dimanche 28 décembre 2014

Conte: L'Oiseau bleu (Partie II)

CONTE: L'OISEAU BLEU (PARTIE II)


II. A quel prix le fils du roi acheta l’oiseau, et ce que les deux frères en firent

Quelque temps après, le fils du roi, qui chassait
Dans la forêt, et qui dans son chemin passait
Près de la demeure de la veuve, où elle enferme
Son précieux oiseau, entra à la ferme
Pour demander à boire, étant très assoiffé.
Il vit l’oiseau de son panache bleu coiffé,
Et, ébloui, oublia sa soif dévorante.
Sur ses plumes il lut l’inscription suivante :
« Celui qui mangera ma tête sera roi,
Et celui qui mangera mon cœur aura droit,
Tous les matins, à un monceau d’or sous sa tête. »
Fasciné par cette magnifique bête,
Le prince s’écria, voyant la veuve venir,
Tout fils de roi qu’il fût ne pouvant se retenir :
« Bonne femme, vendez-moi ce bel oiseau, je vous prie !
Je vous l’achèterai cher et sans duperie
Et je vous compterai sur-le-champ mille francs. »
« Ah ! mère, s’écrièrent les enfants en pleurant,
Ne vendez pas notre oiseau à cet homme !
S’il n’était plus dans la même maison où nous sommes
Nous serions bien tristes de ne plus le revoir. »
« Seigneur, répondit la veuve, pour tous vos avoirs,
Je ne puis vendre cet oiseau au beau plumage
Qui plaît à mes enfants par son doux ramage. »
« Hé bien ! dit le fils du roi, tenace. Je paierai
Autrement, madame, et je me marierai
A votre fille dont je ferai ma princesse,
A condition qu’on me serve, le jour des noces,
Le petit oiseau bleu que voici comme dîner. »
Cette proposition vint encore chagriner
Les garçons éplorés de cette perte cruelle.
Mais leur sœur, qui était en vérité fort belle
Et trouva le prince bien charmant, les pria
D’y consentir, et à sa mère s’écria
Qu’elle voulait devenir princesse. Les frères
Contemplaient leur cadette qui leur était plus chère
Que la prunelle de leurs yeux, et à contrecœur,
Finirent par céder aux prières de leur sœur.

Quand le jour du mariage arriva, tragique
Pour les frères et pour le pauvre oiselet magique,
Ce dernier, qui chanta avant son noir départ,
Tué et plumé, pour qu’on le servît à part
Au fils du roi, fut mis dans une petite casserole
Et cuit avec quelques délicieuses giroles.
Les frères, qui ignoraient les pouvoirs de l’oiseau
Et pourquoi le fils du roi qui, dans ses réseaux,
Dut capturer mille bêtes plus succulentes,
Voulait le manger, eurent l’idée excellente
D’en goûter. D’ombre tous les deux enveloppés,
Ils allèrent, pendant que tous étaient occupés
Aux apprêts de la noce, aux cuisines royales.
Bien que leurs âmes fussent à leur sœur loyales,
Ils mangèrent tout l’oiseau, comme des voleurs gourmands,
Et, trouvant ce qu’ils firent brusquement alarmant,
Mirent dans la casserole une mésange ordinaire.
Craignant du fils du roi la colère sanguinaire,
Ils s’enfuirent le soir même, et allèrent se cacher
Dans la forêt, pour qu’on ne vînt point les chercher.
Le prince, cependant, empli de songerie,
Mangea, sans se douter de la supercherie,
Le cœur et la tête du second animal.
La trahison des deux frères leur faisait mal,
Mais, malgré leurs remords, dans la forêt sombre,
Ils s’endormirent, la nuit, au pied d’un arbre.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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