jeudi 2 août 2012

Les songes de saint Patrice (première partie)


Les songes de saint Patrice (première partie) 


I

Patrice, fils d’un breton et d’une belle gauloise,
A Dieu lui-même semblait chercher noise.
Dans les bras des amantes et les coupes de vin,
Il noyait ses jours, ces doux présents divins,
Et il croyait moins au Christ qu’en Épicure ;
Dans les couches infâmes des courtisanes impures,
Il allait chercher un éphémère bonheur.
Bien qu’on le baptisât chrétien, avec horreur
Il contemplait ces sœurs éprises des prières
Et qui s’en allaient dans la douce lumière
Aux petites chapelles aux cintres bas, en chantant
Et en montrant aux hommes éblouis les pans flottants
De leurs coiffes blanches, pareilles à des ailes.
Il employa maintes fois son sombre zèle
A séduire ces pauvres nonnes, femmes malgré tout,
Avec des sourires complices et des vers doux
Comme s’il voulait ravir au paradis ces âmes,
Au Christ ses épouses et à Dieu ses femmes.
Sa fougueuse jeunesse fut amoureuse des combats,
Il disait souvent : « Mon salut est ici-bas,
Comme le vôtre est ailleurs ! Briser un cœur de pierre,
Embrasser une nymphe, étreindre une beauté fière,
Voir reluire des yeux qui semblaient pourtant cruels,
Terrasser l’ennemi qui vous provoque en duel,
C’est ce qu’il y a de plus doux. Au Diable vos mensonges !
Dieu est une illusion et le Christ est un songe,
Comme le salut, le paradis et l’enfer !
Marie elle-même gémirait de mes fers
Et elle m’aimerait, si elle vivait encore !
A vous la noire nuit, à moi la blanche aurore, 
A vous les privations et à moi les excès,
A vous la gloire et à moi le succès !
Aujourd’hui me plaît et demain vous inquiète,
Je suis à la fois mon dieu et mon prophète,
La vérité n’est point dans vos livres sacrés
Mais elle reluit dans les yeux adorés
D’une femme qui consent à être votre amante,
Auguste déesse comme le printemps charmante. »
Et les prêtres, de son salut désespérés,
S’en allaient, et on les entendait soupirer.

Une nuit Bononia, qui vit Patrice naître,
Fut soudain assaillie par les vaisseaux traîtres
Des farouches pirates aux sombres étendards,
Serpents empoisonnés qui lèchent avec leurs dards
Chaque fois qu’ils passent, les villes et les ondes.
Leurs crimes furent inouïs et le massacre immonde,
Les enfants et les femmes ne furent point épargnés,
Du sang des victimes tout fut imprégné,
Toute la ville devint une cendre immense,
Pillée et brûlée par ces monstres en démence,
Insatiables démons vomis par les enfers.
Les innocents rougirent les ondes de la mer
Et le ciel s’emplit de leurs effroyables cris.
Toute la famille de Patrice périt
Et les pirates, voyant qu’il était fort et jeune
Et pouvait supporter la fatigue et le jeûne,
L’emmenèrent, enchaîné, sur l’un de leurs vaisseaux
Comme une feuille morte tombée dans un ruisseau.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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