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dimanche 2 avril 2017

Chronos et Cupidon

chronos et cupidon

Pompeo Batoni, Chronos rognant les ailes d’Éros (?)

Le cruel vieillard, la faux par terre,
Déplume le cruel enfant qui erre
En blessant les cœurs, mortels ou divins,
Et gémit sombrement et lutte en vain.

Carquois et sablier dans la poussière,
Les deux divinités meurtrières
Luttent comme des hommes ; l’un, furieux,
Semble un enfant, éternel petit dieu
Que corrige son père vénérable,
Frêle et courroucé ; le misérable
Lui meurtrit la barbe avec ses doigts blancs.
Le vigoureux vieillard n’est point tremblant
Mais calme comme une mer sans ondes,
Car il règle l’horloge du monde,
Et Cupidon, bien qu’il soit affairé, 
Joue dans l’ombre avec ses dards acérés
Et avec ses flèches que le sang couvre.
Chronos, maître des abîmes qu’il ouvre 
Sous les pas des vains mortels, triomphant,
Torture l’incommensurable enfant
Qui sème le chaos avec zèle,
Dangereux oiseaux dont il coupe les ailes.


Par : Mohamed Yosri Ben Hemdène 

samedi 1 avril 2017

Andromède enchaînée

andromède enchaînée

Théodore Chassériau, Andromède attachée au rocher par les Néréides (1840)

Andromède, châtiée à cause de sa mère,
Gémit, à un rocher enchaînée, dans les fers,
Et attend, éplorée et de son sort amère,
Que la bête vienne des ténébreux enfers.

La mer semble railler sa sombre détresse
Et cache le monstre de son dieu dans ses flancs,
Et ses flots dangereux s’agitent avec paresse
Devant la beauté nue qui gémit en tremblant ;

On entend, pareil à un lointain tonnerre,
Venir de l’abîme un lointain rugissement,
La chose formidable au cœur sanguinaire
Comme un amant des eaux approche doucement !

Tout comme Iphigénie sacrifiée par son père,
La victime enchaînée au rocher sacrificiel 
Attend avec effroi et secrètement espère
Et soupire en rêvant et contemplant le ciel

Calme et que rien n’émeut, grand sphinx impassible
Dont le dos est doré par le radieux soleil,
Qui dort éternellement, vaste et invincible,
Et dont rien ne trouble le souverain sommeil !

Elle attend qu’il envoie pour lui sauver la vie
Un héros rugissant et qui tarde à venir
Son âme légère sera-t-elle ravie ?
Elle attend et à la mer semble appartenir.


Par : Mohamed Yosri Ben Hemdène

vendredi 24 février 2017

Hylas et les Nymphes

hylas et les nymphes

Francesco Furini, Hylas entraîné par les Nymphes (v. 1630)

Environné de flots et de nymphes lascives 
Qui veulent l’emporter dans leur abîme amer,
Hylas gémit comme les beautés chétives,
Ravi à ses amis par l’ombre et par la mer.

Polyphème est inquiet, et les Argonautes,
Ne voyant point revenir le frêle aventurier,
Se demandent si ce n’est pas de leur faute
Et si ce jeune homme deviendra un guerrier ;

Héraclès, dont Hylas était l’éromène, 
Cherche quelque chose dans l’ombre à massacrer,
Un monstre, l’Hydre grecque ou les Furies romaines,
Embrasé lentement par son courroux sacré.

Les nymphes murmurent des choses charmantes
À leur captif tremblant et accablé de fers,
Belles divinités nues et alarmantes
Et dont les yeux sournois sont de radieux enfers !

La mer, sombre au milieu de toutes ces aurores,
Ténébreux et profond abîme qui sourit,
Encercle l’éphèbe qu’elle mange et dévore
Et comme ses filles de lui se nourrit.


