LES SONGES DE SAINT PATRICE (cinquième PARTIE)
V
En trente ans,
saint Patrice convertit l’Irlande,
Son nom et le nom
de Dieu emplirent les landes
Comme des chants
éternels, de rayons et d’amour.
Dans les sombres
monts on voyait reluire le jour
De la vraie foi,
immense, infinie et pure,
Qui éclairait le cœur
de toutes les créatures.
Par ses douces
paroles et sa persuasion
Quand il décrivait
au peuple ses visions,
Sans que le sang
coulât, sans martyrs et sans armes,
L’esclave de jadis
faisait choir ses larmes
Et disait : « Je
viens d’un abîme plus noir
Que celui où vous
êtes. Sans entendre et sans voir,
J’errais, pécheur
maudit. J’étais sourd et aveugle,
Et l’âne qui brait
et le taureau qui beugle
Etaient, mes
frères, mille fois plus sages que moi.
J’étais perdu, l’enfer
et ses horribles émois
M’attendaient, je
n’avais point de cœur et point d’âme,
Et de la géhenne
on voyait reluire la flamme
Dans mes yeux
courroucés, pleins de perversité.
Mais il fallut que
je connusse l’adversité,
La pesanteur des
chaînes, la rigueur des paillasses
Et la servitude,
pour que je me réveillasse
De ma torpeur
maudite. Dieu m’est apparu,
Il m’a souri
doucement et il m’a secouru,
Sa lumière est le
havre et sa parole l’asile
Et tout est plein
de son rayon indélébile,
Il est dans les
hommes, les bêtes et les objets,
Et les rois qui
règnent ne sont que ses sujets,
Nulle clémence n’est
égale à sa clémence,
Il créa l’homme
petit et l’univers immense ;
Courbez-vous devant
lui, comme tout est courbé ! »
Maintes fois le
saint, de lumière et d’or nimbé,
Traversa,
victorieux, les forêts druidiques,
Les houx épineux
et les chênes pudiques
Etaient ployés devant
lui et étaient tremblants ;
Monté sur un char
que mouvaient deux buffles blancs,
Il voyageait
chaque jour pour prêcher les foules
Qui comme les
ondes qu’emporte la houle
Et qui cherchent
un rivage serein et bienheureux,
Venaient l’écouter.
Ses disciples étaient nombreux
Tels les grains de
poussière et les grains de sable,
Les maîtres et
leurs esclaves, les riches, les misérables,
Les brigands et
les chefs, les femmes et les enfants,
Accouraient pour
entendre saint Patrice triomphant
Et pour voir ce
soleil qui en Irlande brille.
Un jour, l’apôtre
vit les deux charmantes filles
Radieuses comme le
printemps, du roi Laégaïr,
Maître de l’Irlande
que nul n’ose assaillir,
Qui lavaient leurs
robes de noce au bord d’une fontaine.
Ces âmes, qui n’étaient
point noires et point hautaines,
Furent émues par
les paroles de cet homme doux
Et qui assena au
druidisme un premier coup.
Le père royal de
ces deux repenties
Avait un grand
palais, vaste demeure bâtie
Dans l’illustre
plaine qu’on appelait Tara
Et de mille
présents le destin l’honora
Car il avait l’Irlande
à ses lois soumise
Et son épée que
nul bouclier ne brise
Tomba souvent sur
ses ennemis. Ce roi glorieux
Adorait les dieux
farouches de ses aïeux :
Lug, le Père
suprême, Ogme, guerrier et mage,
Étain, la divine
Mère, et Dagda le Sage.
Tous les trois
ans, sur la terrasse de son palais,
Quand venait l’équinoxe
du printemps, on allait
Construire un
grand bûcher que les fleurs parfument
Et qui en l’honneur
de dieux rayonne et fume.
Le roi Laégaïr et
cinq autres rois vassaux
Autour de ce
bûcher sacré, divin berceau
De l’Irlande pieuse
et de l’année celtique,
Se réunissaient en
chantant des chants antiques
Qui glorifiaient
les dieux, en neuf cercles assemblés,
Les bardes, les
juges et les druides attablés,
Ainsi que tous les
chefs sur leurs chars de guerre
Qui mangeaient et
buvaient en disant des prières.
La fête finissait.
Les convives ravis
Allaient partir.
Soudain, le roi Laégaïr vit
Sur le champ qui était
des esclaves le cimetière
Briller une petite
et blanche lumière,
Et le roi étonné
en même temps qu’irrité
Leva fièrement la
tête et à ses invités
Demanda : « Par
tous les dieux du ciel ! Que vois-je ?
Qu’est-ce que
cette lumière blanche et sacrilège ? »
Un druide, qui s’appelait
Dubtak, lui répondit :
« C’est celle
de l’homme fatal, de l’homme maudit
Qui dit à l’Irlande
qu’elle sera sauvée
Et dont nous vous
avons, sire, prédit l’arrivée.
Qu’il ne vienne
point ici, ou il nous dominera
Et avec ses noires
paroles nous chagrinera !
Exilez-le loin de
nos paisibles contrées
Ou il empoisonnera
notre terre adorée,
Et défiez-vous de
lui, car il séduit et mord
Et, s’il le
pouvait, nous tuerait sans remords. »
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2180.
lundi 6 août 2012
Les songes de saint Patrice (cinquième partie)
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