La mort de Jupiter
Au sommet de l’Olympe,
mont aux rayons bénis,
Jupiter, Junon et
Mars s’étaient réunis,
Tandis qu’au-dessus d’eux
montait une fumée noire,
Ils devisaient. Hébé
leur apporta à boire.
Jupiter mit son
foudre à côté de lui
Et levant son verre
plein du nectar qui reluit,
Dit aux deux dieux
assis sur le même nuage :
« Mars, mon
frère, Junon, ma sœur. Les humains volages
Nous oublient et
brûlent sans peur nos temples déserts.
Les poètes impies ne
nous chantent plus des vers
Et au lieu de
trembler, rient quand ils entendent
Nos noms terrifiants !
De leurs douces offrandes
En nous dédaignant,
les insignifiants mortels
N’appesantissent plus
nos somptueux autels,
Ils adorent un dieu
sans nom et invisible
Qu’ils craignent sans
le voir et qu’ils disent terrible
Et tout-puissant. Ils
ploient devant notre rival
Leurs genoux, en
tremblant de son courroux fatal
Et en lui disant,
dans l’ombre et dans la lumière,
Pour qu’il leur
pardonne leurs péchés, nos prières !
Ils assassinent nos
fidèles adorateurs
Etouffés par l’encens,
victimes de leur fureur !
Nos frères ont péri
et nos sœurs sont mortes !
Je vois leurs dépouilles
que la mer emporte,
Que dévore la terre
et que consume le soleil,
L’univers est empli
de leurs lambeaux vermeils
Et des sombres
morceaux de leurs statues brisées.
Je suis le dieu des
dieux et des hommes la risée,
Moi, Jupiter, divin
maître du firmament !
Que devons-nous faire ? »
Mars songea un moment
En regardant la lame
de son épée énorme
Et répondit : « Les
hommes périront par leurs armes.
Dans les champs de
bataille, les frères s’occiront
Et le sang lavera
leur indicible affront !
Le père tuera le
fils, le fils tuera le père
Et les filles dans
leurs lits assassineront les mères
Puis dans leurs cœurs
remplis de honte et de remords
Plongeront leurs
dagues et se donneront la mort.
Par le loup et par le
vautour ! Leurs cris sombres,
Quand l’univers sera
plein de sang et d’ombre
Au lieu de leurs
prières, monteront jusqu’à nous
Et berceront notre
invincible courroux !
Quant à ce dieu
terrible, aux sangliers sauvages,
Aux hyènes et aux
lions qui le déchirent avec rage,
Je donnerai chaque jour
un morceau de lui. »
Junon caressa son
paon docile, puis
Dit à ses deux frères : « Ces
hommes misérables
Ne méritent que la
mort. Les mères coupables
Seront pareilles à
des arbres aux fruits pourris,
Dans leurs ventres je
tuerai leurs enfants amaigris
Par la faim, et leurs
seins, devenus soudain vides,
A leurs enfants qui
naissent seront homicides,
Car je pense aussi à
les emplir de poison.
Leurs maris, leur
cherchant querelle sans raison,
Fous de jalousie, les
croiront infidèles,
Les tueront et
tueront leurs amants avec zèle
Puis, lucides à nouveau,
périront de dépit
En voyant leurs
dépouilles et pleurant sans répit ! »
Jupiter sourit et dit :
« C’est bien. Ils doivent
Tous périr, et leur sang
rougira les fleuves,
Les ondes des
ruisseaux et les flots de la mer.
En flamme je vais
bientôt transformer l’univers,
Mon foudre que voici
sur ces téméraires
Va tomber, et de vos
supplices sanguinaires,
Pour ne point vous
priver de la joie d’écouter
Leurs râles, ils
gémiront dans l’ombre, épouvantés ! »
Et changeant en
actions ses cruelles paroles,
Le roi des dieux prit
son foudre qui immole
Tout ce qu’il touche,
et reluisant dans sa main,
S’apprêta à le faire
tomber sur les humains.
Soudain une voix
lugubre et farouche
Sortit du néant qui
semblait ouvrir la bouche
Et dans l’immensité
vaste hurla : « Jupiter ! »
Pareil au soleil qui
se lève dans l’éther,
Un robuste vieillard,
tout blanc et sublime,
Apparut. Il avait l’air
doux et magnanime
Quand on regardait
les ténèbres de ses yeux.
A ses côtés deux
hommes ailés et radieux
Se tenaient debout et
armés de leurs épées.
Les trois dieux frémirent.
Nul chant, nulle épopée
Ne louaient les travaux
de ces fiers inconnus.
Dans la main royale
le foudre était devenu
Cendre, et Jupiter
qui le tenait resta pâle.
Sans bouger, sans
dire la moindre parole,
Le vieillard terrible
et qui n’avait point de nom
Tua avec une pensée
Mars et Junon
Et dit à Jupiter :
«Les hommes et le monde
M’appartiennent. Dans
la mer je fais rugir l’onde,
C’est moi qui fais
surgir les épis des sillons,
Qui emplis la nuit d’ombre
et le jour de rayons
Et mets l’enfant dans
le sein de la mère ravie.
Je donne la mort et
je donne aussi la vie.
Jupiter, je suis
Dieu. Ces êtres que tu vois
Sont mes fidèles
soldats et n’obéissent qu’à moi.
Je les ai créés de
feu et les hommes de fange
Et j’ai moi-même
appelé ces vaillants archanges
Michel et Gabriel.
Sache qu’ils sont plus puissants
Que toi et tous tes
frères réunis. Innocents,
Ils ne font point le
mal et ils obéissent.
Obéis toi aussi pour
que je te bénisse,
Sois mon prophète, si
tu veux être sauvé. »
Jupiter ricana et dit :
« Tu as rêvé !
Je t’occirai et je
ressusciterai mes frères,
Et je te châtierai,
vieillard, comme mon père ! »
L’univers tout entier
entendit un grondement
Quand Jupiter tomba
du radieux firmament
Cadavre foudroyé et
accablé de chaînes
Comme une feuille
tombe en hiver d’un grand chêne.
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2180.
vendredi 15 juin 2012
La mort de Jupiter
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