mercredi 17 juin 2015

Conte: L'anneau enchanté (Partie III)

CONTE: L'ANNEAU ENCHANTÉ (PARTIE IiI)


III. Comment Milia sauva ses six frères charmés par la méchante fée

Quand la fée vit Milia, elle lui laissa choir
Son anneau enchanté, voulant aussi la voir
Transformée en chèvre. Un oiseau aux grandes ailes
Passa et l’emporta dans son bec avec zèle ;
C’était celui qui fut par elle délivré
Et qui de la voir chèvre aurait été navré.
« Pan ! Pan ! » « Entrez. » Milia entra. « Il faut que j’aille,
Dit la maîtresse du logis, chercher mangeaille
Pour mes bêtes, et aussi nous chercher à manger.
Je suis bien contente de voir un étranger !
Asseyez-vous, ma fille, car vous devez être
Bien fatiguée. » L’oiseau frappa à la fenêtre
Quand la vieille sortit. « Tes frères sont charmés,
Dit-il à la fillette, dans la cave enfermés.
Surtout n’accepte rien de cette fée infâme
Qui est puissante et qui est méchante femme,
Ou tu seras changée en statue. T’avertir
Je suis venu, Milia. Maintenant je dois partir. »
Au même instant la fée entrait. Fermant la porte,
Elle dit à Milia : « Ma fille, j’apporte
Pour vous un vin exquis et un bien bon gâteau
Qu’on peinerait à trouver même dans le château.
Buvez-en et mangez-en, ces deux délices
Vous feront oublier la marche et ses supplices. »
« Je n’ai besoin de rien, madame, et mon désir
Est de dormir ici. Pour me faire plaisir
C’est tout ce que je veux, devant la douce braise
De votre cheminée. » « Mettez-vous à votre aise »,
Lui dit doucement la fée qui pensait cependant :
« Cette fille-là est étrange ; en l’entendant
On l’eût crue avertie. Il faut que je frappe
Et il ne faut pas que ma victime m’échappe. »
Et elle alla chercher, cœur sombre empli de fiel,
Un collier et des robes changeantes comme un ciel :
« Prenez ces présents, ne soyez point trop fière,
Car je veux vous être, ma fille, hospitalière.
Ainsi dans le village on ne contera pas
Qu’on est venu chez moi sans manger un repas
Et sans emporter de ma bienveillance un gage. »
« Vous êtes bien bonne, et votre noble langage
Me suffit. Sans vouloir ainsi vous offenser,
Avec ces merveilles pourquoi récompenser
Une fille pauvre comme moi en errance ?
Ce n’est point que mon cœur soit plein d’indifférence,
Mais robes et collier seraient vite gâtés,
Alors que ces présents eussent d’autres flatté,
Par les buissons qu’il faut encor que je traverse. »
Voyant échouer ses ruses, la fée perverse
Montra à la fillette un bon sourire aimant,
Cacha sa colère et dormit profondément.
L’oiseau revint frapper à la fenêtre encore.
« Milia, dit-il, Milia, il faut qu’avant l’aurore
Tu tues cette sombre fée, ou tu vas périr
Toi et tes six frères que tu ne pourras guérir.
Quand tu l’auras tuée, tu prendras sa chemise,
Tu auras ses pouvoirs quand tu l’auras mise. »
Milia se leva et sans faire aucun bruit
Prit un couteau sur la table, et comme un fruit
A la méchante fée elle coupa la gorge,
Puis elle lui ôta sa chemise large,
Encore ensanglantée, dont elle se vêtit.
Son esprit s’éclaircit, et le monde petit
Devint immense pour elle et vénérable,
Et elle comprit des mystères impénétrables
Et de maintes choses les obscures raisons.
Milia commença par visiter la maison
Avant d’éprouver ses pouvoirs, grande et riche.
Elle vit deux statues placées dans une niche
Qui étaient une reine et un roi enchantés.
Milia descendit à la cave. Epouvantés,
Elle aperçut six boucs d’une affreuse maigresse
Qui en la regardant criaient de détresse.
Elle reconnut ses six frères adorés
Et leur sœur eut les yeux et le cœur éplorés
En songeant au moyen d’annuler le charme.
Elle se souvint tout à coup, malgré ses larmes,
De ces mots : « Chemise, tu m’obéiras
Et jamais, et jamais tu ne me trahiras. »
Qui étaient écrits sur la chemise charmée.
En les disant elle pensait : « C’est alarmée
Que je vois mes frères changés en boucs hideux ;
Chemise, chemise, daigne avoir pitié d’eux,
Qu’ils redeviennent humains comme jadis ils furent. »
Elle vit leurs cornes, affreuses coiffures,
Tomber, et leurs pattes redevenir des mains
Et des pieds, et ses frères à nouveau des humains.
Sa joie fut immense. Ses frères l’embrassèrent
Car d’être sauvés un jour ils se lassèrent,
Avec transports, en remerciant leur sœur
Qui les délivra de la mort, de tout leur cœur. 

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

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