samedi 18 avril 2015

Conte: Le Vilain devenu Médecin (Partie I)

CONTE: Le vilain devenu médecin (Partie i)

I. Comment un vilain prit femme, et ce qu’il en fit

Un vilain qui vivait dans le siècle passé,
Avare et laborieux, et avait amassé
Une bonne fortune après tant d’alarmes,
Ainsi que huit bœufs gras et quatre chevaux fermes,
Ne songeait point, malgré ses biens, à se marier,
Et il ne voulait que labourer et charrier.
Ses bons voisins ainsi que ses amis proches
Lui en faisaient maintes fois de doux reproches ;
Il s’excusait en leur disant qu’il attendrait
Et, s’il trouvait bonne femme, il la prendrait.
De faire des recherches donc ils se chargèrent
Pour lui trouver femme, princesse ou bergère,
Et ils s’employèrent à cette tâche de leur mieux.
Peu loin de là vivait un chevalier bien vieux
Qui était veuf et pauvre et avait une fille
A la belle figure, charmante et gentille.
La noble demoiselle dont les attraits sont doux
Etat arrivée à l’âge de prendre époux ;
Mais malgré sa beauté, son brave et bon père
Ne pouvait lui donner rien, n’étant point prospère,
Et personne ne lui faisait jamais la cour.
Les amis du vilain vinrent faire un discours
Au père, et en son nom faire la demande.
Il accepta, et sa fille, peu gourmande,
Et qui obéissait à son père chéri,
Consentit à prendre le vilain pour mari
Pour ne point lui déplaire, malgré sa répugnance.
Le bonhomme, enchanté, lui, de cette alliance,
Se pressa de conclure et vite se maria.
Peu après il se dit, inquiet, qu’il ne paria
Pas sur le bon cheval, et que sa femme noble
Pour travailler avec lui était trop faible.
« Parbleu ! pensait-il, c’est mou comme du coton !
Seule au logis, elle deviendra margoton.
Que faire ? Pour que j’en sois toujours le maître,
Avant de sortir, au matin, je vais la battre,
Elle va sagement au foyer demeurer
Et sans songer à mal s’attrister et pleurer.
Je la consolerai le soir, bien déridée. »
Il demanda, rempli de cette belle idée,
A dîner, et après le repas s’approcha
De sa pauvre femme, et rien ne lui reprocha,
Mais lui assena un tel soufflet sur la joue
Que la marque de ses doigts, comme de la boue,
Y resta imprimée. Cela lui sembla peu,
Il lui donna d’autres coups puissants avec feu.
Il la laisse, et elle se désole et pleure :
« Ô, mère ! pourquoi a-t-il fallu que tu meures ?
Vous m’avez sacrifié, mon père, à ce vilain
Qui traite mieux que moi ses bœufs et ses poulains !
Que le destin est dur ! Que je suis malheureuse ! »
Et elle demeura tout le jour pleureuse
Et de cette injustice le cœur sombre et marri
Comme l’avait prédit son butor de mari.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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