CONTE: L'OISEAU BLEU (PARTIE V)
V. Comment le mari se vengea de sa femme et de la
servante, et ce qui arriva après
Il revint au pays où il prit épouse,
Et voulut châtier sa femme de ses biens
jalouse,
Qui l’abandonna sur cette île sans remords
Et sans se soucier s’il était vivant ou
mort.
Déguisé en marchand de légumes, pour
paraître,
Il alla crier deux fois sous ses
fenêtres :
« Au beau céleri ! au beau
céleri ! » au même instant,
La servante de sa femme au cœur inconstant
Se hâta de descendre. Plus que la bonne
viande,
Sa maîtresse de cette salade était
friande ;
Ne reconnaissant point le mari, elle
acheta,
Sans que l’idée d’une ruse ne l’arrêtât,
Une botte du céleri qui transforme en
âne,
Et alla présenter à sa maîtresse cette
manne.
Le mari se cacha dans la maison, et vit
Les deux femmes apprêtant le céleri, l’air
ravi,
Pour le dîner. Mais, dès que les deux en
mangèrent,
En ânesses bruyantes elles se
changèrent.
Le mari parut et leur dit qui il était
Et que dans cette île que personne n’habitait
D’avoir été laissé il était en colère.
Les deux femmes, qui dans leur langage parlèrent,
Brayèrent d’effroi d’un fort et
lamentable ton.
Il les chassa devant lui à coups de
bâton
Et les fit descendre toutes deux à l’écurie
Où, de leur misérable destinée ahuries,
Il ne leur donna, comme nourriture, que
du foin,
De les punir comme il se devait prenant
soin.
Le lendemain il vit, courbant leurs
pauvres têtes,
Un marchand de charbon qui conduisait
deux bêtes
Qui pliaient sous le faix et qui
semblaient gémir.
« Bonhomme, lui dit-il, je vois tes
ânesses blêmir,
Elles sont bien vieilles et de porter
tes faix lasses ;
J’ai deux ânes encombrants, prends-les à
leur place. »
« Je veux bien, car vous ne me
semblez pas ânier,
Vous en débarrasser. » lui dit le
charbonnier.
De l’écurie il fit sortir les ânesses,
Et, content de leur force et de leur
jeunesse,
Le bonhomme leur mit tous ses sacs sur
le dos,
Sans qu’il leur épargnât, en plus de ce
fardeau,
Les coups de bâton. Toutes les fois qu’elles
passaient
Devant leur demeure, ces coups les en
chassaient,
Et elles semblaient y vouloir toujours
revenir.
Mais le mari voulait encore les punir
Car sa colère était contre elles
terrible.
Pendant huit jours, elles firent ce
métier pénible
Qui les fatigua et rapidement les
maigrit.
Alors leur maître, qui était toujours
aigri,
Leur permit de rentrer toutes deux à l’étable.
Leur séjour n’y était pas très agréable
Car leur mari leur fit faire de rudes
travaux,
Et, la nuit, les faisait dormir dans un
caveau.
Une année entière passa de la sorte
Au bout de laquelle la femme, presque
morte,
Fit comprendre au mari par elle
déshonoré
Que c’était bien elle qui avait dévoré
Le cœur de l’Oiseau bleu, et qu’elle
était prête
A le restituer, mais que sa seule
requête
Consistait à devenir humaine comme elle
l’était.
En le lui disant, la pauvre ânesse
haletait,
Et le mari, bien qu’elle lui fût
infidèle,
Finit par s’adoucir et avoir pitié d’elle.
Il apporta la botte de céleri qu’il
cachait,
Les deux ânesses, que sa vengeance
effarouchait,
Ne voulurent point y goûter, d’effroi
pleines.
Le mari, devant elles, devint d’abord
âne
Puis homme. Rassurées, elles en
mangèrent également,
Et au moyen du fil d’argent,
naturellement,
La femme rendit le cœur à son mari
sévère.
Ils s’excusèrent l’un et l’autre, et se
trouvèrent
De nouveau unis. Le mari trouva aussi
Ses pièces d’or. Un an après, sa femme
grossit
Et mit au monde deux garçons beaux comme
l’aurore,
Et qu’ils marièrent à des princesses qu’ils
aiment encore.
[FIN DU CONTE: L'OISEAU BLEU]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2166.
lundi 29 décembre 2014
Conte: L'Oiseau bleu (Partie V)
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