vendredi 9 janvier 2015

Conte: La Fleur du rocher (Partie III)

CONTE: LA FLEUR DU ROCHER (PARTIE III


III. Pourquoi Jean Cate revint au fort de la Corbière, et ce qui lui y arriva

Bien qu’il fût très content de devenir l’époux
De la Fleur du rocher dont les charmes étaient doux,
Jean n’était pas tranquille, et dans la solitude
Il repensait au fort avec inquiétude.
Tout le monde croyait sans doute qu’il déserta
Et que sa couardise loin des siens l’emporta,
Qu’il était un fuyard, un coureur et un lâche
Que dans les bras d’une amante il se cache,
Et en se souvenant de lui on le méprisait.
Assombri par cette pensée, il se disait :
« La Houle n’est pas loin du fort, si on y pénètre,
On va me retrouver et me reconnaître
Et je serai pris comme un ignoble voleur. »
Quand il y songeait, son front changeait de couleur
Et il devenait tout à coup triste et blême,
Mais il n’en parla à personne, même à sa femme.
Peu de temps après, ses beaux-parents, fort vieux,
Et dont l’âge faisait, comme la fortune, des envieux,
Tombèrent gravement malades et sentirent leur fin proche.
Le père, courageux comme un seigneur de vieille roche,
Appela son beau-fils et lui dit calmement :
« Avant de mourir comme j’ai vécu dignement,
Je vais vous faire, car je vous crois honorable,
Et car vous êtes soldat, un présent mémorable.
Autrefois, j’ai été guerrier. Prenez, mon cher,
Cette formidable épée dont je suis toujours fier,
Elle exaucera tous vos vœux, car elle est charmée
Et peut terrasser, en la tenant, une armée. »
Le seigneur dit ensuite à sa fille qu’il aimait :
« Lumière de mes yeux, ma fille, n’oublie jamais
De garder avec toi ces clefs que je t’offre
Et qui ouvrent, emplis de trésors, tous mes coffres. »
Le père mourut, et la mère, sans trembler du sort,
Dit à sa fille : « Je vais mourir comme il est mort ;
Prenez ma baguette et cette petite bouteille
Qui guérit de toutes les blessures vermeilles.
Emportez-les avec vous, sans être oublieux
Si vous décidez un jour de quitter ces lieux,
De les confier aux deux gardes de la porte. »
Quand la mère de la Fleur du rocher fut morte
Et que ses deux parents eurent été enterrés,
Jean dit à sa femme : « Comme toi je suis éploré,
Mais je ne te cache point que je crains que ma vie
Ne me soit, si nous restons ici, ravie.
De ce château jamais je ne me lasserai,
Mais, si les soldats m’y trouvaient, je passerais
En conseil de guerre, et ma mort serait certaine. »
« Cette grotte de ton fort est bien lointaine,
Lui répondit sa femme. Nul ne nous trouvera
Et jusqu’à ce château dans la grotte nous suivra.
Je ne comprends point ce désir qui te torture,
Pourquoi veux-tu ainsi courir les aventures
Alors que nous sommes riches et le serons toujours,
Comme nos enfants après nous ? Restons, mon amour. »
Mais Jean avait envie d’éprouver son épée,
Et, rêvant déjà de travaux et d’épopées,
Supplia sa femme qui finit par consentir.
Ils dirent aux deux gardiens, avant de repartir,
Que s’ils ne revenaient point de leur deuxième voyage
Le château serait à eux. Dans le sillage
De son mari, cette fois, la belle Fleur du rocher
Le suivit, et quand ils finirent par s’approcher
Du fort de la Corbière, Jean rejoignit son poste.
De son départ on sut la nouvelle funeste,
Et, comme il s’absenta dix-huit mois sans raison,
On l’arrêta bientôt et le mit en prison.
Sa femme, qui était pendant ce temps enceinte,
Alla demeurer près du fort, et Jean, sans crainte,
Lui défendit de se servir, pour le sauver,
De sa baguette, afin de ne pas le priver
De l’occasion de faire usage de son arme
Et d’éprouver, dans la bataille, ses charmes.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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