CONTE: LEs trois crapauds
Une femme passa
sa vie à se livrer
Aux plus sombres
plaisirs et à s’en enivrer,
Toutes les fois
qu’elle se voyait enceinte
Se faisant
avorter pour effacer l’empreinte
Du vice que dans
ses entrailles elle portait.
Elle le fit
trois fois et s’en réconfortait,
Mais devenue
plus âgée, cette misérable
Sentit le poids
de ses jours déshonorables.
« Je suis
une damnée et Dieu me punira !
Se répétait-elle ;
quand ma vie finira,
L’enfer sera,
hélas, ma demeure éternelle ! »
Assaillie de
remords, la pauvre criminelle
Alla se confesser
afin de recevoir
L’absolution de
ses fautes, et fit son devoir
En disant au
curé : « Je viens, malheureuse,
Me confesser à
vous d’une faute affreuse
En espérant que
Dieu me la pardonnera. »
« Et l’absolution
son ministre vous donnera,
Répondit le
curé. Dites-moi votre crime,
Espérez que
notre Seigneur le supprime. »
Elle dit en
tremblant et le cœur plein de foi :
« Je me
suis fait, hélas ! avorter trois fois. »
« Ces
péchés sont mortels, repartit le bonhomme,
Il faut vous retirer
des infernales flammes,
Mieux vaut payer
ici qu’en enfer expier.
Dieu a vu vos
fautes et il va maintenant épier
Votre remords.
Soyez à ses désirs soumise
Et allez me
chercher sans tarder les chemises
Que vous avez
portées pendant l’avortement. »
Elle courut et
les apporta prestement,
Et il les secoua
l’une après l’autre.
Comme les grains
pesants tombent de l’épeautre,
Trois crapauds
en tombèrent, qui se mirent à courir.
« Ce sont
vos trois enfants que vous fîtes mourir,
Malheureuse !
cria le curé terrible.
Contemplez avec
moi vos crimes horribles !
Ce premier
crapaud qui est monté à l’autel
Devrait être un
évêque, et, ô péché mortel !
Celui à la
chapelle allé un savant prêtre,
Celui grimpant à
la muraille allait être
Un peintre de
génie. Vous avez privé d’eux
L’univers, à
cause de vos forfaits hideux.
Pour vous
racheter voici votre pénitence
Qui vous fera
courir une longue distance :
A la fontaine d’Eau
bénite allez remplir
Ce calice sacré.
Vous devez accomplir,
Pour être
pardonnée, un exploit ensuite,
Un dragon
viendra ; ne prenez point la fuite,
Car avec cette
épée vous allez le férir.
Si vous parvenez
à lui couper sans périr
Une de ses sept
têtes, c’est que Dieu vous accorde
Ici comme dans l’au-delà
miséricorde,
Et il vous
dévorera si c’est sa volonté. »
En implorant de
Dieu l’éternelle bonté
Elle voyagea à
une contrée lointaine
Et arriva enfin,
lasse, à la fontaine.
Elle y vit le
dragon affreux aux yeux brillants
Qui rugit,
courroucé, formidable assaillant,
Comme le lion
qui grogne et le tigre qui feule,
Et pour la
dévorer ouvrit sa vaste gueule.
La malheureuse
prit son épée sans trembler,
De toutes les
forces qu’elle put rassembler
Elle lui assena
de grands coups ; ô misère !
En vain à le
frapper ses bras s’épuisèrent,
Trois énormes
crapauds, comme des boucliers,
L’empêchaient de
l’atteindre. A genoux pour prier,
Le sang de la
pauvresse se figea dans ses veines
Et elle abandonna
cette lutte vaine.
Elle suppliait
les trois crapauds, ses enfants
Qui voulaient
son ennemi, le dragon, triomphant,
De lui
pardonner, mais ils étaient de glace.
Elle reprit ses forces
et son épée, et lasse,
Frappa les trois
crapauds railleurs qu’elle tua
Et à combattre
le dragon s’évertua.
Sept sifflements
furieux bientôt se firent entendre,
L’infortunée
tomba sur le sol ; sans attendre,
Le dragon sur
cette damnée qui l’implora
Se pencha,
ouvrit sa gueule et la dévora.
[FIN DU CONTE: LES TROIS CRAPAUDS]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2164.
vendredi 5 juin 2015
Conte: Les trois crapauds
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