samedi 28 mars 2015

Conte: Le Château suspendu dans les airs (Partie III)

CONTE: LE CHÂTEAU SUSPENDU DANS LES AIRS (PARTIE III) 


III. De quelle manière le jeune pêcheur devint l’époux de la princesse, et ce qui arriva ensuite

Cependant le père de la belle princesse
Fit publier à son de trompe, sans cesse,
Dans tout son royaume et aux pays voisins,
Que celui qui pourrait remplir les magasins
De plus de grains, serait l’époux de sa fille,
La plus belle des femmes et la plus gentille,
Car la récolte était bien maigre, et ses sujets,
Menacés de famine, expliquaient son projet.
Les prétendants étaient nombreux, et les routes
De chargements de grains étaient emplies toutes,
Ainsi que des navires dans les flots rassemblés,
Immenses et dont la cale était remplie de blé.
Notre jeune pêcheur était content d’apprendre
La promesse du roi qu’il venait d’entendre,
Et il se dit que sa tabatière pourrait
De la belle princesse dont il s’énamourait
Faire de lui l’époux. « Je veux des charrettes
Toutes chargées de blé, à voyager prêtes,
Avec de bons attelages et de bons charretiers,
Qui appesantiront le royaume entier. »
Ordonna-t-il à sa vieille tabatière.
Tout cela vint, chargé de la précieuse matière,
Et les routes furent couvertes de chariots
Plus nombreux que les grains de sable et les loriots.
Le pêcheur les amena au roi. « Il me semble
Que vous avez plus de grains que ces hommes ensemble. »
Lui dit le noble roi qui le nomma vainqueur.
La princesse épousa son amant de bon cœur,
Et comme il fut beau, elle n’en était point marrie.
Pour plaire à son beau-père ainsi qu’à sa chérie,
Il demanda à sa tabatière un château
Suspendu dans les airs, invisible aux bateaux,
Par quatre chaînes d’or, immense et prospère,
Au-dessus du palais de son royal beau-père.
Il était magnifique, et rien n’était pareil
A ce château aussi radieux que le soleil.
Quand le roi le vit, il demanda à son gendre
D’où vint cet édifice. « Cela va vous surprendre,
Répondit le pêcheur, sire, mes ouvriers,
Qu’on ne voit pas et plus nombreux que vos guerriers,
L’ont bâti cette nuit, pour que votre fille
Soit à vos côtés, dans ce château qui brille.
Venez, si vous voulez, maintenant le visiter. »
Le roi embrassa son gendre, et sans hésiter
Le suivit, bien ébloui de tout ce qui s’y trouve.
Il dit à son gendre : « Ce château me prouve
Que vous aimez ma fille, et j’en suis fort content.
Venez chasser, nous ne resterons point longtemps. »
Un prétendant, en leur absence, âme rusée,
Aperçut dans un coin la tabatière usée
En visitant les lieux. Étonné de la voir
Dans ce château auguste, il l’ouvrit pour savoir
Ce qu’il y avait dedans. La voix féerique
Qu’il crut d’abord, surpris de l’ouïr, chimérique,
Dit : « Pour votre service, mon maître qu’y a-t-il ? »
Il répondit : « Soyez de mon courroux l’outil,
Transportez ce château avec la princesse
A mille lieues d’ici. » Souriant avec bassesse,
Il sentit le château bouger par son devers
Et passer au-dessus des forêts et des mers
Qu’il traversait, rapide, comme s’il avait des ailes,
Obéissant à son commandement avec zèle,
Et s’arrêter enfin dans un pays lointain
Où il n’y avait âme qui vive, sombre et hautain.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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