mercredi 8 août 2012

Les songes de saint Patrice (septième partie)


LES SONGES DE SAINT PATRICE (septième PARTIE)


VII

Mais Laégaïr, c’est une âme antique et fière
Que bercent les tambours de la guerre meurtrière,
Sa volonté n’est point courbée devant le mal,
Comme s’il avait sur ses yeux un bandeau fatal
Et qui cache aux rois la vérité radieuse.
Il éleva sa voix devenue furieuse
Et dit à l’assemblée : « Ô, chefs, ô, druides anciens !
Allez-vous souffrir que ce sombre magicien
Séduise les cœurs de nos filles innocentes ?
Malheur à l’Irlande qui pleure et se lamente
Si elle tombe dans le piège de ce démon ! »
Et au druide Dubtak dit : « Va, et sur ce mont
Où les aigles envoyés par les dieux surveillent
Les tombeaux des géants endormis que réveillent
Les blasphèmes de cet homme, avec lui lutter
Pour le salut du ciel et des divinités ! »
Le roi et ses sujets dans les ténèbres virent
Le druide Dubtak et saint Patrice qui gravirent
L’obscure montagne, noire comme un fourreau,
Et qu’on appelle la Frontière des héros.

Au geste de Dubtak, une farouche nuée
D’aigles, qui emplit le ciel de la même huée,
Apparut, montrant ses griffes acérées au saint.
Le déchirer était le sauvage dessein
De ces créatures hasardeuses et fauves,
Et Dubtak, qui leva fièrement sa tête chauve,
S’écria : « Patrice, tu mourras comme un gueux !
Brave donc, si tu le peux, ces aigles fougueux
Et dont le dîner est ta chair délicieuse ! »
Comme la mer tourmentée devient silencieuse
Quand la houle se tait, ces aigles, brusquement,
Devinrent hirondelles, et dans le firmament 
Chantèrent des chants de paix et s’envolèrent.
Les pierres sacrées de la montagne tremblèrent
Et les faces livides des héros d’autrefois
Devant la face radieuse du héros de la foi
Apparurent, et étaient menaçantes et pâles.
Tous ces vieux héros poussaient d’affreux râles
Et se réveillèrent de leurs tombeaux oubliés
En brandissant leurs lances et leurs grands boucliers.
Ils dirent à Dubtak : « Chassez l’homme funeste
Que les dieux abhorrent et que le ciel déteste,
Et qui vient troubler notre éternel repos
Confident des démons, de l’enfer le suppôt ! »
Mais Patrice étendit sa main et dit une prière
Et les mânes des héros trépassés crièrent ;
Fantômes, nuages et tempêtes, blêmes éclairs,
Disparurent soudain et s’envolèrent dans l’air
Quand cinq sublimes rayons de ses doigts sortirent.
Débarrassée de ces spectres qui se retirent
Et s’en vont en enfer, leur éternel séjour,
La montagne sacrée s’emplit d’un divin jour
Qui éclaira les chênes et éclaira les tombes,
D’un parfum de roseraies, d’un vol de colombes
Et de la lueur vaste d’une splendide étoile
Qui du noir firmament déchira le voile
Et montra le divin Royaume qui reluit,
Les menus angelots par les rayons éblouis
Qui se réveillent comme des enfants, chantent et sourient,
Les fleuves qui roucoulent et les anges qui prient,
Les trois archanges et les mille séraphins
Qui attendent l’heure terrible de la fin,
Le paradis fleuri et l’ardente géhenne
D’où sortent des cris de désespoir et de haine.
Dubtak ébloui à saint Patrice demanda :
« Qu’est-ce que ce royaume que nul devin ne sonda ?
Qu’est-ce que cette étoile ? Est-ce l’un de tes mirages ? »
« Non, Dubtak. Cette étoile, c’est l’étoile des mages
Qui a montré l’enfant divin, rayon ardent,
Aux sages d’Orient et aux sages d’Occident.
Quand Dieu révéla au monde son mystère,
Son verbe éternel est descendu sur la terre
Et il envoya aux hommes son fils adoré.
Lève ta tête et tu le verras transfiguré
Dans sa blanche et douce gloire, si tu contemples
Cette étoile, qui est son berceau et son temple. »
Dubtak leva ses yeux, voulant se hasarder
A lire cette étoile et à la regarder,
Mais il baissa, devant ce flambeau qui rayonne,
Sa tête et s’écria : « Mes esprits m’abandonnent !
De cet astre je ne puis soutenir l’éclat
Et c’est bien le berceau d’un dieu que je vois là ! »
Et tomba, terrassé par la lumière divine,
Qui vient du firmament et qui l’illumine
Et qui éblouit la Terre et ses éphémères rois
En remplissant les cœurs des coupables d’effroi.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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