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

mercredi 22 février 2017

Le saltimbanque blessé

Le saltimbanque blessé

Gustave Doré, Les Saltimbanques (1874) 

Deux saltimbanques, comiques et sombres,
Aux visages bariolés de couleurs,
Contemplent, emplis d’effroi et de douleur,
Leur enfant blessé qui pleure dans l’ombre. 

Quand l’enfant tomba, on rit dans la foire
Et on applaudit l’intrépide tour,
Et les deux bouffons, malgré leur amour,
Feignirent de rire pour les pourboires,

Car cette famille qui soupire
Collection de pitres déshérités,
Est pauvre et condamnée, en vérité, 
Au lieu de pleurer, à faire rire !

Leur rire, c’est l’ironie de l’abîme
Comme une sombre porte ouvert sous eux,
De la foule qui crie : « Hé, les bouseux ! »
L’Ecce homo de ces grotesques sublimes !

Ils font rire et ils errent ; c’est leur vie.
De leurs masques pesants appesantis,
Ils pleurent maintenant avec leur petit
Et la joie par le sort leur est ravie ;

Leurs chiens, avec leurs costumes de scène,
Gémissent et ne sont pas récompensés,
Et leur hibou muet semble penser 
A l’éternelle misère humaine. 


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

vendredi 10 février 2017

La Tentation des anachorètes

la tentation des anachorètes

Salvator Rosa, Anachorètes tentés par les démons (1660-1665)

Dans la ruine qui leur sert de maison
Quand le soir vient, les anachorètes
Entendent soudain hurler sans raison
Des démons caressant leurs lyrettes,

Ténébreux saltimbanques de l’enfer
Dansant, chantant, effrayants et comiques,
Qui ont soudain brisé leurs pesants fers
Et disent aux moines des choses lubriques,

Enivrés par la joie et par l’amour,
Etreignant leurs volages femelles,
Louant l’aurore, bénissant le jour,
La nuit et l’aube, ces sœurs jumelles !

Par ces bruyants visiteurs tourmentés,
Les anachorètes en vain se cachent, 
De faire comme leurs bourreaux tentés
Et craignant que les cieux ne se fâchent ;

Les démons, s’agrippant à leurs haillons,
Les suivent comme des flots rapides,
Leur montrent en vain les éternels rayons
Et le bleu du firmament limpide.


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

mardi 20 décembre 2016

Les Anxieux

LEs anxieux

Edvard Munch, Anxiété (1894)

Terrifiants comme les fantômes
Aux yeux éternellement ouverts,
De la Peur vivants symptômes,
De pâles passants, presque verts,

Errent, vagues somnambules,
Perdus dans le vaste désert
Et l’éternel vestibule
Du monde mêlé à la mer.

Les drogues et les somnifères
Et les alcools les plus puissants
A ces damnés n’ont rien pu faire,
Et ils se lèvent, obéissants,

Comme des morts de leurs tombes,
De leurs lits profonds, parsemés
De maintes épines qui tombent
De leurs vains cerveaux alarmés,

Ces pâles et vieilles roses !
Las, ils aimeraient s’endormir,
Et c’est une bien triste chose
Que le sommeil les fait frémir ;

Le suicide, sombre aurore,
Reluit dans leurs esprits perdus,
C’est la nuit, ils marchent encore,
Dans le même chemin ardu.


