vendredi 27 février 2015

Conte: La Chèvre blanche (Partie V)

CONTE: LA CHÈVRE BLANCHE (PARTIE V)


V. De quelle manière le capitaine sauva sa fille et se vengea de sa belle-mère

Le capitaine, dont l’ennui était sans bornes,
Tomba gravement malade, et fut huit jours mornes
De ne point retourner à la chasse et revoir
La petite chèvre qu’il se fit un devoir
De caresser chaque jour comme sa fillette.
Dès qu’il alla mieux et fut dans son assiette,
Il revint au château et alla regarder
Si la petite chèvre y était sans tarder,
Mais il ne la vit pas et dit : « Pauvre petite !
Elle est sans doute morte ou a pris la fuite. »
Mais il la chercha et finit par la trouver,
Presque morte, sans que rien ne pût lui prouver
Qu’elle vivrait, cachée sous un buisson prospère,
Malade du chagrin de ne plus voir son père.
« Ah ! te voilà, lui dit son père, fort content,
Ma pauvre petite chèvre ! Pendant longtemps
Je t’ai cherchée, et je te retrouve captive. »
« Bée », répondit-elle d’une voix plaintive.
Il lui donna un peu de pain et du vin frais,
Elle mangea goulûment et elle but d’un trait,
Et se trouva beaucoup mieux. Quelques jours passèrent
Qui de revoir son père chéri la lassèrent,
Mais il se mit en route, et des ruines approchant,
Il vit la marraine de sa fille le cherchant
Qui l’arrêta sans qu’il ne pût le reconnaître.
La fée lui demanda : « Allez-vous chasser, maître ? »
« Oui, répondit le bon capitaine. Je reviens
Voir une jolie chèvre ; est-ce qu’elle vous appartient ? »
« Non, répondit la fée, cette chèvre est pareille
A votre fille, et a sa marque à l’oreille,
Car elle est Euphrosine ; on lui jeta un sort. »
Le père s’évanouit et faillit être mort.
La fée le secourut, il reprit connaissance,
Et elle lui dit : « J’ai mis toute ma puissance
Au service d’Euphrosine, et pour la préserver
De l’ire de sa belle-mère, j’ai observé
De lui donner une bague et une baguette.
Mais s’aidant d’une fée qui toujours la guette,
Elle lui a volé ses biens, et sans regret
L’a fait transformer en cette chèvre qu’en secret
Elle a abandonnée dans ces ruines désertes
En faisant courir le bruit qu’Euphrosine est morte. »
Le capitaine alla à sa fille, et pleurait
De voir que dans ces ruines seule elle demeurait
Et en la voyant qui lui faisait des caresses
Et à sa marraine, pour lui dire sa détresse,
Qui, comme une mère, pleurait abondamment.
« Pour avoir traité ma fille aussi méchamment,
Je vais la châtier d’une verte manière ;
L’heure où je la vais voir sera sa dernière !
S’écria le père, terriblement fâché.
Dites-moi, s’il vous plaît, où cette femme a caché
La baguette que lui a volée sa complice. »
La fée répondit : « Elle est dans une coulisse
Au-dessus de l’armoire de votre femme. Revenez
Quand vous l’aurez, avec la bague, et les menez. »
Le père embrassa la chèvre et lui dit : « Ma chère,
Attends-moi ici et aie foi en ton père.
Je viendrai pour te sauver, ou je viendrai
Vivre avec toi ici, et je te défendrai
Au prix de ma vie, s’il le faut ; sois-en sûre,
Je châtierai comme il se doit cette flétrissure. »
La fée lui dit : « Hâtez-vous d’y aller, avant
Que votre femme par sa fée aux yeux savants
De tout ce qui se passe ici soit avertie. »
Il courut aussitôt, vaillant, à la sortie,
Alla au village et y loua un cheval
Et brava les ombres des profonds bois rivals.
Il trouvait sa femme, qui voulait défaire
La cachette, avertie par la fée, et fit taire
Le bruit de ses pas, se glissa rapidement
Derrière elle, et lui prit la bague fermement
Ainsi que la baguette, revint sur sa monture
Aux ruines, et à la fin de son aventure,
Y trouva la bonne fée. Quand il lui donna
La baguette et la bague, le bonhomme s’étonna
De l’entendre dire à sa fille : « Maintenant touche
Ses objets avec tes pieds. » Sans être farouche,
La chèvre mit ses pieds sur les objets précieux,
Et fut démorphosée. La fille au front gracieux
Embrassa son père et sa bonne marraine.
Elle revint avec lui à sa maison, sereine,
Et sauta au cou de sa bienveillante sœur
Qu’elle aimait, elle aussi, et qui avait bon cœur.
La méchante belle-mère criminelle
Se cacha pour fuir la colère solennelle
De son mari, qui sut que sa femme s’abritait
Dans la cheminée, que maintenant elle habitait
Comme elle fit habiter à sa fille les ruines.
Pour châtier comme il se devait cette gouine,
Le capitaine fit monter un ramoneur
Bouchant la cheminée, et vengea son honneur
Et sa fille chérie, qui pensa être morte,
En y mettant vingt-cinq fagots, de telle sorte
Qu’il brûla sa femme qui ne put en sortir.
Quand le capitaine finit de la rôtir,
Il demeura, heureux, avec ses deux filles,
Et il prit pour femme la marraine gentille.

[FIN DU CONTE: LA CHÈVRE BLANCHE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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