jeudi 8 janvier 2015

Conte: La Fleur du rocher (Partie II)

CONTE: LA FLEUR DU ROCHER (PARTIE II


II. Comment Jean Cate alla au château de la Fleur du rocher, qui devint son épouse

Jean Cate retourna au port et ne parla point
De son aventure, mais il avait besoin
De revoir la jolie et mystérieuse dame,
Le cœur embrasé d’une irrésistible flamme.
Tous les jours, sur le fort, en faisant son devoir,
Du côté de la mer il croyait la revoir,
Mais il voyait souvent de bonnes femmes vertes et sages,
Vieilles comme les chemins et blanches comme la neige,
Et qui, contentes des vents et de la saison,
Étendaient doucement leur linge sur les gazons.
Une semaine après, n’étant pas de service,
Jean aperçut la dame qu’un mystérieux caprice
Faisait revenir au même endroit, et il sortit
Et à sa rencontre, sans réfléchir, partit,
Emportant sa perche comme s’il allait à la pêche.
Il descendit encore la falaise rêche
Et, arrivé auprès de la Houle, aussitôt
Vit une table emplie de fruits, de vins, de gâteaux
Et d’autres délices. La dame, de le revoir aise,
Lui dit de s’asseoir, à côté d’elle, sur une chaise.
« Eh bien, demanda-t-elle à l’hôte qui la chérit,
Jean Cate, de tes blessures es-tu bien guéri ? » 
« Ah ! oui, répondit-il. Grâce à vous, madame. »
« Ne m’appelle pas ainsi, dit la jeune femme,
Je suis demoiselle, et ne vais point te cacher
Que l’on me donne le nom de la Fleur du rocher. »
« Ah ! voilà un nom qui vous sied à merveille,
Même si à nulle autre fleur vous n’êtes pareille. »
S’écria le soldat épris, qui eut recours
A toute son éloquence pour lui faire la cour,
En mangeant dans ce bel endroit avec elle.
Il lui dit qu’elle était aussi bonne que belle,
Et que revoir ses yeux était son seul désir ;
Comme elle semblait y prendre grand plaisir,
Il lui avoua qu’il voulait, sans attente,
Et si elle y était, certes, consentante,
Qu’elle devînt son épouse, mais il voulait savoir
Si elle était femme ou fée. Elle, sans s’émouvoir,
Lui dit : « Des fées ? Croirais-tu à ces histoires ?
Je suis la fille d’un seigneur de grande gloire,
Si tu viens avec moi au château paternel,
Tu y recevras un bel accueil fraternel. »
Jean était content ; il se disait, tout de même : 
« Si je vais avec cette demoiselle que j’aime,
Je passerai pour un lâche et pour un déserteur,
Mais à ces douces grâces, à ces charmes transporteurs,
Qui peut résister ? Non, que le Diable m’emporte !
Être avec une femme qui vous réconforte
Et vous embrasse, est mieux que le vent et le froid.
Rien, hormis la perdre, ne m’inspire de l’effroi,
Et le ciel ne fait pas toujours tomber du cuivre. »
Il demanda à la dame : « Comment vous suivre ?
Nous nous perdrons sans doute, n’ayant point de flambeaux,
Dans cette grotte où il fait noir comme dans un tombeau. »
« Ne t’ai-je pas passé sur les yeux du baume magique ?
Allons, n’aie point peur et sois plus énergique,
Répondit la Fleur du rocher, car grâce à lui
Nous n’aurons besoin de nul flambeau qui reluit. »
Quand ils finirent de manger, une vieille
Couverte de goumon, à une sirène pareille,
Vint desservir la table, légère comme l’air.
Jean et la demoiselle, dans la grotte, voyaient clair
Comme s’ils étaient en plein jour, et sa sombre marge,
En s’avançant devenait encore plus large.
Jean, stupéfait, croyait qu’il perdait la raison
En voyant des chemins parsemés de maisons
Et des champs tout radieux, somptueux voilages,
Et il passa devant plus de dix villages
Avant d’arriver au château, voulant souvent
Savoir où ils allaient, rapides comme le vent.
« Le château n’est pas loin. » Lui disait, aimante,
La Fleur du rocher qui lui souriait, charmante.
Ils arrivèrent, tandis que Jean encor rêvait,
A une grande avenue royale où il y avait
Des fleurs parfumées et des arbres de toutes sortes.
Au bout de l’avenue se tenaient à la porte
Deux gardiens qui semblaient avoir plus de mille ans.
Le père et la mère avaient les cheveux blancs
Et de vieux crapauds ils avaient la peau hideuse.
Jean trembla, malgré lui, de leur mine hasardeuse,
Et dit à son épouse : « Sont-ce là vos parents ? »
« Tu les verras bientôt tout à fait différents,
Lui dit-elle en riant, ils éprouvent ton courage. »
Changeants, en effet, comme s’ils étaient des mirages,
Dès qu’ils entrèrent dans un appartement,
Le seigneur et sa femme embrassèrent fortement
Jean Cate, et ils devinrent aussi beaux que leur fille.
Ils l’accueillirent comme un membre de leur famille,
Et bien qu’ils fussent très riches, consentirent sans effort
A ce mariage, et leurs parents n’étant point morts,
Avec tous leurs amis ils les invitèrent
Aux belles noces que dans le château ils célébrèrent.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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