CONTE: LA CHÈVRE BLANCHE (PARTIE V)
V. De quelle manière le capitaine sauva sa fille et
se vengea de sa belle-mère
Le capitaine,
dont l’ennui était sans bornes,
Tomba gravement
malade, et fut huit jours mornes
De ne point
retourner à la chasse et revoir
La petite chèvre
qu’il se fit un devoir
De caresser
chaque jour comme sa fillette.
Dès qu’il alla
mieux et fut dans son assiette,
Il revint au
château et alla regarder
Si la petite
chèvre y était sans tarder,
Mais il ne la
vit pas et dit : « Pauvre petite !
Elle est sans
doute morte ou a pris la fuite. »
Mais il la
chercha et finit par la trouver,
Presque morte,
sans que rien ne pût lui prouver
Qu’elle vivrait,
cachée sous un buisson prospère,
Malade du
chagrin de ne plus voir son père.
« Ah !
te voilà, lui dit son père, fort content,
Ma pauvre petite
chèvre ! Pendant longtemps
Je t’ai
cherchée, et je te retrouve captive. »
« Bée »,
répondit-elle d’une voix plaintive.
Il lui donna un
peu de pain et du vin frais,
Elle mangea
goulûment et elle but d’un trait,
Et se trouva
beaucoup mieux. Quelques jours passèrent
Qui de revoir
son père chéri la lassèrent,
Mais il se mit
en route, et des ruines approchant,
Il vit la
marraine de sa fille le cherchant
Qui l’arrêta
sans qu’il ne pût le reconnaître.
La fée lui
demanda : « Allez-vous chasser, maître ? »
« Oui,
répondit le bon capitaine. Je reviens
Voir une jolie
chèvre ; est-ce qu’elle vous appartient ? »
« Non,
répondit la fée, cette chèvre est pareille
A votre fille,
et a sa marque à l’oreille,
Car elle est
Euphrosine ; on lui jeta un sort. »
Le père s’évanouit
et faillit être mort.
La fée le
secourut, il reprit connaissance,
Et elle lui dit : « J’ai
mis toute ma puissance
Au service d’Euphrosine,
et pour la préserver
De l’ire de sa
belle-mère, j’ai observé
De lui donner
une bague et une baguette.
Mais s’aidant d’une
fée qui toujours la guette,
Elle lui a volé
ses biens, et sans regret
L’a fait
transformer en cette chèvre qu’en secret
Elle a
abandonnée dans ces ruines désertes
En faisant
courir le bruit qu’Euphrosine est morte. »
Le capitaine
alla à sa fille, et pleurait
De voir que dans
ces ruines seule elle demeurait
Et en la voyant
qui lui faisait des caresses
Et à sa
marraine, pour lui dire sa détresse,
Qui, comme une
mère, pleurait abondamment.
« Pour
avoir traité ma fille aussi méchamment,
Je vais la
châtier d’une verte manière ;
L’heure où je la
vais voir sera sa dernière !
S’écria le père,
terriblement fâché.
Dites-moi, s’il
vous plaît, où cette femme a caché
La baguette que
lui a volée sa complice. »
La fée répondit : « Elle
est dans une coulisse
Au-dessus de l’armoire
de votre femme. Revenez
Quand vous l’aurez,
avec la bague, et les menez. »
Le père embrassa
la chèvre et lui dit : « Ma chère,
Attends-moi ici et
aie foi en ton père.
Je viendrai pour
te sauver, ou je viendrai
Vivre avec toi
ici, et je te défendrai
Au prix de ma
vie, s’il le faut ; sois-en sûre,
Je châtierai
comme il se doit cette flétrissure. »
La fée lui dit : « Hâtez-vous
d’y aller, avant
Que votre femme
par sa fée aux yeux savants
De tout ce qui
se passe ici soit avertie. »
Il courut
aussitôt, vaillant, à la sortie,
Alla au village
et y loua un cheval
Et brava les ombres
des profonds bois rivals.
Il trouvait sa
femme, qui voulait défaire
La cachette,
avertie par la fée, et fit taire
Le bruit de ses
pas, se glissa rapidement
Derrière elle,
et lui prit la bague fermement
Ainsi que la
baguette, revint sur sa monture
Aux ruines, et à
la fin de son aventure,
Y trouva la
bonne fée. Quand il lui donna
La baguette et
la bague, le bonhomme s’étonna
De l’entendre
dire à sa fille : « Maintenant touche
Ses objets avec
tes pieds. » Sans être farouche,
La chèvre mit
ses pieds sur les objets précieux,
Et fut
démorphosée. La fille au front gracieux
Embrassa son
père et sa bonne marraine.
Elle revint avec
lui à sa maison, sereine,
Et sauta au cou
de sa bienveillante sœur
Qu’elle aimait,
elle aussi, et qui avait bon cœur.
La méchante belle-mère
criminelle
Se cacha pour
fuir la colère solennelle
De son mari, qui
sut que sa femme s’abritait
Dans la
cheminée, que maintenant elle habitait
Comme elle fit
habiter à sa fille les ruines.
Pour châtier
comme il se devait cette gouine,
Le capitaine fit
monter un ramoneur
Bouchant la
cheminée, et vengea son honneur
Et sa fille
chérie, qui pensa être morte,
En y mettant
vingt-cinq fagots, de telle sorte
Qu’il brûla sa
femme qui ne put en sortir.
Quand le
capitaine finit de la rôtir,
Il demeura,
heureux, avec ses deux filles,
Et il prit pour
femme la marraine gentille.
[FIN DU CONTE: LA CHÈVRE BLANCHE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2164.
vendredi 27 février 2015
Conte: La Chèvre blanche (Partie V)
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