mardi 24 mars 2015

Conte: La Houle de Chelin (Partie III)

CONTE: LA HOULE DE CHELIN (PARTIE IIi)

 
III. L’incroyable rencontre que fit le jeune matelot, et ce qui s’ensuivit

Auprès de la Houle de Chelin, une terre
Bordait la falaise haute et où nul n’erre,
Cette terre aux parents du marin appartenait,
Et avec ses bestiaux souvent il y venait
Pour qu’ils pâturassent, jamais las de la marche,
Et allait au Heussé pêcher à la perche.
Un jour qu’autour de lui le marin regardait
Et que le beau poisson à lui venir tardait,
Il vit de loin un homme, à l’entrée de la Houle,
Qui n’était pas souvent fréquentée de la foule,
Et qui lui rappela Faîto, le matelot mort
Qui les attaqua quand il fut conduit au port.
Cet homme est singulier, se dit-il, j’allais croire
Que c’est Faîto ! Devant cette grotte noire,
A cette heure de la marée, que cherche-t-il ? »
Le lendemain matin, à l’aurore au front subtil,
Il conduisit ses vaches à la même pâture,
Et il ne revit plus l’étrange créature
En allant à la pêche ; mais, à l’heure du soir,
Alors qu’il commençait lentement à faire noir,
Il vit qu’il manquait une en comptant ses vaches.
« Viens, Blanchette, héla-t-il. Où est-ce que tu te caches ? »
Comme elle ne vint pas, il se mit à chercher
En pensant qu’elle avait glissé sur le rocher,
Et descendit jusqu’à la grève silencieuse.
Il ne trouva pas la vache séditieuse,
Mais en faisant auprès de la Houle cent tours,
Il vit des bouses sur les rochers d’alentour,
Et se dit : « Ah ! c’est bien Faîto qui l’a prise
Pour se venger de ce qu’il croit une traitrise. »
Il raconta l’affaire à ses parents éblouis
D’abord, et qui rirent ensuite de lui
Et lui dirent, incrédules, que son histoire
Etait incroyable, et que, de mémoire,
Nul ne les a jamais volés auparavant.
Il perdit deux moutons, un mois après. « Bravant
Ma colère, dit-il, c’est Faîto, sans doute,
Pirate dans la mer et brigand sur les routes,
Qui m’a volé, et je vais guetter le coquin
Pour avoir le cœur net, et punir ce faquin. »
Le lendemain, il prit sur son dos un sac de hardes
Qu’on venait de laver, et en restant en garde,
Le porta sur un tertre exposé au soleil
Et chargea son fusil, à un soldat pareil,
En se cachant derrière un rocher énorme.
Il vit venir une fée et le marin difforme
Qui se mirent aussitôt, ensemble, à ramasser
Le linge ; l’arme en joue et prêt à les chasser,
Il ajusta le vieux marin avec adresse,
Mais, bien qu’il le blessât, voilà qu’il se redresse
Et s’avance vers lui, hardi, sans s’émouvoir.
« Ah ! sorcier, je ne crains pas tes sombres pouvoirs !
S’écria le jeune matelot avec colère.
La mort t’attend et elle sera ton salaire,
Tu n’es pas invincible et je vais le prouver. »
« Je suis Faîto, je suis venu te retrouver,
Lui dit le vieux marin, et j’ai volé tes bêtes
Pour me venger, et je te casserai la tête. »
Et l’autre railla : « Tu le fais en discutant. »
Les deux se prirent à bras-le-corps ; en luttant
Le pied leur glissa, et ils dégringolèrent
Jusque sur les rochers. Puissants et colères,
Ils ne se firent, quand ils tombèrent, aucun mal,
Et chacun d’eux lutta comme un sombre animal.
Fatigués du combat enfin, ils s’insultèrent,
Et tous les deux blessés, les gaillards se quittèrent.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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