CONTE: LES PETITES COUDÉES (PARTIE IV)
IV. La princesse
Crépuscule et le Serpent vert
Malgré son serment, la princesse
curieuse
Contemplait souvent la pièce d’eau
mystérieuse,
Et maintes fois son œil, la sondant, s’y
perdit.
La pensée que c’était un endroit
interdit
Lui donnait envie d’y aller, et son cœur
noble
Peinait à contenir son farouche trouble.
Un jour que la Chatte blanche alla
voyager,
Crépuscule, au jardin, alla dévisager
La pièce dont elle était à peu de
distance.
Elle succomba, malgré sa frêle
résistance,
Au désir de la voir de plus près, se
disant :
« Ah ! se retenir ainsi,
toujours, est épuisant !
La Chatte blanche n’est point là, et ses
serviteuses,
Les petites Coudées et grandes
bruiteuses,
S’occupent à nettoyer le château et
ranger
Et préparer, comme de coutume, à manger.
Allons à cette pièce d’eau, la maîtresse
est partie
Et elle n’en sera point par ses fées
avertie. »
Elle s’en approcha et, sur le bord, elle
vit
Des feuilles de nénuphar que la brise
ravit ;
Un serpent vert, rapide comme une
hirondelle,
Sortit de l’eau et vint se mettre à côté
d’elle.
Elle se recula, de peur, à l’autre
arpent
De la pièce d’eau, mais le bienveillant
Serpent
Lui dit d’une voix douce : « Ma
belle princesse,
Avez-vous peur de moi ? Que cette
crainte cesse,
Parce que je ne suis pas un farouche
animal,
Et vous assure que je ne vous ferai nul
mal.
Restez, je vous en prie. Dans cette
solitude,
De causer j’ai perdu la douce habitude. »
Crépuscule, rassurée par ces propos,
resta,
Car du sort du bon Serpent elle s’attrista,
Et ils devisèrent jusqu’à une heure
tardive.
Le Serpent supplia pour une récidive,
Quand la princesse lui dit qu’il lui
fallait partir.
A la Chatte blanche elle essaya de
mentir,
Lorsqu’elle lui demanda : « Dites-moi,
mademoiselle,
Où étiez-vous ? » « J’ai
vu une fort belle oiselle,
Répondit-elle, et l’ai suivie bien
longuement. »
« Je ne suis point stupide, quand
une personne me ment,
Dit la Chatte blanche, je le sais sans
peine ;
Je sens que votre bouche est de
mensonges pleine,
Malgré ma défense et malgré votre
serment,
Vous en avez trouvé le mystère alarmant,
Et vous êtes allée à la pièce d’eau
proscrite. »
Elle dit à ses Coudées : « La
princesse mérite
Une bonne punition, en ainsi souillant
Son serment. Que dans un bain de lait
bouillant
Elle soit plongée. » Mille Coudées
accoururent ;
Elles exécutèrent son ordre, puis d’une
parure
Revêtirent la princesse qu’elles
soignèrent de leur mieux,
Et qui jura encore, au nom de tous les
dieux,
De ne plus retourner à l’étang. Malgré
elle,
Et bien qu’elle fût emplie d’une peur
réelle,
Elle céda à l’envie cruelle de retourner
A l’endroit où elle vit le Serpent
séjourner,
Toujours rongée par sa curiosité
violente.
Le Serpent, qui avait maigri, d’une voix
dolente
Lui dit : « Princesse, je
me croyais abandonné
Et de vous avoir fait très peur
impardonné.
J’en étais bien chagrin et vous croyais
colère. »
L’étrange Serpent et Crépuscule
parlèrent,
Et elle lui raconta sa rude punition.
Elle s’oublia encore, et à la finition
De leur causerie, trouva la Chatte
blanche irritée
Aux portes du château. « Je vous ai
abritée,
Protégée et nourrie, mais vous êtes sans
foi,
Et vous m’avez trahie en me jurant cent
fois
Que vous n’allez point le faire, à mentir
vaillante.
Vous serez plongée, cette fois, dans l’huile
bouillante. »
La pauvre princesse en faillait bien
mourir,
Et elle fut beaucoup plus longtemps à se
guérir.
Un jour qu’elle était seule, elle vit
paraître
Devant elle le Serpent vert qui alla
forpaître,
Et dont la maigresse n’est plus à
jalouser.
« Je suis bien malade, si vous
vouliez m’épouser,
Lui dit-il, je serais guéri de mes
affres. »
Crépuscule, qui souffrait encor de ses
balafres,
Aimait bien le Serpent vert, mais elle
refusa,
Et pour repousser sa proposition rusa.
Tous les jours il revenait la revoir,
tenace,
Puis disparut. Malgré les cruelles
menaces
De la Chatte blanche, Crépuscule décida
D’aller parler à son amant qu’elle
dérida
En lui disant, à son sort compatissante :
« Vous m’êtes cher et je vous serai
obéissante,
Au jour que vous allez vous-même nous
choisir,
Je vous épouserai, si tel est votre
désir
Qui vous guérira du mal qui vous
tourmente. »
En entendant, joyeux, cette réponse
charmante,
Le Serpent retrouva sa force et sa
santé.
Tremblant d’être punie, le cœur épouvanté,
Crépuscule alla au château. A son
approche,
La Chatte blanche la vit sans lui faire
un reproche.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2166.
mardi 27 janvier 2015
Conte: Les petites Coudées (Partie IV)
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