lundi 13 avril 2015

Conte: Les trois Larrons (Partie I)

CONTE: LES TROIS larrons (PARTIE I) 

I. Les exploits de deux larrons, Haimet et Barat, et ce que le troisième, nommé Travers, décida de faire

Avant de le conter sachez, seigneurs barons,
Que mon fabliau est celui de trois larrons
Qui vivaient à Laon et jamais ne chômaient.
Deux d’entre eux, confrères et frères, se nommaient
Haimet et Barat. Leur père fut pendu
Comme tous ceux qui font ce métier défendu.
Le troisième s’appelait Travers. Ils ne tuaient
Jamais personne, et à ruser toujours suaient,
Et ils se contentaient seulement de filouter.
Nul ne les égalait en adresse, sans douter,
Et avec le butin toujours ils revenaient.
Un jour que dans le bois de Laon ils se promenaient,
Ils devisaient de leurs prouesses ; Haimet, l’aîné,
Qui des trois était le plus grand et déchaîné,
Vit en haut d’un grand chêne élevé un nid de pie
Et la mère y entrer qui vaillamment épie.
Il dit à son frère : « Si quelqu’un proposait
De prendre les œufs sous cette pie et l’osait,
Sans la faire envoler, qu’irais-tu lui répondre ? »
« Qu’il peut aussi tâcher de la faire pondre,
Et qu’il rêve sans doute », lui répondit Barat.
« Eh bien ! Pour moi, ce n’est point un grand embarras,
Répartit Haimet, je le dis sans flatterie,
Et il faut n’être qu’un butor en filouterie
Pour ne pas le pouvoir, et je vais l’accomplir. »
Il grimpe aussitôt au grand chêne sans pâlir ;
Arrivé au nid, le voici qui doucement l’ouvre
Par-dessous, prend les œufs cachés dans leur havre
Et les rapporte sans qu’un seul ne soit cassé.
« Tu es un grand fripon ! Si tu n’es pas lassé,
Lui dit Barat, remets les œufs sous la mère
Qui de ne point voir ses petits sera amère,
Sans l’éveiller, comme de le faire tu viens.
Si tu le fais, tu es notre maître et le mien. »
Haimet, que nul défi n’effraie, grimpe encor l’arbre,
Les œufs à la main gauche, calme comme le marbre,
Mais son frère voulait en vérité farcer.
Il le suit de branche en branche, bien exercé,
Comme son cavalier la fidèle monture,
Et l’adroit coquin lui détache sa ceinture
Et revient aux autres, portant ce gage en main.
Haimet cependant fit des efforts surhumains
Pour remettre les œufs à leur place première.
Il s’attendait, en bas, pour sa geste guerrière,
A des éloges que sans doute il méritait.
Mais son frère Barat, plaisantant, l’irritait
En lui disant : « Que tu les a cachés je gage
Dans ta ceinture ; des œufs j’entends le langage. »
L’aîné ne comprit pas, d’abord, mais regarda
Et à savoir ce qui se passa peu tarda.
« Frère, tu es aussi en friponnerie maître !
Excellent voleur que celui qui vole un autre. »
S’écria-t-il, tandis que Travers admirait
Les deux voleurs adroits, et longtemps soupirait
Puis leur dit : « Ce n’est point, amis, que je vous flatte,
Jamais je ne serai aussi bon que vous l’êtes.
Je suis bien trop gauche pour faire ce métier,
Adieu, je m’en vais suivre un différent sentier :
Je travaillerai à la ferme de mon père
Et je vivrai avec ma femme. J’espère
Que je pourrai, grâce à Dieu, un jour prospérer,
Car vos talents me font, hélas, désespérer. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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