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

vendredi 5 juin 2015

Conte: Les trois crapauds

CONTE: LEs trois crapauds 

Une femme passa sa vie à se livrer
Aux plus sombres plaisirs et à s’en enivrer,
Toutes les fois qu’elle se voyait enceinte
Se faisant avorter pour effacer l’empreinte
Du vice que dans ses entrailles elle portait.
Elle le fit trois fois et s’en réconfortait,
Mais devenue plus âgée, cette misérable
Sentit le poids de ses jours déshonorables.
« Je suis une damnée et Dieu me punira !
Se répétait-elle ; quand ma vie finira,
L’enfer sera, hélas, ma demeure éternelle ! »
Assaillie de remords, la pauvre criminelle
Alla se confesser afin de recevoir
L’absolution de ses fautes, et fit son devoir
En disant au curé : « Je viens, malheureuse,
Me confesser à vous d’une faute affreuse
En espérant que Dieu me la pardonnera. »
« Et l’absolution son ministre vous donnera,
Répondit le curé. Dites-moi votre crime,
Espérez que notre Seigneur le supprime. »
Elle dit en tremblant et le cœur plein de foi :
« Je me suis fait, hélas ! avorter trois fois. »
« Ces péchés sont mortels, repartit le bonhomme,
Il faut vous retirer des infernales flammes,
Mieux vaut payer ici qu’en enfer expier.
Dieu a vu vos fautes et il va maintenant épier
Votre remords. Soyez à ses désirs soumise
Et allez me chercher sans tarder les chemises
Que vous avez portées pendant l’avortement. »
Elle courut et les apporta prestement,
Et il les secoua l’une après l’autre.
Comme les grains pesants tombent de l’épeautre,
Trois crapauds en tombèrent, qui se mirent à courir.
« Ce sont vos trois enfants que vous fîtes mourir,
Malheureuse ! cria le curé terrible.
Contemplez avec moi vos crimes horribles !
Ce premier crapaud qui est monté à l’autel
Devrait être un évêque, et, ô péché mortel !
Celui à la chapelle allé un savant prêtre,
Celui grimpant à la muraille allait être
Un peintre de génie. Vous avez privé d’eux
L’univers, à cause de vos forfaits hideux. 
Pour vous racheter voici votre pénitence 
Qui vous fera courir une longue distance :
A la fontaine d’Eau bénite allez remplir
Ce calice sacré. Vous devez accomplir,
Pour être pardonnée, un exploit ensuite,
Un dragon viendra ; ne prenez point la fuite,
Car avec cette épée vous allez le férir.
Si vous parvenez à lui couper sans périr
Une de ses sept têtes, c’est que Dieu vous accorde
Ici comme dans l’au-delà miséricorde,
Et il vous dévorera si c’est sa volonté. »
En implorant de Dieu l’éternelle bonté
Elle voyagea à une contrée lointaine
Et arriva enfin, lasse, à la fontaine.
Elle y vit le dragon affreux aux yeux brillants
Qui rugit, courroucé, formidable assaillant,
Comme le lion qui grogne et le tigre qui feule,
Et pour la dévorer ouvrit sa vaste gueule.
La malheureuse prit son épée sans trembler,
De toutes les forces qu’elle put rassembler
Elle lui assena de grands coups ; ô misère !
En vain à le frapper ses bras s’épuisèrent,
Trois énormes crapauds, comme des boucliers,
L’empêchaient de l’atteindre. A genoux pour prier,
Le sang de la pauvresse se figea dans ses veines
Et elle abandonna cette lutte vaine.
Elle suppliait les trois crapauds, ses enfants
Qui voulaient son ennemi, le dragon, triomphant,
De lui pardonner, mais ils étaient de glace.
Elle reprit ses forces et son épée, et lasse,
Frappa les trois crapauds railleurs qu’elle tua
Et à combattre le dragon s’évertua.
Sept sifflements furieux bientôt se firent entendre,
L’infortunée tomba sur le sol ; sans attendre,
Le dragon sur cette damnée qui l’implora
Se pencha, ouvrit sa gueule et la dévora.

[FIN DU CONTE: LES TROIS CRAPAUDS]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

