CONTE: LA CHÈVRE BLANCHE (PARTIE IV)
IV. Le retour du capitaine, et comment il vit sa
fille, changée en chèvre blanche
Quand le
capitaine des ondes fut revenu,
Il pleurait de
dépit, le brave homme chenu,
Et de perdre sa
fille était inconsolable,
Qui à sa défunte
femme était semblable.
Il se lassa,
riche et par le sort fatigué,
D’errer de mer
en mer et toujours naviguer,
Et allait à la
chasse afin de se distraire.
Sa femme ne
voulait point le laisser faire,
Et par maintes
ruses des bois le détournait
Pour l’éloigner
des ruines où sa fille séjournait,
Qui de beaucoup
d’oiseaux étaient le refuge.
Mais il chassait
toujours malgré ses subterfuges ;
Un jour, il alla
aux ruines qu’elle redoutait
Et vit la
mignonne chevrette qui broutait
Dans les anciens
jardins du château fertiles,
Et qui le contemplait,
charmante et subtile.
« Ah !
elle est bien jolie, cette chèvre au blanc manteau !
S’écria-t-il.
Que fait-elle en ce vieux château,
Et comment
est-elle dans ces ruines tombée ? »
Elle le
reconnut, et en disant : « Bée, bée »
D’une voix bien
douce, vint lui lécher les mains,
Et lui la
caressait, ému. « Comme un humain,
S’étonna-t-il,
elle me regarde, et est pareille
A ma fille, et
elle a sa marque à l’oreille. »
Du château
délabré il voulait la sortir,
Mais un maléfice
l’empêchait de partir.
Son père s’éloigna,
la croyant rebelle,
Et revint chez
lui. De cette chèvre si belle
A sa fille
Césarine il parlait tout le soir,
Et le lendemain
lui promit d’aller la voir.
« Ah !
s’écria-t-il, c’est moi qui vis cette chèvre
Qui me semblait
avoir le sourire aux lèvres !
Qu’elle est blanche
et belle, que ces yeux sont beaux !
Comme ma fille
Euphrosine, hélas, dans son tombeau,
Elle a une
marque à l’oreille. Après l’aurore,
Nous verrons
cette chèvre qui doit hanter encore
Les ruines du
château. Demain tu la verras,
Et je pense que,
comme moi, elle te plaira. »
Césarine, qui
savait que cette chèvre errante
Etait sa sœur,
feignit d’être un peu souffrante,
Pour qu’elle n’allât
pas aux ruines et restât.
Mais le
capitaine pour l’emmener insista,
Et elle y fut
avec lui. La chèvre blanche
Etait joyeuse
comme un oiseau sur sa branche
En voyant sa sœur,
et de la queue frétillait ;
Elle se frottait
contre elle comme si elle suppliait,
Et la douce
Césarine s’émut jusqu’aux larmes.
« Pourquoi
pleures-tu et qu’est-ce qui t’alarme ? »
Demanda son
père. « Ah ! père, je voudrais
L’emmener à la
maison, cette chèvre, et la prendrais
Bien volontiers
avec nous. » Répondit-elle.
Mais la chèvre,
en voulant partir, était telle
Une statue de
pierre, et ne pouvait bouger,
Ce qui n’était
pas, tous deux, sans les affliger.
Quand ils furent
rentrés à la maison ensemble,
La méchante
femme demanda : « Il me semble
Que la chèvre n’est
point là. Pour quelle raison
Ne l’avez-vous
point fait venir à la maison ? »
« Elle ne veut
pas venir, répondit le père,
Elle est
effarouchée, mais demain j’espère
Que tu viendras
avec nous, car tu l’aimeras
Et la voir,
comme nous, je crois, te charmera,
Car elle te
rappellera notre fille défunte. »
La belle-mère
tenta, avec mille feintes,
De ne point y
aller. Mais son tenace époux
S’écria : « Quoi !
de voir cette chèvre au front si doux
Qu’est-ce qui te
retient ? Non, il faut que tu viennes. »
Elle alla avec
eux aux ruines anciennes
En tremblant de
peur. La chèvre, au lieu de bêler
En entendant son
père et sa sœur l’appeler,
Et de venir,
joyeuse comme à l’ordinaire,
Fuit sa
belle-mère comme un loup sanguinaire.
« Ah !
dit le capitaine, c’est bien singulier !
Elle nous a vus
hier et ne peut oublier
Que les autres
jours elle nous a fait mille caresses ! »
Il alla tout
seul aux ruines, et sans paresse
La chèvre venait
le caresser en bêlant ;
Mais dès qu’elle
voyait sa mère s’en allant,
Elle se cachait
et semblait bien effrayée,
Alors qu’elle
était très douce et bien égayée.
« Il faut,
dit-il à sa femme tremblant de peur
Et qui souriait
pourtant d’un sourire trompeur,
Qu’à cette
chèvre tu aies fait quelque chose. »
« Moi !
répartit-elle, je suis bien morose
De vous entendre
dire cela. Je n’ai point vu
Cette chevrette
avant, et je n’ai jamais su
Qu’elle était
dans ces ruines appesanties d’ombres. »
Ce jour-là
encore, le père était bien sombre
En revenant chez
lui sans qu’il ne pût emmener
Cette chèvre,
pour la caresser et l’affener.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2164.
mardi 24 février 2015
Conte: La Chèvre blanche (Partie IV)
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