samedi 17 janvier 2015

Conte: Le Cordon enchanté (Partie V)

CONTE: LE CORDON ENCHANTÉ (PARTIE V) 


V. Ce que le jeune mousse fit pour devenir un jeune roi

Les gens de la ville criaient au miracle,
Et le petit mousse qui vainquit tant d’obstacles
Devint la fable de tous les conteurs éblouis.
Le roi ne tarda à ouïr parler de lui.
Il avait deux filles qui le faisaient vivre
Ravies par de fées qui demeuraient sous son louvre,
Et personne ne pouvait, hélas, les délivrer.
Il se disait : « Ah ! Si ce mousse pouvait œuvrer
A la libération de mes filles chéries,
Mon âme de mille tourments serait guérie !
Oserait-il des bêtes qui les gardent s’approcher ? »
Et le roi ordonna qu’on allât le chercher
Et lui dit : « Mes deux filles ont été enlevées ;
Peut-être que grâce à toi elles seront sauvées,
Car j’ai ouï dire que tu ne crains pas le danger.
De malfaisantes fées les ravirent pour se venger ;
Elles vinrent demeurer sous mon louvre, et faisaient
De la musique et des danses qui nous pesaient
Au point d’empêcher tout le monde de dormir.
Sourdes à mes propos, je les punis sans frémir,
J’ai détruit leur foyer et je les ai chassées
Et en ai cru ma cour enfin débarrassée,
Mais ces friponnes sont revenues pour m’alarmer,
Emporter mes deux filles, et les transformer,
Elles qui sont si belles, en singesses bien laides.
Tous les preux tremblent de leur apporter de l’aide,
Car elles sont sur une île, dans un château gardé
Par les bêtes les plus fauves, par les flots regardé.
Tous les navires qui ont tenté l’aventure
Ont été détruits par ces cruelles créatures,
Et leurs équipages ont été dévorés. »
« De sauver vos filles je serai honoré,
Dit le mousse, mais quelle sera ma récompense ? »
« Tu épouseras de mes filles celle que tu penses
Etre la mieux des deux, et que tu vas choisir,
Et qui obéira, comme moi, à ton désir.
L’une s’appelle la Fleur Sans Pareille, elle est plus belle
Que sa sœur, bonne comme le bon pain, qui s’appelle
Bonté Sans Égale. En plus tu deviendras roi
Si tu les ramènes saines et sauves à cet endroit. »
« Sire, je vais essayer, répondit le mousse.
Faites-moi faire, pour que j’aille à leur rescousse,
Un grand tonneau, par des douves de cornes éclairé. »
Le roi fit venir cent tonneliers, affairés
Par la demande du jeune garçon, qui construisirent
Chacun un tonneau. Le roi et le mousse choisirent
Celui qui était le plus grand et le plus beau,
Aussi radieux que s’il contenait mille flambeaux.
Ne voulant que personne ne vînt l’y suivre,
Il fit mettre de l’eau, du vin et des vivres
Dans son grand tonneau, et tout ce qu’il lui fallait.
Tous étaient venus pour le voir quand il allait
Partir à l’aventure, saluant son courage.
Quand il sentit flotter son magnifique ouvrage,
Il dit à son cordon : « Emmène-moi aussitôt
Pour que je sauve les princesses, vers le château. »
Le tonneau alla, plus que le vent rapide,
Connaissant son chemin, sur les flots limpides.
Arrivé au château, il s’arrêta lentement.
Le mousse dit : « Pour que j’aille dans l’appartement
Où les deux princesses sont retenues captives,
Qu’il se forme un passage de manière furtive,
Pour que les bêtes n’arrivent jamais à me cibler. »
Les monstres à travers l’eau hurlaient à faire trembler,
Mais ils ne purent point assaillir le jeune homme.
Il entra dans la chambre où il vit les deux dames
Transformées en singesses. D’un air fort étonné,
L’une d’elles lui dit : « Qui vous a ici amené ?
La mort vous attend, car les bêtes vous sentent
Et de vous voir venir ne seront point contentes. »
« Nul mal ne me sera fait, leur dit le marin.
Prenons des provisions et nous quitterons, sereins,
Ces lieux lugubres dont vous êtes prisonnières. »
Les deux singesses sourirent d’une douce manière
Et remercièrent le jeune homme qui leur parut preux.

Le roi de revoir ces filles fut bien heureux,
Et il y eut dans toute la ville des réjouissances
Comme à l’aurore commune de leurs deux naissances ;
Mais de les voir ainsi il était contrarié,
Et quand notre jeune mousse fut par lui prié
De rendre aux princesses leurs formes originelles,
Il le fit, et les deux beautés fraternelles
Etaient pareilles à deux jours au ciel reluisant.
Le roi dit au garçon : « Je vais te faire présent,
Comme convenu, de tout mon royaume vaste.
De ces deux princesses, qui sont belles et chastes,
Choisis celle que tu voudras bien épouser
Et comme son père ne va rien te refuser. »
Le jeune homme dit : « Pour que nulle ne soit jalouse,
Consentez qu’elles soient toutes les deux mes épouses. »
Le roi accepta. Les noces durèrent sept nuits.
Les deux princesses vécurent heureuses et sans ennuis,
Protégées des fées et de tous les monstres hideux,
Avec leur époux qui les aimait toutes les deux.

[FIN DU CONTE: LE CORDON ENCHANTÉ]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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