CONTE: L'OISEAU BLEU (PARTIE IV)
IV. Ce que l’épouse cupide fit à son mari
Le lendemain du mariage, la femme, en
faisant
Le lit de son mari, trouva de l’or
pesant
Sous son oreiller, et elle en vit encore
Tous les jours suivants, à chaque
nouvelle aurore.
Elle en fit de quelques pièces le menu
larcin,
Mais, étant plus cupide, alla voir un
médecin
Docte en magie et en puissants
sortilèges,
Qui lui dit : « Votre
époux a ce privilège
Car il a mangé le cœur de l’Oiseau bleu.
Ceux
Qui de le posséder dans leur sein sont
chanceux
Jouiront à sa place de ce présent rare. »
La femme, qui était malfaisante et
avare,
Promit une récompense au savant magicien
Si, à l’aide d’une ruse ou d’un charme
ancien,
Il pouvait la rendre de ce cœur possesseuse.
Ce dernier fit tourner sa prunelle
connaisseuse
Malicieusement, et lui donna un fil d’argent
En lui disant que, dans son sommeil le
plongeant
Dans sa bouche, elle pourrait retirer à
elle
Le cœur de l’Oiseau bleu. La femme
cruelle
Réussit à le faire, et, quand elle l’avala
Et du cœur enchanté sans peur se régala,
Elle trouvait chaque jour les pièces
reluisantes
Au lieu de son époux, jaunes et
séduisantes.
Le pauvre mari, lui, en fut dépossédé,
Et, par cette perte cruelle obsédé,
Faillit en perdre la raison et devint
blême.
Il n’imaginait point que sa femme qui l’aime
Lui avait usurpé le cœur à son insu.
L’appétit des avares étant toujours
pansu,
La femme, qui acquit une richesse
rapide,
De se défaire de son homme eut l’idée
limpide,
Craignant qu’il ne vînt à découvrir son
secret.
Elle en médita le moyen le plus discret,
Et elle lui proposa, la journée
suivante,
De voyager en mer avec leur servante.
D’un esprit malveillant projet sombre et
hideux !
Auprès d’une île où ils abordèrent tous
les deux
Le vaisseau s’arrêta. Mais l’épouse
volage,
Quand le mari se fut écarté du rivage,
Regagna le navire qui les avait amenés
Avec la même ardeur qu’un fuyard
forcené,
Et, laissant sur l’île son pauvre mari
pâle,
Loin d’elle et de lui déploya les
voiles.
Le soleil, qui avait fort longtemps
rayonné,
Cessait de reluire. Le mari abandonné
Ne trouva ni femme, ni servante, ni
navire,
Comme si les ondes et les vents les lui
ravirent.
En revenant au rivage. Il se mit à crier,
A appeler au secours, à gémir, à prier,
Mais le navire, se perdant dans les
ondes,
Etait comme englouti par la mer
profonde.
Malgré ses larmes et sa douleur, lorsqu’il
sentit,
Fatigué du voyage, lui venir l’appétit,
Il se mit à chercher de la nourriture
Pour assouvir la faim vorace qui le
torture.
Il arriva dans une vallée où il trouva
Une plante qui, sans que rien ne le
prouvât,
Lui sembla du céleri, des bêtes
intouchée.
Il en mangea, mais dès les premières
bouchées,
Fut transformé en âne. De loin il
aperçut
Une autre espèce de céleri, et conçut
Qu’elle pourrait lui rendre sa première
forme.
Il en mangea beaucoup, sa faim étant
énorme,
Et redevint humain dès qu’il en eut
brouté.
A aucun autre mets il ne pouvait goûter,
Puisqu’il n’y avait, sur l’île, que des
arbres maigres
Qui portaient quelques fruits décolorés
et aigres,
Et il eut l’idée qu’il lui conviendrait
bien mieux
Pour pâturer, d’être âne plutôt qu’homme
en ces lieux.
Il passa deux ans sur cette île déserte
Et de nul autre humain ne fit la
découverte.
Un jour qu’il broutait, ne s’y attendant
point,
Il vit une barque qui venait de loin,
Et mangea du céleri pour redevenir
homme.
Il fit des signaux, en criant de toute
son âme,
Aux gens de la barque, et ceux-ci le
virent enfin,
Et, alors qu’ils allaient partir, sur
les confins
De l’île s’arrêtèrent, et ils
recueillirent
Le pauvre homme, que de questions ils
assaillirent,
Et qui de couper deux bottes de céleri
eut soin,
Sachant qu’il en aurait par la suite
besoin.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2166.
lundi 29 décembre 2014
Conte: L'Oiseau bleu (Partie IV)
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