mercredi 15 avril 2015

Conte: Les trois Larrons (Partie III)

CONTE: LES TROIS LARRONS (PARTIE IIi) 


III. La ruse des deux fripons, et celle de Travers

La nuit venue, les deux fripons viennent accomplir
Leur ténébreux dessein, que pour dûment remplir
L’aîné, lui, fait le guet, et Barat commence
A percer patiemment le mur, sans véhémence,
A l’endroit où il vit le cochon suspendu.
Mais bientôt il voit un bout de corde étendu
Par terre. « L’oiseau est parti », dit-il, sombre.
Travers, ne dormant pas, crut ouïr un bruit dans l’ombre,
Il réveilla sa femme et courut vérifier,
Avec son épouse qu’il vint de terrifier,
Si le cochon était toujours dans sa cachette.
Il l’y trouva, mais il tremblait pour ses vachettes,
La grange et l’écurie, qu’il alla surveiller
Armé d’une hache. L’oyant se réveiller
Et sortir, Barat – que le Diable l’emporte ! –
Profita du moment pour crocheter la porte,
Et s’approcha du lit où, l’œil à peine ouvert,
Sommeillait dans l’ombre la femme de Travers.
Contrefaisant sa voix il lui dit : « Ma Marie,
Le cochon n’est plus à la muraille, je prie
Pour qu’il n’ait point été pris. Qu’est-il devenu ? »
« Ah ! dit-elle, sans ta tête tu es revenu !
Est-ce que la peur te trouble la cervelle ?
Il est sous la huche, dans sa cachette nouvelle,
Nous l’y avons mis de peur des deux étrangers. »
« J’ai oublié, reprit-il. Je vais le ranger,
Reste là, toute cette affaire m’affole. »
Et il va aussitôt charger sur ses épaules
Le cochon, qu’il emporte sans avoir hésité.
Après qu’il eut fait sa ronde et bien visité
Ses portes, Travers vint. « Tu as une pauvre tête !
As-tu oublié ce qu’on a fait de la bête ? »
Lui demanda sa femme. Et il poussa un cri
Et dit : « On l’a volée ! Hélas, c’était écrit !
Ces deux fripons sont les plus doués au monde
Et ils ont réussi leur délit immonde. »
Mais comme les voleurs ne pouvaient s’échapper
Bien loin, il courut pour pouvoir les rattraper.
Les coquins à travers champs savamment erraient,
Et prirent le chemin du bois ; ils espéraient
Y cacher leur butin dans un lointain endroit.
Haimet, lui, allait en avant, preste et adroit,
Pour assurer la marche, et son hardi frère,
Appesanti par la bête, mais téméraire,
Le suivait d’un peu loin, ralentissant le pas.
Travers atteint celui qui porte le repas,
Et imitant l’aîné lui dit : « La bête est lourde,
Donne, c’est mon tour, et bois de cette gourde. »
Barat crut entendre son frère, lui donna
Le cochon et prit les devants. Il s’étonna
De rencontrer Haimet à cent pas. « Par le Diable !
Jura-t-il, c’est un grand fripon, c’est indéniable,
Que ce Travers qui m’a joué un vilain tour.
Laisse-moi faire, je vais punir ce pâtour. »
En disant cela, le coquin se dépouille,
Met sa chemise sur ses habits, et, fripouille,
Se fait une coiffe de femme. Ainsi vêtu,
Il court à la maison de Travers, bien têtu,
Et l’attend derrière la porte mal fermée.
Il contrefit la voix de sa femme alarmée
Quand il arriva, et lui demanda : « Chéri,
As-tu le cochon ? Les brigands ont-ils péri ? »
« Je l’ai, répondit-il, mais les brigands vivent. »
« Eh bien ! hâte-toi, il me semble qu’ils arrivent,
Car j’ai entendu à l’étable un bruit suspect. »
Là-dessus il court pour les tenir en respect,
Lui donne l’animal et va à l’étable
Chercher les deux fripons qu’il sait redoutables.
Mais quand il rentra, sa pauvre femme pleurait
Et elle était au lit et de peur se mourait.
Il hurlait de rage et quitta sa tanière,
Jurant de ne sortir, quelle que fût la manière,
De cette aventure sombre que victorieux,
Armé de sa hache, belliqueux et furieux.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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