mercredi 18 février 2015

Conte: Norouâs (Partie V)

CONTE: NOROUÂS (PARTIE V)


V. Ce qu’on allait faire au bonhomme, et comment il se tira d’affaire

Avec l’argent que son âne lui faisait,
Le bonhomme devint armateur. On disait
Qu’il était un voleur, en voyant sa flotte,
Ses cent navires et ses courageux pilotes,
Et que pour s’enrichir aussi vite il fallait
Qu’il eût tué quelqu’un. Jusqu’au royal palais
Le bruit courut, tellement il était célèbre,
Et le roi, entendant ses ministres funèbres,
Condamna le vieux à être guillotiné.
A l’échafaud il fut alors acheminé,
Et il y avait, sur la place, plein de monde
Pour contempler de sa mort le spectacle immonde.
Le bonhomme dit, sans lâcheté et sans remords :
« Puisqu’on ne refuse rien aux condamnés à mort,
Hormis qu’ils soient sauvés, ayez la gentillesse
De m’apporter céans mon bâton de vieillesse
Que je le voie encor avant de trépasser. »
On le lui apporta sans s’en embarrasser,
Il le prit à la main et dit à l’assemblée
Qui d’entendre ses fières paroles était troublée :
« Vous n’êtes tous que de vils jaloux sans pitié.
Mon bâton, déplie-toi afin de les châtier,
De ce noir échafaud fais maintenant un vestige. »
Et voilà le bâton qui en l’air voltige ;
Il cassa la tête du bourreau, renversa
Les gendarmes, brisa l’échafaud, traversa
Toute l’assemblée, qu’il rossa avec puissance.
« Arrêtez, mon bonhomme ! De votre innocence
Nous sommes persuadés, et vous serez gracié !
Criait-on. A votre bâton maléficié
Ordonnez, s’il vous plaît, de ne plus nous battre. »
Au bâton enchanté dont il était le maître
Le bonhomme dit : Ora pro nobis. Il cessa
De les rosser, et dans sa main se redressa,
Prêt à punir, s’il le fallait, toute la ville.
Le bonhomme retourna chez lui, enfin tranquille,
Pour lui rechercher noise on était trop peureux,
Jusqu’à la fin de ses jours il vécut heureux.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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