de
sortir,
Fit un feu d’enfer, et dit aux malades :
« Soigner autant de monde n’est
point rigolade,
Je ne sais qu’un moyen afin de vous
guérir :
Il faudra que l’un de vous consente à
périr
Dans ce docte feu que vous voyez allumé.
Les autres avaleront les cendres du
consumé
Et ils seront guéris. La chose est
violente,
J’en conviens, mais elle ne sera point
lente ;
Que le plus malade vienne ici sans
tarder. »
Mais nul ne voulut à venir se hasarder
Et à dire que sa maladie était grave.
Le guérisseur dit à l’un d’eux : « Tu
m’as l’air brave
Et tu me sembles aussi pâle comme la
mort. »
« Je suis lâche, seigneur, et je
fuis sans remords. »
Répondit le hère qui, comme les autres,
Se sauva promptement. Le roi les vit
paraître,
Et ils lui disaient tous, du feu
épouvanté,
Qu’ils étaient bien guéris et en bonne
santé.
Enchanté, il rentra dans la vaste salle,
Et étonné de cette guérison colossale
Il demanda à son médecin comment il fit.
Le vilain qui souriait joyeusement lui
dit
Qu’il possédait un charme aux vertus
sans pareilles.
De remerciements le roi flatta ses
oreilles,
Le combla de présents, le laissa
retourner
Auprès de sa femme, bien las de
séjourner
Contre son gré et loin des champs, dans
sa demeure.
Il lui fit promettre de revenir à l’heure
Où il aurait besoin de lui, et le manant
Cessa de labourer, et, prodige étonnant,
De battre sa femme quand il devint
prospère,
Qui l’aima et qui fit habiter son père
Avec eux, tous les jours enchanté de la
voir,
Et rendit son mari médecin sans le
savoir.
[FIN DU CONTE: LE VILAIN DEVENU MÉDECIN]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
mardi 21 avril 2015
Conte: Le Vilain devenu Médecin (Partie IV)
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