mercredi 22 avril 2015

Conte: Du Prud’homme qui retira de l’eau son compère

CONTE: DU PRUD'HOMME QUI RETIRA DE L'EAU SON COMPÈRE

Un pêcheur qui était occupé à pêcher
Et de rentrer chez lui voulait se dépêcher
Voit quelqu’un tomber dans les flots, et il cherche
A l’accrocher par ses habits avec sa perche
En faisant mille efforts vaillants pour secourir
Cet homme qui allait certainement mourir.
Il le sauve, mais par malheur il lui crève
Un œil avec le croc pointu. Jusqu’à la grève
Il conduit le noyé gémissant de douleur
Qui était son compère, et soigne le grouleur,
Le nourrit et dans sa demeure le garde
Jusqu’à sa guérison qui à venir tarde.
Celui-ci, au moment même où il est sorti,
Et sans remercier son vaillant sauveur parti,
Forme plainte contre lui, de ses soins indigne,
Pour l’avoir blessé. Le bailli leur assigne
Un jour où ils doivent comparaître tous deux.
Chacun expose ses raisons ; un fou hideux
Interrompt les juges au moment de la sentence
Et crie comme un pendard conduit à la potence :
« Assez, messieurs ! La chose est simple à décider,
A être équitables je veux bien vous aider :
Cet homme qui se plaint avec ingratitude
Qui, à l’entendre, me semble son habitude,
Eh bien ! Qu’il soit jeté à l’eau au même endroit
Et qu’aux dédommagements qu’il souhaite il ait droit
S’il s’en retire ; mais au cas où il y reste,
Récompensez cet homme vaillant et modeste
Qui l’a sauvé, pour le service qu’il a rendu. »
Ce jugement, trouvé juste, fut entendu.
Mais le noyé, de peur de périr dans les ondes,
Se désista bientôt de sa sombre demande.

C’est temps perdu, sires, que vouloir obliger
Un ingrat, et il va alors vous affliger.
Sauvez un larron, et votre récompense
Sera d’être volé pour votre dépense.

[FIN DU CONTE: DU PRUD'HOMME QUI RETIRA DE L'EAU SON COMPÈRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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