samedi 4 août 2012

Les songes de saint Patrice (troisième partie)


LES SONGES DE SAINT PATRICE (Troisième PARTIE)


III

Une nuit, quand Patrice fatigué s’endormit,
Il entendit une lyre céleste qui gémit
Et avec les soupirs de ses cordes vibrantes
Enivrait son âme rêveuse et errante.
Elle emplit la forêt de ses chants mélodieux
Et les bois profonds et noirs devinrent radieux
Quand une douce lueur en éclaira la voûte 
En montrant de l’Éden l’éternelle route,
Voie formidable et invisible aux regards
Où l’on voit les âmes qui, montées sur des chars,
Vont ensemble au Seigneur, voyageuses étranges.
Dans ce jour mystérieux qui jamais ne change,
Patrice vit un jeune homme qui avait la blancheur
De la neige, et les ailes d’un oiseau. Rêveur,
Il lui demanda : « Toi qui viens par la porte
Du firmament, et que la brise apporte,
Qui es-tu, divin et nocturne visiteur ? »
Se penchant sur sa couche comme un frère protecteur,
Le jeune homme répondit : « Je suis l’Ange-Victoire,
Le Seigneur m’envoie à toi dans cette nuit noire
Pour t’apporter la joie et la consolation
Et de ton doux salut la révélation ;
Dieu te bénit et ton âme n’est point condamnée. »
Et l’ange disparut dans la noire chênaie
Ne laissant derrière lui que le frémissement
Des feuilles, et un chant qui s’évaporait doucement,
Et en enveloppant le malheureux pâtre
D’un tranquille regard. Il ouvrit ses ailes d’albâtre
Et s’envola dans le firmament d’où il vint ;
Patrice rouvrit ses yeux et dit : « Mystère divin !
Je ne suis qu’un pécheur que le Seigneur déteste,
Pourquoi m’envoya-t-il cet ange céleste ?
D’où vient qu’il me console et me sourit soudain,
Alors que je bravais son nom avec dédain ? »
Et amoureusement contemplait le ciel vaste
Où brillaient sombrement quelques étoiles chastes.

Depuis ce jour, Patrice n’était plus triste et seul ;
Enveloppé jadis d’un ténébreux linceul,
Son esprit s’emplit de rayons et de murmures,
Des supplices cruels de la farouche nature
Il ne gémissait plus, et il priait longtemps
Et l’hiver devint pour lui un radieux printemps
Car il ne sentait plus la neige et la gelée
Et la morsure glacée de la houle ailée,
Ne ressentait aucun mal et aucune torpeur
Et des fantômes de la nuit n’avait plus peur.
L’ange venait le voir dans sa solitude
Et le prodige devint une habitude ;
Il apparaissait à l’esclave dans son sommeil
Et lui souriait en lui donnant des conseils.
Une nuit, il lui dit : « Cesse de pleurer sur toi-même,
Patrice, pleure sur les autres, et aime
Tous les misérables qu’appesantissent les fers
Et pour qui le monde n’est qu’un immense enfer. »
Patrice leva sa tête sur son abîme penchée
Et vit les bûcherons las aux mains écorchées
Et dont les bras par les labeurs étaient raidis
Et les pauvres esclaves par leurs maîtres maudits
Qui portaient des fardeaux, fatigués de vivre
Et d’obéir à leurs bourreaux qui s’enivrent
Monstres impétueux, de leur sang et de leurs pleurs.
Forçat comme ces forçats, il sentit leur douleur
Et se dit : « Ô, farouches chaînes, ô, sombre esclavage !
La foi reluira dans l’Irlande sauvage
Et si Dieu m’aide, je sauverai cette nation. »
Mais il songeait aussi à l’obstination
Des rois et des druides épris de leurs idoles
Et qui dans les forêts profondes leur immolent
Des victimes, pendant la Beltaine et la Samain,
En mêlant les cris des bêtes aux cris des humains,
A sa basse condition et à sa faiblesse,
Lui-même découragé par ses chaînes qui le blessent,
Par ses lourds fardeaux qui l’empêchent de marcher
Et ses titres serviles d’esclave et de porcher.


[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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