mardi 12 mai 2015

Conte: La Mule sans frein (Partie IV)

CONTE: LA MULE SANS FREIN (PARTIE Iv)


IV. Les curieuses rencontres que Gauvain fit dans le château

Quand il vit du château désert le triste sort,
Gauvain pensa être au royaume de la mort :
Les cours, ainsi que les fenêtres, étaient vides,
Et partout régnait la solitude livide
Et un silence lourd de nuit et de tombeau
Au château où luisaient quelques pâles flambeaux.
Un nain paraît enfin, étrange et difforme,
Que voir dans ce manoir oublié alarme
Le plus preux, et le rend de son destin inquiet.
Il contemple Gauvain de la tête aux pieds.
Le héros, sans trembler de lui, lui demande
Le nom de la dame ou du seigneur qui commande,
Ce qu’ils exigent et où il pourra les trouver.
Le nain se tait comme pour encor l’éprouver
Et il ne lui répond rien et se retire.
Gauvain marche encore et voit, laid comme un satyre,
Surgir d’un souterrain un immonde géant
Et qui semblait jaillir tout à coup du néant,
Velu comme l’ours et armé d’une hache.
Il l’interroge aussi. De n’être point lâche
Il le félicite, et en même temps le plaint
De venir au château de mille hasards plein
Courir une aventure qui lui sera funeste
Sans qu’il s’alarme du présage manifeste
Des têtes coupées, sort des braves étrangers.
Il le sert cependant et le fait bien manger,
Comme un seigneur le traite, bienveillant et amène,
Et à la chambre où il doit coucher le mène ;
Mais il lui demande, au moment de sortir,
De lui couper la tête, prend soin de l’avertir
Que le lendemain il reviendra à sa chambre
Pour le traiter de la même manière sombre.
Gauvain prend son épée et remplit sa mission
Et fait rouler à ses pieds et sans confessions
La tête du géant que ce dernier ramasse
Remet sur ses épaules et fait une grimace,
Puis s’en va comme s’il n’a point été tué.
Gauvain, chevalier aux prodiges habitué,
Malgré son étonnement et sa sombre promesse
Dort bien tranquillement. A la première messe
Le géant arrive et éveille rudement
Le chevalier, et lui dit avec un grondement
De présenter sa tête et d’être fidèle
A son serment. Lui, sans voir trente-six chandelles,
Lui tend docilement le cou sans hésiter.
Mais c’est pour l’éprouver qu’il le vient visiter ;
Avec chaleur le bon géant le congratule,
Notre chevalier, qui jamais ne capitule,
Lui demande alors où il faut chercher le frein.
Le géant lui répond : « Du destin nul n’enfreint
Les lois : le courage est la seule manière
D’avoir ce qu’on désire. Lion, dans ta tanière
Repose-toi d’abord. Prépare ta valeur,
Sois prêt à combattre, chevalier, sans pâleur,
Avant la fin du jour commencera l’épreuve,
Que le sang ennemi coule comme un fleuve. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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