lundi 29 décembre 2014

Conte: L'Oiseau bleu (Partie V)

CONTE: L'OISEAU BLEU (PARTIE V)


V. Comment le mari se vengea de sa femme et de la servante, et ce qui arriva après

Il revint au pays où il prit épouse,
Et voulut châtier sa femme de ses biens jalouse,
Qui l’abandonna sur cette île sans remords
Et sans se soucier s’il était vivant ou mort.
Déguisé en marchand de légumes, pour paraître,
Il alla crier deux fois sous ses fenêtres :
« Au beau céleri ! au beau céleri ! » au même instant,
La servante de sa femme au cœur inconstant
Se hâta de descendre. Plus que la bonne viande,
Sa maîtresse de cette salade était friande ;
Ne reconnaissant point le mari, elle acheta,
Sans que l’idée d’une ruse ne l’arrêtât,
Une botte du céleri qui transforme en âne,
Et alla présenter à sa maîtresse cette manne.
Le mari se cacha dans la maison, et vit
Les deux femmes apprêtant le céleri, l’air ravi,
Pour le dîner. Mais, dès que les deux en mangèrent,
En ânesses bruyantes elles se changèrent.
Le mari parut et leur dit qui il était
Et que dans cette île que personne n’habitait
D’avoir été laissé il était en colère.
Les deux femmes, qui dans leur langage parlèrent,
Brayèrent d’effroi d’un fort et lamentable ton.
Il les chassa devant lui à coups de bâton
Et les fit descendre toutes deux à l’écurie
Où, de leur misérable destinée ahuries,
Il ne leur donna, comme nourriture, que du foin,
De les punir comme il se devait prenant soin.
Le lendemain il vit, courbant leurs pauvres têtes,
Un marchand de charbon qui conduisait deux bêtes
Qui pliaient sous le faix et qui semblaient gémir.
« Bonhomme, lui dit-il, je vois tes ânesses blêmir,
Elles sont bien vieilles et de porter tes faix lasses ;
J’ai deux ânes encombrants, prends-les à leur place. »
« Je veux bien, car vous ne me semblez pas ânier,
Vous en débarrasser. » lui dit le charbonnier.
De l’écurie il fit sortir les ânesses,
Et, content de leur force et de leur jeunesse,
Le bonhomme leur mit tous ses sacs sur le dos,
Sans qu’il leur épargnât, en plus de ce fardeau,
Les coups de bâton. Toutes les fois qu’elles passaient
Devant leur demeure, ces coups les en chassaient,
Et elles semblaient y vouloir toujours revenir.
Mais le mari voulait encore les punir
Car sa colère était contre elles terrible.
Pendant huit jours, elles firent ce métier pénible
Qui les fatigua et rapidement les maigrit.
Alors leur maître, qui était toujours aigri,
Leur permit de rentrer toutes deux à l’étable.
Leur séjour n’y était pas très agréable
Car leur mari leur fit faire de rudes travaux,
Et, la nuit, les faisait dormir dans un caveau.
Une année entière passa de la sorte
Au bout de laquelle la femme, presque morte,
Fit comprendre au mari par elle déshonoré
Que c’était bien elle qui avait dévoré
Le cœur de l’Oiseau bleu, et qu’elle était prête
A le restituer, mais que sa seule requête
Consistait à devenir humaine comme elle l’était.
En le lui disant, la pauvre ânesse haletait,
Et le mari, bien qu’elle lui fût infidèle,
Finit par s’adoucir et avoir pitié d’elle.
Il apporta la botte de céleri qu’il cachait,
Les deux ânesses, que sa vengeance effarouchait,
Ne voulurent point y goûter, d’effroi pleines.
Le mari, devant elles, devint d’abord âne
Puis homme. Rassurées, elles en mangèrent également,
Et au moyen du fil d’argent, naturellement,
La femme rendit le cœur à son mari sévère.
Ils s’excusèrent l’un et l’autre, et se trouvèrent
De nouveau unis. Le mari trouva aussi
Ses pièces d’or. Un an après, sa femme grossit
Et mit au monde deux garçons beaux comme l’aurore,
Et qu’ils marièrent à des princesses qu’ils aiment encore.

[FIN DU CONTE: L'OISEAU BLEU]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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