vendredi 22 juillet 2016

Conte: Les trois frères et la Vierge (Partie I)

Conte: les trois frères et la vierge (partie i)

I. Ce qui arriva à deux frères partis faire fortune 

Il y a longtemps, vivaient trois frères si pauvres
Qu’une vile cabane était leur seul havre
Et qu’ils mangeaient seulement des herbes dans les bois,
Pareils à des bêtes farouches et aux abois.
Un jour, l’aîné dit à sa mère : « La misère
Nous ronge tous les trois depuis longtemps, mère.
Je veux faire fortune et tenter le destin.
C’est décidé, mère, je m’en vais le matin. »
La mère supplia son fils ; chose vaine.
Et comment apaiser l’ambition humaine ?
Elle pria pour lui, lui dit d’être prudent,
De ne point à chercher les hasards être ardent,
Et lui fit promptement un gâteau de cendre. 
A son fils elle fit des adieux bien tendres.
Il voyagea longtemps et il était bien las.
Un jour, il vit – pour son plus grand malheur, hélas –
Une femme en haillons avec un enfant pâle
Qui semblait se mourir et poussait de grands râles.
Il lui dit : « Donne-moi un peu de ton gâteau. »
« Non. Meurs de faim plutôt, et laisse-moi, pataud ! »
La femme, qui était la sainte Vierge,
Lui dit : « dans un fleuve sans fond et sans berges
Cœur noir, tu te noieras ». Le voyageur en rit,
Rencontra le soir même un fleuve et y périt.
Le second, ne voyant pas son défunt frère,
Crut qu’il fit fortune, et tout aussi téméraire,
Décida de partir. « Ah, demeure avec moi !
S’écria sa mère qui était en émoi.
Pourquoi abandonner ta mère qui t’aime ? »
Mais l’enfant n’écouta point sa mère blême
Qui lui fit un gâteau de cendre à lui aussi.
Il voyagea longtemps ; sous un grand arbre assis,
Il vit le même enfant et la même mère
Qui poussait des soupirs et semblait amère.
« Je veux un peu de ton gâteau, mon bon monsieur. »
Lui demanda l’enfant. Mais l’irrévérencieux
Lui répondit : « Va-t’en, polisson, pique-assiette !
Tu n’en auras jamais une seule miette. »
Et la Vierge lui dit : « Dans une mer de sang
Tu te noieras ce soir même, sombre passant. »
Le second la railla et l’appela sorcière
Et mourut de cette ténébreuse manière.
Le cadet attendit vainement ses deux aînés.
De ne point les revoir il était si peiné
Qu’il dit à sa mère, un jour : « Mes pauvres frères
Ont peut-être besoin de moi, chère mère,
Il faut que je parte. Sans ta bénédiction
Je ne le ferai pas ». Malgré son affliction,
La pauvre mère lui dit : « Je souffre sans doute,
Mais pars, mon fils, et sois heureux. Que ta route
Soit propice ! n’oublie pas, mon fils, cependant,
Ta mère qui t’attend et vit en t’attendant. »
A ces mots, le cadet pleura mille larmes
Car il avait bon cœur ; mais malgré ses alarmes
Il embrassa sa mère et partit au matin
N’ayant que son gâteau de cendre pour festin.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

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