LES SONGES DE SAINT PATRICE (Troisième PARTIE)
III
Une nuit, quand
Patrice fatigué s’endormit,
Il entendit une
lyre céleste qui gémit
Et avec les
soupirs de ses cordes vibrantes
Enivrait son âme
rêveuse et errante.
Elle emplit la
forêt de ses chants mélodieux
Et les bois
profonds et noirs devinrent radieux
Quand une douce
lueur en éclaira la voûte
En montrant de l’Éden
l’éternelle route,
Voie formidable et
invisible aux regards
Où l’on voit les
âmes qui, montées sur des chars,
Vont ensemble au
Seigneur, voyageuses étranges.
Dans ce jour
mystérieux qui jamais ne change,
Patrice vit un
jeune homme qui avait la blancheur
De la neige, et
les ailes d’un oiseau. Rêveur,
Il lui demanda :
« Toi qui viens par la porte
Du firmament, et
que la brise apporte,
Qui es-tu, divin
et nocturne visiteur ? »
Se penchant sur sa
couche comme un frère protecteur,
Le jeune homme
répondit : « Je suis l’Ange-Victoire,
Le Seigneur m’envoie
à toi dans cette nuit noire
Pour t’apporter la
joie et la consolation
Et de ton doux
salut la révélation ;
Dieu te bénit et
ton âme n’est point condamnée. »
Et l’ange disparut
dans la noire chênaie
Ne laissant
derrière lui que le frémissement
Des feuilles, et
un chant qui s’évaporait doucement,
Et en enveloppant le
malheureux pâtre
D’un tranquille
regard. Il ouvrit ses ailes d’albâtre
Et s’envola dans
le firmament d’où il vint ;
Patrice rouvrit
ses yeux et dit : « Mystère divin !
Je ne suis qu’un
pécheur que le Seigneur déteste,
Pourquoi m’envoya-t-il
cet ange céleste ?
D’où vient qu’il
me console et me sourit soudain,
Alors que je
bravais son nom avec dédain ? »
Et amoureusement
contemplait le ciel vaste
Où brillaient
sombrement quelques étoiles chastes.
Depuis ce jour,
Patrice n’était plus triste et seul ;
Enveloppé jadis d’un
ténébreux linceul,
Son esprit s’emplit
de rayons et de murmures,
Des supplices
cruels de la farouche nature
Il ne gémissait
plus, et il priait longtemps
Et l’hiver devint
pour lui un radieux printemps
Car il ne sentait
plus la neige et la gelée
Et la morsure
glacée de la houle ailée,
Ne ressentait
aucun mal et aucune torpeur
Et des fantômes de
la nuit n’avait plus peur.
L’ange venait le
voir dans sa solitude
Et le prodige
devint une habitude ;
Il apparaissait à
l’esclave dans son sommeil
Et lui souriait en
lui donnant des conseils.
Une nuit, il lui
dit : « Cesse de pleurer sur toi-même,
Patrice, pleure
sur les autres, et aime
Tous les
misérables qu’appesantissent les fers
Et pour qui le
monde n’est qu’un immense enfer. »
Patrice leva sa
tête sur son abîme penchée
Et vit les
bûcherons las aux mains écorchées
Et dont les bras
par les labeurs étaient raidis
Et les pauvres
esclaves par leurs maîtres maudits
Qui portaient des
fardeaux, fatigués de vivre
Et d’obéir à leurs
bourreaux qui s’enivrent
Monstres impétueux,
de leur sang et de leurs pleurs.
Forçat comme ces
forçats, il sentit leur douleur
Et se dit : « Ô,
farouches chaînes, ô, sombre esclavage !
La foi reluira
dans l’Irlande sauvage
Et si Dieu m’aide,
je sauverai cette nation. »
Mais il songeait
aussi à l’obstination
Des rois et des
druides épris de leurs idoles
Et qui dans les
forêts profondes leur immolent
Des victimes,
pendant la Beltaine et la Samain,
En mêlant les cris
des bêtes aux cris des humains,
A sa basse
condition et à sa faiblesse,
Lui-même découragé
par ses chaînes qui le blessent,
Par ses lourds
fardeaux qui l’empêchent de marcher
Et ses titres
serviles d’esclave et de porcher.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2180.
samedi 4 août 2012
Les songes de saint Patrice (troisième partie)
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