lundi 26 janvier 2015

Conte: Les petites Coudées (Partie III)

CONTE: LES PETITES COUDÉES (PARTIE III)


III. Le château que Crépuscule trouva dans la forêt, et comment elle y fut accueillie

Crépuscule s’endormit bien malgré le danger,
Sans que nulle bête ne vînt la déranger.
A son réveil elle vit, de loin, une lumière
Qui ne lui semblait pas venir d’une chaumière,
Car elle était radieuse. Plus elle s’en approchait,
Plus cette lumière luisait quand vers elle elle marchait ;
Cela ressemblait à un feu d’artifice,
Et qui jaillissait d’un mystérieux édifice,
Hospitalier peut-être ou peut-être fatal.
Elle arriva auprès d’un château en cristal,
Tellement beau qu’elle en resta émerveillée,
De son sommeil ne se croyant pas réveillée.
Elle s’écria : « Ah ! le beau château que voilà !
Qu’est-ce que ce soleil radieux que je vois là ? »
Deux fois la princesse frappa à la porte,
Et elle cria de sa voix la plus forte
Sans que personne ne vînt ouvrir. Elle entendit,
Quand elle frappa une fois encore et attendit,
Quelques petites voix qui parlaient entre elles ;
Elle vit venir douze Coudées, personnes fort belles
Qui n’étaient pas plus hautes que le coude, pour ouvrir,
Et ne put s’empêcher doucement de s’attendrir
En voyant six Coudées, fort mignonnes et blanches,
Tirer la porte, et six soulever la clanche.
« Laissez-moi entrer, de grâce ! Je suis fille de roi,
Et je me suis perdue dans ce sinistre endroit. »
Leur dit Crépuscule, emplie de détresse.
« Entrez et demandez à notre maîtresse,
Répondirent les Coudées, de vous laisser rester. »
Afin de l’emmener devant sa Majesté,
Elles lui firent traverser une magnifique suite
Et à la maîtresse des céans elle fut conduite ;
C’était une belle Chatte blanche qu’elle aima voir
Et dit à la princesse : « Je veux vous recevoir
Dans mon château, si vous me faites la promesse
Que vous resterez mon obéissante hôtesse
Et vous ne chercherez jamais à en sortir. »
Crépuscule promit de ne point en partir
Et d’obéir à la mystérieuse Chatte.
Pensant qu’elle devait avoir faim, on eut hâte
De servir un repas. Elle alla se changer,
Et les Coudées, pendant ce temps, firent à manger.
Quatre soutenaient un plat sur leurs épaules frêles,
Trois de ces créatures douces et surnaturelles
Portaient une bouteille de vin, tandis que deux
Apportaient un verre sans avoir l’air galvaudeux.
Crépuscule se mit à table. Une belle braise
La réchauffait, et elle mangea à son aise.
La Chatte lui demanda si elle se trouvait bien
Et voulait s’assurer qu’elle ne manquait de rien.
« Ah ! oui, j’aime bien ce bon repas, madame,
Répondit Crépuscule, et cette chaude flamme. »
La Chatte lui dit : « Hé bien, tous les jours vous mangerez
Ainsi, princesse, quand, le soir, vous vous changerez.
Je veux vous montrer mon jardin ; c’est ce qui reste
A voir dans le château. » Dans un enclos vaste,
Eclairé, le soir, par de mystérieux flambeaux,
Où il y avait des fleurs rares et des arbres beaux,
Elle la conduisit, et dans cette retraire exquise
Lui dit : « Vous pouvez errer à votre guise,
Partout où vous voulez, et cueillir des fleurs
Et des fruits ; mais il vous arrivera malheur,
Et je vous punirai d’une verte manière,
Si vous vous approchez, imprudente flânière,
De la pièce d’eau, là-bas. Je pourrai le sentir,
Vous ne tarderiez pas à vous en repentir. »
Crépuscule l’assura qu’elle prendrait garde
De s’y aventurer, et tous les jours gaillarde,
Après le repas, quand l’envie lui en venait,
Dans le jardin de son hôtesse se promenait.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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