Les songes de saint Patrice (deuxième partie)
II
Il fut, en
Irlande, vendu comme esclave
A un chef de
l’Ulster, homme mauvais et brave.
Il avait des chaînes
et n’avait que vingt ans
Et de sa jeunesse
son maître était content
Et dit en
l’achetant : « En voilà une belle affaire ! »
Le blond Patrice
devint son esclave qui va traire
Ses vaches,
nettoyer sa demeure et chercher
Du bois en hiver,
et son fidèle porcher,
Et celui dont
jadis la pourpre romaine
Fut le pompeux
habit, s’habilla de chaînes
Et pour seul
costume avait un rude sayon.
Il se souvenait de
son enfance aux doux rayons,
De ses exploits,
de ses forfaits et de ses gloires,
Quand il était
seul dans l’obscurité noire,
Et se rappelait
tour à tour, aux mornes saisons,
Ses douces amours
et ses sombres trahisons.
Le passé reluisait
comme un vaste rêve,
Ô, volages
délices, ô, joies tristes et brèves !
Dans son esprit
par les souvenirs tourmenté,
Ces amours, ces
duels, ces rayons, ces beautés
Hurlaient comme
des spectres ; rêveries éphémères,
Plumes noires qui
tombent de l’aile de la chimère !
Hormis le froid et
la pesanteur du fardeau
Qui tous deux
courbaient du jeune esclave le dos,
Hormis le bâton
qui châtiait sa paresse,
Hormis l’hiver
gelé aux rauques caresses,
Rien n’existait
plus et rien n’était plus réel.
Maintes fois
Patrice dormit sous le ciel
N’ayant que des
roseaux humides pour couverture,
De l’avoine délayée
dans l’eau pour nourriture,
Pour refuge une
caverne, la pierre nue pour lit,
Maintes fois dans
la nuit il pleura et pâlit.
Mais Dieu, même
dans la solitude sombre,
Fait reluire sa
douce aurore dans l’ombre.
Patrice n’avait
jamais prié. Et pourtant, doux,
Il ploya, une
nuit, devant Dieu ses genoux
Et dit : « Seigneur,
de me pardonner je vous prie,
Seul dans les ténèbres
et loin de ma patrie,
J’ai tout perdu :
famille, amis et liberté.
Comme un ennemi,
je vous bravais avec fierté
Et je me révoltai
contre vous, plein de rage,
Ô, maître
tout-puissant, magnanime et sage !
Je contemplais
avec dédain le firmament,
Je vous voyais et
je vous défiais sombrement
Comme un ver de
terre défierait une montagne !
Vous m’avez châtié
en m’envoyant à ce bagne
Et c’est un
châtiment juste et mérité,
Car mon exil a
pour cause ma témérité !
J’aurais pu périr
par le glaive ou dans les ondes,
Mais vous êtes
clément. De mes erreurs profondes,
Devant votre fils
mort pour nous je me repens.
Seigneur, ma vie
passée n’était qu’un guet-apens,
Toutes ces douces
joies, tous ces affreux délices,
N’étaient que des
douleurs, n’était que des supplices !
Les chaînes de ces
barbares appesantissent mon corps,
Hélas ! Mon cœur
porte un fardeau de remords
Mille fois plus
lourd que leur fardeau d’écorces,
Pour le porter je
n’ai point assez de force,
Mais je m’en
remets à vous, ô, Dieu tout-puissant !
Et aux arrêts du
ciel qui me voit je consens ;
Pardonnez à votre
fils égaré, mon père,
Qui, courbé devant
vous, vous implore et espère
Son éternel salut,
de son sort affligé.
Et Patrice soudain
se sentit soulagé
Quand il eut fini
sa prière éternelle,
Et il sentit dans
l’ombre une lueur fraternelle
Apparaître et
reluire uniquement pour lui,
Radieuse, pareille
à un jour qui jamais ne fuit,
Divin flambeau
porté par la main de l’abîme,
Embrasé par un feu
profond et sublime.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
|
La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2180.
vendredi 3 août 2012
Les songes de saint Patrice (deuxième partie)
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Patrice, ce personnage à la fois sensible et fort ,représente des valeurs humaines universelles touchant à la vie intime de l individu et à la vie communautaire au sein de la société..Il envisage le changement constructif ..
RépondreSupprimerC'est exactement de cette manière-là que j'envisage ce personnage. Bien vu!
RépondreSupprimerCordialement,
M.Yosri