CONTE: LA FLEUR DU ROCHER (PARTIE III)
III. Pourquoi Jean Cate revint au fort de la
Corbière, et ce qui lui y arriva
Bien qu’il fût très content de devenir l’époux
De la Fleur du rocher dont les charmes
étaient doux,
Jean n’était pas tranquille, et dans la
solitude
Il repensait au fort avec inquiétude.
Tout le monde croyait sans doute qu’il
déserta
Et que sa couardise loin des siens l’emporta,
Qu’il était un fuyard, un coureur et un
lâche
Que dans les bras d’une amante il se
cache,
Et en se souvenant de lui on le
méprisait.
Assombri par cette pensée, il se disait :
« La Houle n’est pas loin du fort,
si on y pénètre,
On va me retrouver et me reconnaître
Et je serai pris comme un ignoble
voleur. »
Quand il y songeait, son front changeait
de couleur
Et il devenait tout à coup triste et blême,
Mais il n’en parla à personne, même à sa
femme.
Peu de temps après, ses beaux-parents,
fort vieux,
Et dont l’âge faisait, comme la fortune,
des envieux,
Tombèrent gravement malades et sentirent
leur fin proche.
Le père, courageux comme un seigneur de
vieille roche,
Appela son beau-fils et lui dit
calmement :
« Avant de mourir comme j’ai vécu
dignement,
Je vais vous faire, car je vous crois
honorable,
Et car vous êtes soldat, un présent
mémorable.
Autrefois, j’ai été guerrier. Prenez,
mon cher,
Cette formidable épée dont je suis
toujours fier,
Elle exaucera tous vos vœux, car elle
est charmée
Et peut terrasser, en la tenant, une
armée. »
Le seigneur dit ensuite à sa fille qu’il
aimait :
« Lumière de mes yeux, ma fille, n’oublie
jamais
De garder avec toi ces clefs que je t’offre
Et qui ouvrent, emplis de trésors, tous
mes coffres. »
Le père mourut, et la mère, sans
trembler du sort,
Dit à sa fille : « Je
vais mourir comme il est mort ;
Prenez ma baguette et cette petite
bouteille
Qui guérit de toutes les blessures
vermeilles.
Emportez-les avec vous, sans être
oublieux
Si vous décidez un jour de quitter ces
lieux,
De les confier aux deux gardes de la
porte. »
Quand la mère de la Fleur du rocher fut
morte
Et que ses deux parents eurent été
enterrés,
Jean dit à sa femme : « Comme
toi je suis éploré,
Mais je ne te cache point que je crains
que ma vie
Ne me soit, si nous restons ici, ravie.
De ce château jamais je ne me lasserai,
Mais, si les soldats m’y trouvaient, je
passerais
En conseil de guerre, et ma mort serait
certaine. »
« Cette grotte de ton fort est bien
lointaine,
Lui répondit sa femme. Nul ne nous
trouvera
Et jusqu’à ce château dans la grotte
nous suivra.
Je ne comprends point ce désir qui te
torture,
Pourquoi veux-tu ainsi courir les
aventures
Alors que nous sommes riches et le
serons toujours,
Comme nos enfants après nous ?
Restons, mon amour. »
Mais Jean avait envie d’éprouver son
épée,
Et, rêvant déjà de travaux et d’épopées,
Supplia sa femme qui finit par
consentir.
Ils dirent aux deux gardiens, avant de
repartir,
Que s’ils ne revenaient point de leur
deuxième voyage
Le château serait à eux. Dans le sillage
De son mari, cette fois, la belle Fleur
du rocher
Le suivit, et quand ils finirent par s’approcher
Du fort de la Corbière, Jean rejoignit
son poste.
De son départ on sut la nouvelle
funeste,
Et, comme il s’absenta dix-huit mois
sans raison,
On l’arrêta bientôt et le mit en prison.
Sa femme, qui était pendant ce temps
enceinte,
Alla demeurer près du fort, et Jean,
sans crainte,
Lui défendit de se servir, pour le
sauver,
De sa baguette, afin de ne pas le priver
De l’occasion de faire usage de son arme
Et d’éprouver, dans la bataille, ses
charmes.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2166.
vendredi 9 janvier 2015
Conte: La Fleur du rocher (Partie III)
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