CONTE: LES TROIS LARRONS (PARTIE Iv)
IV. De quelle manière Travers récupéra son cochon
volé, et ce qu’il fit pour mettre fin aux hostilités
Travers songea un peu et se dit que les
deux drôles
Qui joueraient jusqu’à la fin leurs
sombres rôles
Ne prendraient pas, cette fois, le même
chemin,
Que dans les bois, dans un lieu caché
aux humains,
Ils se rendraient pour lui faire perdre
leur trace.
Il avait raison : les deux brigands
voraces
Y étaient déjà, et contents, voulaient
goûter
Le délicieux cochon, sans une fois
douter
Que son propriétaire les suivaient sans
gêne.
Ils allumèrent du feu au pied d’un chêne
Pour faire des grillades et manger l’animal.
Mais le bois était vert et brûlait si
mal
Qu’il leur fallait trouver d’autres
branches mortes
Et des feuilles sèches, pour rendre plus
forte
La flamme qui mourait et était sans
vigueur.
Travers, qui les suivait toujours avec
rigueur,
Les trouva sans peine. Il les voit qui s’éloignent
Pour chercher des branches, et avant qu’ils
l’atteignent,
Se déshabille vite, au chêne suspendu
Comme un voleur qu’on vient de pendre.
Descendu
Devant les deux fripons, d’une voix de
tonnerre
Il s’écrie : « Malheureux !
Nul larron longtemps n’erre !
Vous finirez comme moi, sinistres damnés ! »
Ils le regardent, de ce prodige étonnés,
Et ils croient voir et ouïr le spectre
de leur père.
Les voilà qui se sauvent et qui rien n’espèrent,
Travers reprend et son cochon et ses
vêtements
Et revient à sa femme pleine d’épouvantement
Qui l’embrasse et pour ce coup le
félicite.
« Ne nous flattons pas trop pour
cette réussite,
Répondit-il. Les deux coquins bientôt
sauront
Qu’ils ont été dupés, et alors ils n’auront
Aucun répit avant de nous le reprendre.
Nous ferons cuire ce cochon sans
attendre,
Fais chauffer de l’eau ; s’ils
reviennent, nous verrons
Ce que déciderons de faire ces larrons. »
Elle alluma le feu, il dépeça la bête
Qu’il mit dans le chaudron par morceaux,
enfin prête
A la cuisson. Pour y veiller dûment,
chacun
S’assit à un coin du feu, de peur des
coquins.
Mais Travers, fatigué par cette journée
rude,
Le travail de la nuit et la sombre
inquiétude,
S’assoupit rapidement. « Dors, tu
en as besoin,
Dit sa femme, de la marmite j’aurai
soin. »
Mais elle s’endormit, elle aussi, sur sa
chaise,
Bercée par la lueur de la chaude braise.
Cependant les larrons, de leur frayeur
guéris,
Car ils étaient hardis et fripons aguerris,
Reviennent au chêne, et ni pendu ni
cochon trouvent.
Haimet s’écrie : « Par
Dieu ! tout cela me prouve
Que ce démon nous a une autre fois
joués.
Par moins fripon que nous nous sommes
donc floués !
Nous, les terreurs nocturnes des routes
ténébreuses
Qui avons terrifié des caravanes
nombreuses ! »
Ils revinrent au foyer de Travers. Pour
savoir
S’il était sur ses gardes, les deux
songèrent à voir
Par le trou qu’ils avaient fait à la
muraille.
Barat murmura : « Ils
dorment, ces canailles,
Et ils font cuire pour nous le cochon
qui bout. »
Il coupe une gaule et l’aiguise par le
bout
Et, la descendant par la cheminée, pique
Un morceau du cochon d’une façon épique.
Travers se réveilla et comprit que
lutter
Etait bien vain. « Cessez de
me persécuter,
Cria-t-il aux larrons, et venez à la
place
Reposer chez votre frère vos jambes
lasses.
De ces efforts je ne vois point l’utilité,
Arrêtons maintenant ces sombres
hostilités,
Venez manger, que le Diable vous emporte ! »
Là-dessus il alla leur ouvrir la porte,
On se mit à table, on rit et on oublia
Et de la meilleure foi se réconcilia.
[FIN DU CONTE: LES TROIS LARRONS]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
jeudi 16 avril 2015
Conte: Les trois Larrons (Partie IV)
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