samedi 4 juillet 2015

Conte: La bonne servante (Partie III)

CONTE: LA BONNE SERVANTE (PARTIE IiI)


III. Comment Ange put guérir le roi, qui la récompensa avec gratitude

La jeune fille alla à la chambre royale,
Mais on la repoussa, et sa garde loyale
L’empêcha rudement d’entrer et de le voir
Et se crut obligée, pour faire son devoir,
De lui donner des coups de pied au derrière
En chassant des lieux cette hardie roturière.
Ange en était triste et s’en alla, mais devint
Plus inquiète pour son roi, et bientôt revint.
Elle implora ainsi le gardien : « Je vous prie
De me laisser entrer, pour notre roi marrie,
Monsieur le gardien. » « Non, va-t’en sans revenir,
Répondit le rude homme, ou je vais te punir. »
« Le roi se porte-t-il bien ? » « Mais que t’importe ?
Ne viens plus, morveuse, devant cette porte. »
Il la prit par le bras et la jeta dehors
Quand elle s’approcha un peu, et cria : « Sors ! »
La bonne servante vit, le lendemain, l’ange
Apparaître, aux ailes blanches comme des langes,
Qui lui dit : « Prends cette herbe enchantée et fais-en
Une tisane que le roi agonisant
Doit boire pour vivre. » Ange fit la tisane
Puis pria à genoux, la bonne paysanne,
Et devant le roi elle alla se présenter
Rapidement, car il lui fallait diligenter.
Elle fut repoussée comme d’habitude
Par le méchant gardien avec promptitude,
Et désolée, la pauvre Ange s’en retournait,
Quand elle vit une vieille qui séjournait
Au palais depuis trente ans, en long veuvage.
Ange lui dit : « Pourriez-vous porter ce breuvage
Au roi notre seigneur pour qu’il se porte mieux ? »
La vieille veuve, qui avait un bon cœur pieux,
Consentit. Dès que le roi entre ses lèvres
Sentit passer cette tisane, sa fièvre
Disparut. Redevenu soudain vif et vermeil,
Il se réveilla de son macabre sommeil.
« Ah ! je vais bien ! dit-il, et je vous révèle
Que je me sens empli de jeunesse nouvelle. »
Après quelques instants, le roi content voulut,
Quand il eut déjeuné, comme au passé goulu,
Savoir qui lui avait ainsi rendu la vie
Qui par la maladie allait être ravie.
Mais nul ne le savait. « Je veux maintenant le voir,
Répéta le monarque, et son nom savoir. »
La veuve, s’approchant, dit alors : « Altesse,
C’est la servante, Ange, pleine de tristesse
De vous voir malade, qui a pu vous guérir,
Et comme son père je l’ai vue vous chérir. »
On appela la fille qui arriva en larmes,
Pour son maître le roi encore emplie d’alarmes.
« Monseigneur va-t-il mieux ? » demanda-t-elle. « Oui,
Répondit le roi, que tu m’as guéri j’ai ouï,
Grâce à un breuvage. Dis-moi, ma petite,
Qui t’a aidée à le faire, que je l’invite
Et le récompense comme tu le seras. »
« Mais votre majesté, quand elle le saura,
Me croira-t-elle ? » « Oui, même si c’est étrange,
Parle, ma chère enfant. » « C’est un ange. » « Un ange ? »
« Oui. » « Eh bien ! puisque j’ai un ange pour médecin,
Fais tout ce qu’il dira, accomplis ses desseins. »
« Vous ne tarderez pas, répondit la servante
Plus que les médecins érudits savante,
A être complètement guéri. » « J’en suis content,
Dit le roi, et il me faut vivre assez longtemps
Pour louer Dieu et pour que je te récompense.
Tu seras mon premier médecin, et je pense
Que tu as assez de bonté et de raison
Pour commander à tous les gens de ma maison. »
Ange en fut fort heureuse et couverte de gloire.
On donna en quelques jours à manger et à boire
Pour fêter la santé du roi enfin guéri.
Ange n’oublia pas ses bons manants chéris
Qui venaient aux portes demander l’aumône ;
Elle dit à ses gens : « Que toujours on leur donne
A boire et à manger, et ne manquent de rien. »
Et leur fit, dans sa vie, infiniment de bien.

Quand la bonne fille mourut, tout le royaume
En fut attristé et en deuil ; femmes et hommes
La pleurèrent, pendant douze jours qu’on donna
Le majestueux deuil, nul cloche ne sonna
Et on interrompit les jeux et les danses.
Qui aurait pu avoir assez d’outrecuidance
Pour se réjouir après un si sombre malheur
Que moi-même je vous raconte avec pâleur ?

[FIN DU CONTE: LA BONNE SERVANTE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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