dimanche 15 février 2015

Conte: Norouâs (Partie II)

CONTE: NOROUÂS (PARTIE II)


II. Comment le bonhomme fut dupé par son hôtesse jalouse

Le bonhomme, que ce présent put égayer,
Descendit du mont, puis il voulut essayer
Sa serviette qu’il mit sur l’herbe fraîche et verte.
Il lui dit : « Déplie-toi. » En une table couverte
De pain, de viande et de vin, elle se changea,
Et le bonhomme de bon appétit mangea.
Il revint à l’hôtel où il coucha la veille,
A son hôtesse voulant parler de sa merveille;
Elle lui demanda : « Je vous vois égayé,
Le véhément Norouâs vous a-t-il bien payé ? »
« Ah ! oui, répondit-il. Grâce à cette serviette,
Nul dans cet hôtel ne mangera des miettes,
Et je vais régaler, seul, tous vos invités. »
L’hôtesse se riait de cette fatuité,
Mais voilà que devant ses yeux incrédules
Se dresse une table devant la pendule,
Appesantie d’assiettes, de verres, de pains, de vins,
Qui après le repas, fort copieux, redevint
Une serviette. L’hôtesse, d’admiration muette,
Fit coucher son hôte dans un beau lit, sur une couette
De plumes ; il s’endormit bien vite, et il ronflait
Comme un bienheureux que le voyage essoufflait.
Son hôtesse, qui de son bien était jalouse,
Mit une autre serviette, semblable, dans sa blouse,
Sans qu’il ne s’aperçût, pendant son lourd sommeil.
Quand le ciel commençait à devenir vermeil,
Le bonhomme se leva, et l’âme joyeuse,
Revint à sa demeure. Sa femme laborieuse
Etait contente de le voir aussi content,
Et lui dit : « A chercher Norouâs tu fus longtemps.
T’a-t-il bien payé ? » « Oui, répondit-il, regarde
La belle serviette. » « Vieux sot, tu te hasardes,
S’écria sa femme, à faire ce voyage sans fin
Pour prendre une serviette ! Dans notre pièce de lin
Nous en avions deux cents, plus soyeuses et belles. »
« Ne crie pas, dit-il à sa femme rebelle,
Cette serviette est magique et tu vas le voir. »
Dupé par son hôtesse, la nuit, sans le savoir,
Il commanda à sa serviette de devenir table
Trois ou quatre fois ; plein d’une colère redoutable,
Il ne vit rien venir, et sa femme le raillait.
« Hier, pourtant, je le jure, je ripaillais,
Ainsi que toutes les gens à l’hôtel réunies,
Cria-t-il, grâce à cette serviette bénie,
La même que dans ma main aujourd’hui tu vois !
Norouâs m’a attrapé, mais de ce vieux grivois
Je vais me venger, tu peux en être sûre,
Et avec mon bâton rosser ses flapissures. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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