jeudi 9 août 2012

Les songes de saint Patrice (huitième partie)


LES SONGES DE SAINT PATRICE (huitième PARTIE)


VIII

Le druide poursuivit : « Cette lumière victorieuse
Vient du troisième cercle, immense et glorieuse,
De la Liberté et de la Félicité
Et traverse le cercle de la Nécessité,
Elle reluit, elle bénit et console,
Et transcende le cercle, immense auréole,
De la Douleur et du Trépas. Ton dieu est fort
Plus que les nôtres, car il est descend sans effort
Du ciel sur la terre et remonte à sa demeure. »
« Si tu le sais, reçois le baptême et pleure
Pour que Dieu te pardonne, et sois bon et patient. »
« Et l’illustre Finn ? Et le radieux Ossian ?
Où finiront ces grands héros, mes ancêtres ? »
Demanda le druide. « Ils vont comparaître
Devant le Seigneur, et en enfer iront. »
« Ô, noble Patrice au céleste et doux front,
Sauve-les, ou dis à ton dieu de le faire. »
Implora Dubtak. « Je ne veux point déplaire
A celui qui créa les hommes et l’univers
En le priant pour qu’il sauve du feu de l’enfer
Tes ancêtres. Sache que Dieu lui seul scelle
Le sort inéluctable des âmes rebelles,
Et sache aussi que je suis qu’un messager
Qu’il envoie dire son nom au monde affligé. »
« Alors je ne vais point recevoir ton baptême
Et où qu’ils soient, j’irai rejoindre ceux que j’aime ! 
Répliqua le druide. Ton dieu, je n’en veux pas,
Et je lui préfère le feu et le trépas !
S’il était en enfer avec son prophète
Les épées de mes braves héros eussent été prêtes
Malgré les flammes, à le secourir vaillamment. »
Saint Patrice baissa la tête tristement
En entendant ces mots, et dit une prière douce.
Sous les pierres sacrées couvertes de mousse,
Avec ses ancêtres, Dubtak alla dormir.
On écouta maintes fois sa lyre gémir
Sur cette montagne antique que les aigles gardent,
On le vit comme une apparition hagarde,
Apparaître parfois sans jamais revenir.

Les adorateurs du dolmen et du menhir
S’élevant comme des géants au-dessus des bruyères
Se repentirent de leurs péchés et prièrent
Le seul et le vrai dieu, implorèrent son pardon
Et cessèrent d’entendre le chant des cornadons ;
Le druidisme comme une brise quitta le monde.
Mais Saint Patrice, clément, n’obligea point les bardes
Repentis, à quitter leurs anciennes traditions.
Ils chantèrent, éblouis, ses divines navigations,
Sa voile pareille à un cheval sans bride,
Son voyage en Islande, ses missions aux Hébrides,
De quelle manière il fut, visiteur attendu,
Avec Jésus-Christ au purgatoire descendu
Comme Dante après lui avec l’antique Virgile,
L’étoile aux rayons d’or, le vent aux pieds agiles
Qui lui avaient montré le mystérieux chemin
Des rivages édéniques invisibles aux humains
Où il vit s’élever, par-delà les tropiques,
Les monastères flottants, les cathédrales épiques
Et les herbes géantes pleines d’oiseaux d’azur
Qui chantent au fils divin des chants bénis et purs ;
Ils dirent les houles et les mers polaires,
Les béatitudes et la paix solaire,
Les îles éternelles et bienheureuses aux pommes d’or
Où dans le repaire de l’agneau le loup dort
Et où de belles jeunes filles, vierges magnifiques,
Dansent, bercées par les lyres séraphiques,
Sous l’aurore infinie au sourire vainqueur
En se tenant par la main, dans le même chœur.
Dans la bouche des peuples jadis idolâtres,
Lorsque le feu fécond pétillait sur l’âtre,
A l’heure où les montagnes chantent avec les bergers,
On répétait son nom doux pour se protéger
Des périls de la vie et de la nature ;
Les femmes enceintes que l’enfantement torture,
Les enfants des soldats, les femmes des marins,
Les misérables esclaves et les rois souverains
Disaient ce nom dont la sainte mère est éprise
Pendant leurs labeurs et avant leurs entreprises,
Mais saint Patrice, lui, leur disait : « Prononcez
Le nom de Dieu au lieu de mon nom, et cessez
De m’adorer. Je ne suis que le valet humble
Du Seigneur, et comme vous de lui je tremble.
Je ne suis qu’un peu d’ombre ; il est le jour béni
Qui rayonne pour moi et pour vous, infini.
Avec son fils bientôt je serai à sa droite
Quand mon âme s’envolera loin de ma tombe étroite.
Je périrai et vous allez périr. Alors,
Ayez la foi, car elle est le bienheureux port
Auquel Dieu conduit les âmes pénitentes et justes. »
Le peuple, en entendant ces paroles augustes,
De Dieu implorait le pardon et la merci
Et pleurait, et le saint comme lui pleurait aussi.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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