dimanche 29 mars 2015

Conte: Le Château suspendu dans les airs (Partie IV)

CONTE: LE CHÂTEAU SUSPENDU DANS LES AIRS (PARTIE Iv) 


IV. Ce que le pêcheur fit pour retrouver son château et la princesse

Quand il revint de la chasse avec son beau-père,
Le pêcheur ne vit point son château prospère,
Et de ne plus le revoir il était si surpris
Que le pauvre époux en faillit perdre l’esprit.
Le roi entra dans une terrible colère,
Voyant que sa fille et le château s’envolèrent,
Et fit devant sa cour le serment solennel
Qu’il ferait écarteler son gendre criminel
S’il ne ramenait pas, en deux mois, sa fille ravie,
Par quatre chevaux noirs qui lui prendraient la vie.
Le pêcheur était bien triste ; mais il pensa
Que ses puissants beaux-frères et qu’il récompensa
Par les mains de ses sœurs qui n’étaient point laides,
Pourraient le secourir et lui apporter l’aide.
Il se mit en route, donc, pour aller les voir,
Et au roi des Poissons il fit d’abord savoir
La sombre trahison et l’affaire affreuse,
Quand il eut embrassé sa sœur, bien heureuse.
Il demanda au roi s’il entendit parler
D’un château suspendu dans les airs. « Déferler
M’est familier, lui dit-il, depuis ma naissance,
Et, hélas, je n’en ai point eu connaissance.
Mais attends, je ne suis point, mon frère, inconstant,
Et je pourrai te dire, je pense, en un instant
Où il est, car la mer de mes sujets est pleine. »
Il les assembla, de la puce à la baleine,
Et il leur demanda s’ils avaient entendu
Parler d’un grand château dans les airs suspendu ;
Ils répondirent, sans apporter de lumières,
Qu’ils en entendaient parler pour la première
Fois, et ne savaient point que cette œuvre existait.
Seul un Marsouin chenu sans répondre restait.
Le roi lui demanda : « Toi qui es vieux et sage,
As-tu vu ce château dans l’un de tes passages ? »
Le Marsouin répondit : « Non, votre majesté,
Mais d’un aigle savant le souvenir m’est resté,
Qui m’en a parlé et l’a vu dans ses voyages,
En me disant que dans huit jours un mariage
Y sera célébré, et qu’on y a amené
Tant de viandes, qu’il en est encore étonné,
Et qu’il n’avait jamais mangé autant, maître. »
Le roi le remercia. Qu’on avait vu le traître
Il dit à son beau-frère, qui sortit de la mer
Et alla parler au roi des Oiseaux, amer,
De l’aigle, du château et de la princesse.
Le roi, indigné de cette grande bassesse,
Réunit ses sujets et les interrogea
Au sujet d’une fille de roi qu’on relogea
Et d’un château qui est suspendu aux nuées.
L’aigle répondit : « Loin des ondes remuées
Par le vent, à mille lieues, voyageant alors,
J’ai vu ce château qui brille comme de l’or.
Dans huit jours, majesté, un roi y célèbre
Un mariage, mais son épouse est funèbre,
Je ne sais pourquoi, car rien ne semble plus beau
Que ce château qu’éclairent mille radieux flambeaux,
Et la noce sera sans doute des plus belles. »
« A mon commandement ne sois pas rebelle,
Transporte cet homme au château », dit le roi.
« Volontiers, répondit l’aigle, à cet endroit
Je vais le transporter, mais la route est difficile
Et bien longue d’ici au royal domicile,
Et il me faut manger pour pouvoir accomplir
Ma mission. » Pendant la nuit, on vit se remplir
Le château de bouchers laborieux, qui purent
Nourrir l’aigle jusqu’au matin, et le repurent.
Il s’envola avec le pêcheur sur les flots
Où on ne voyait rien, hormis le ciel et l’eau.
Mais comme ses forces peu à peu faiblissaient,
Sur un rocher que les grandes marées laissaient
A découvert, il mit notre pêcheur, allant,
Pour qu’il se sustentât, au château en râlant.
Le pêcheur resta sur le rocher. L’inquiétude
Emplissait son cœur dans cette solitude,
La mer montait, montait, et loin de ses regards,
L’aigle avait disparu, et le bonhomme hagard
Se mit debout, sur la pointe la plus élevée,
Certain que ses heures étaient maintenant achevées.
L’eau baigna ses pieds, son genou, et atteignit
Sa taille, sans que le danger ne contraignît
L’aigle à venir. Quand l’eau lui arriva, mortelle,
Jusqu’au menton, il le vit ; sa joie était telle
Qu’il faillit en périr. Il vint à son secours
Et le déposa dans la château, à la cour.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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