dimanche 3 mai 2015

Conte: Les deux Chevaux

CONTE: les deux chevaux

A Longueau, près d’Amiens, labourant sans lâcheté,
Il y avait un vilain qui avait acheté
Selon ses facultés qui étaient bien minces,
Car il n’était ni un baron ni un prince,
Un roussin fort chétif pour faire sa moisson.
Il le nourrissait mal, et quant à la boisson,
Il ne lui en donnait que pour rester en vie,
Et son travail à nulle bête faisait envie.
Dès que la moisson fut finie, de ses bons soins
Le jugeant indigne et n’en ayant plus besoin,
Il résolut de s’en défaire et le vendre.
Au château d’Amiens il voulut donc se rendre
Avec son roussin qui était bien bouchonné,
Bien étrillé et bien lavé et étonné.
Cette pauvre bête marchait sans mors, morne,
Ses côtes saillaient et elle avait le poil terne,
Pareille au voyageur las, assoiffé et seul.
En chemin il y avait le prieuré d’Acheul.
Un moine était venu par hasard à la porte
Et vit le manant et sa bête presque morte
Et lui dit qu’ils avaient un cheval au couvent
Dont ils pensaient à se défaire bien souvent
Et qu’on pourrait troquer, s’il voulait le faire,
Contre le sien. L’idée semblait lui plaire,
A l’écurie il vit, par l’affaire appelé,
Une haquenée grande et vieille, au dos ensellé,
Au cou de grue, basse devant, du derrière haute
Et tellement maigre qu’on riait sans défaute
En la regardant, ce que notre manant fit.
Le moine, mécontent que de sa bête on rît,
Prétendit qu’elle était bonne et qu’il la préfère
A son roussin pesteux, que pour se refaire
Il ne lui fallait que du repos mérité
Et qu’elle fût traitée sans la sévérité,
Et que tous les jours les maquignons qui allaient
Au marché, vendaient des bêtes qui ne valaient
Pas la moitié de sa jument, pour cent bons sous.
« On en voit la peau mais on ne voit rien dessous,
Railla le villageois. Ton discours m’étonne
Parce que ta jument n’est qu’à écorcher bonne
Et c’est sa peau que tu me vends apparemment.
Vois donc ce bidet : ça travaille puissamment,
Il est bien troussé et il a bonne mine,
Ça laboure, ça herse, ça brave la famine
Et ça va sous l’homme comme un oiseau léger.
Il est mieux que ta bête, sans vouloir t’affliger. »
Le manant déprisa tant le cheval du moine
Et vanta tant le sien, que par saint Antoine
Et tous les apôtres, le religieux piqué
Jura de venger son honneur par lui moqué.
Pour savoir quelle était la bête la plus forte,
Il lui proposa – que le Diable l’emporte ! –
De les attacher tous deux par la queue et voir
Qui pourrait emporter l’autre ainsi et sans choir.
« Si le vôtre entraîne le mien, les deux bêtes,
Dit le moine, sont à vous, et sur ma tête
Je vous en fais serment. Mais vous perdrez les deux
Si ma jument entraîne votre roussin hideux
Dans l’écurie, ce que j’attends certes d’elle. »
Armés d’une houssine, tirant leurs haridelles
Par le licou, chacun à marcher exhortait
Sa bête, et nulle sur l’autre ne l’emportait
Car elles étaient toutes deux vieilles et débiles.
Le vilain cependant, qui était plus habile,
Vit que son roussin est le plus faible, et rusa :
Il laissa reculer son cheval, l’amusa,
Epuisant ainsi la vigueur de la haquenée,
Et quand il vit qu’elle haletait, lasse et gênée,
Ranima son cheval de la voix : « Hue ! mon gris,
Allons, du cœur, mon roi ! Hue ! hue ! » Avec ses cris
Il reprend courage, et sans assistance
Emporte la jument sans nulle résistance.
Le moine, courroucé de la perdre, frappa
Vainement, puis avec son couteau il coupa
La queue du roussin, et referma la porte.
Les deux chevaux s’enfuirent. De cette rude perte
Affligé, le manant appela et cria.
En colère à la cour de l’évêque, il pria
De lui rendre justice. On rit de l’affaire
Et tous ceux qui étaient présents s’esclaffèrent
De voir ce bon manant de sa jument grugé,
Et le procès traîna et ne fut pas jugé.
Je vous laisse songer ; soyez-en les maîtres,
Et de m’en aller, sires, daignez me permettre.

[FIN DU CONTE: LES DEUX CHEVAUX]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène