lundi 29 décembre 2014

Conte: L'Oiseau bleu (Partie IV)

CONTE: L'OISEAU BLEU (PARTIE IV)


IV. Ce que l’épouse cupide fit à son mari

Le lendemain du mariage, la femme, en faisant
Le lit de son mari, trouva de l’or pesant
Sous son oreiller, et elle en vit encore
Tous les jours suivants, à chaque nouvelle aurore.
Elle en fit de quelques pièces le menu larcin,
Mais, étant plus cupide, alla voir un médecin
Docte en magie et en puissants sortilèges,
Qui lui dit : « Votre époux a ce privilège
Car il a mangé le cœur de l’Oiseau bleu. Ceux
Qui de le posséder dans leur sein sont chanceux
Jouiront à sa place de ce présent rare. »
La femme, qui était malfaisante et avare,
Promit une récompense au savant magicien
Si, à l’aide d’une ruse ou d’un charme ancien,
Il pouvait la rendre de ce cœur possesseuse.
Ce dernier fit tourner sa prunelle connaisseuse
Malicieusement, et lui donna un fil d’argent
En lui disant que, dans son sommeil le plongeant
Dans sa bouche, elle pourrait retirer à elle
Le cœur de l’Oiseau bleu. La femme cruelle
Réussit à le faire, et, quand elle l’avala
Et du cœur enchanté sans peur se régala,
Elle trouvait chaque jour les pièces reluisantes
Au lieu de son époux, jaunes et séduisantes.
Le pauvre mari, lui, en fut dépossédé,
Et, par cette perte cruelle obsédé,
Faillit en perdre la raison et devint blême.
Il n’imaginait point que sa femme qui l’aime
Lui avait usurpé le cœur à son insu.
L’appétit des avares étant toujours pansu,
La femme, qui acquit une richesse rapide,
De se défaire de son homme eut l’idée limpide,
Craignant qu’il ne vînt à découvrir son secret.
Elle en médita le moyen le plus discret,
Et elle lui proposa, la journée suivante,
De voyager en mer avec leur servante.
D’un esprit malveillant projet sombre et hideux !
Auprès d’une île où ils abordèrent tous les deux
Le vaisseau s’arrêta. Mais l’épouse volage,
Quand le mari se fut écarté du rivage,
Regagna le navire qui les avait amenés
Avec la même ardeur qu’un fuyard forcené,
Et, laissant sur l’île son pauvre mari pâle,
Loin d’elle et de lui déploya les voiles.
Le soleil, qui avait fort longtemps rayonné,
Cessait de reluire. Le mari abandonné
Ne trouva ni femme, ni servante, ni navire,
Comme si les ondes et les vents les lui ravirent.
En revenant au rivage. Il se mit à crier,
A appeler au secours, à gémir, à prier,
Mais le navire, se perdant dans les ondes,
Etait comme englouti par la mer profonde.
Malgré ses larmes et sa douleur, lorsqu’il sentit,
Fatigué du voyage, lui venir l’appétit,
Il se mit à chercher de la nourriture
Pour assouvir la faim vorace qui le torture.
Il arriva dans une vallée où il trouva
Une plante qui, sans que rien ne le prouvât,
Lui sembla du céleri, des bêtes intouchée.
Il en mangea, mais dès les premières bouchées,
Fut transformé en âne. De loin il aperçut
Une autre espèce de céleri, et conçut
Qu’elle pourrait lui rendre sa première forme.
Il en mangea beaucoup, sa faim étant énorme,
Et redevint humain dès qu’il en eut brouté.
A aucun autre mets il ne pouvait goûter,
Puisqu’il n’y avait, sur l’île, que des arbres maigres
Qui portaient quelques fruits décolorés et aigres,
Et il eut l’idée qu’il lui conviendrait bien mieux
Pour pâturer, d’être âne plutôt qu’homme en ces lieux.
Il passa deux ans sur cette île déserte
Et de nul autre humain ne fit la découverte.
Un jour qu’il broutait, ne s’y attendant point,
Il vit une barque qui venait de loin,
Et mangea du céleri pour redevenir homme.
Il fit des signaux, en criant de toute son âme,
Aux gens de la barque, et ceux-ci le virent enfin,
Et, alors qu’ils allaient partir, sur les confins
De l’île s’arrêtèrent, et ils recueillirent
Le pauvre homme, que de questions ils assaillirent,
Et qui de couper deux bottes de céleri eut soin,
Sachant qu’il en aurait par la suite besoin.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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