jeudi 16 avril 2015

Conte: Les trois Larrons (Partie IV)

CONTE: LES TROIS LARRONS (PARTIE Iv) 


IV. De quelle manière Travers récupéra son cochon volé, et ce qu’il fit pour mettre fin aux hostilités

Travers songea un peu et se dit que les deux drôles
Qui joueraient jusqu’à la fin leurs sombres rôles
Ne prendraient pas, cette fois, le même chemin,
Que dans les bois, dans un lieu caché aux humains,
Ils se rendraient pour lui faire perdre leur trace.
Il avait raison : les deux brigands voraces
Y étaient déjà, et contents, voulaient goûter
Le délicieux cochon, sans une fois douter
Que son propriétaire les suivaient sans gêne.
Ils allumèrent du feu au pied d’un chêne
Pour faire des grillades et manger l’animal.
Mais le bois était vert et brûlait si mal
Qu’il leur fallait trouver d’autres branches mortes
Et des feuilles sèches, pour rendre plus forte
La flamme qui mourait et était sans vigueur.
Travers, qui les suivait toujours avec rigueur,
Les trouva sans peine. Il les voit qui s’éloignent
Pour chercher des branches, et avant qu’ils l’atteignent,
Se déshabille vite, au chêne suspendu
Comme un voleur qu’on vient de pendre. Descendu
Devant les deux fripons, d’une voix de tonnerre
Il s’écrie : « Malheureux ! Nul larron longtemps n’erre !
Vous finirez comme moi, sinistres damnés ! »
Ils le regardent, de ce prodige étonnés,
Et ils croient voir et ouïr le spectre de leur père.
Les voilà qui se sauvent et qui rien n’espèrent,
Travers reprend et son cochon et ses vêtements
Et revient à sa femme pleine d’épouvantement
Qui l’embrasse et pour ce coup le félicite.
« Ne nous flattons pas trop pour cette réussite,
Répondit-il. Les deux coquins bientôt sauront
Qu’ils ont été dupés, et alors ils n’auront
Aucun répit avant de nous le reprendre.
Nous ferons cuire ce cochon sans attendre,
Fais chauffer de l’eau ; s’ils reviennent, nous verrons
Ce que déciderons de faire ces larrons. »
Elle alluma le feu, il dépeça la bête
Qu’il mit dans le chaudron par morceaux, enfin prête
A la cuisson. Pour y veiller dûment, chacun
S’assit à un coin du feu, de peur des coquins.
Mais Travers, fatigué par cette journée rude,
Le travail de la nuit et la sombre inquiétude,
S’assoupit rapidement. « Dors, tu en as besoin,
Dit sa femme, de la marmite j’aurai soin. »
Mais elle s’endormit, elle aussi, sur sa chaise,
Bercée par la lueur de la chaude braise.
Cependant les larrons, de leur frayeur guéris,
Car ils étaient hardis et fripons aguerris,
Reviennent au chêne, et ni pendu ni cochon trouvent.
Haimet s’écrie : « Par Dieu ! tout cela me prouve
Que ce démon nous a une autre fois joués.
Par moins fripon que nous nous sommes donc floués !
Nous, les terreurs nocturnes des routes ténébreuses
Qui avons terrifié des caravanes nombreuses ! »
Ils revinrent au foyer de Travers. Pour savoir
S’il était sur ses gardes, les deux songèrent à voir
Par le trou qu’ils avaient fait à la muraille.
Barat murmura : « Ils dorment, ces canailles,
Et ils font cuire pour nous le cochon qui bout. »
Il coupe une gaule et l’aiguise par le bout
Et, la descendant par la cheminée, pique
Un morceau du cochon d’une façon épique.
Travers se réveilla et comprit que lutter
Etait bien vain. « Cessez de me persécuter,
Cria-t-il aux larrons, et venez à la place
Reposer chez votre frère vos jambes lasses.
De ces efforts je ne vois point l’utilité,
Arrêtons maintenant ces sombres hostilités,
Venez manger, que le Diable vous emporte ! »
Là-dessus il alla leur ouvrir la porte,
On se mit à table, on rit et on oublia
Et de la meilleure foi se réconcilia.

[FIN DU CONTE: LES TROIS LARRONS]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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