CONTE: LA FLEUR DU ROCHER (PARTIE II)
II. Comment Jean Cate alla au château de la Fleur du
rocher, qui devint son épouse
Jean Cate retourna au port et ne parla
point
De son aventure, mais il avait besoin
De revoir la jolie et mystérieuse dame,
Le cœur embrasé d’une irrésistible
flamme.
Tous les jours, sur le fort, en faisant
son devoir,
Du côté de la mer il croyait la revoir,
Mais il voyait souvent de bonnes femmes
vertes et sages,
Vieilles comme les chemins et blanches
comme la neige,
Et qui, contentes des vents et de la
saison,
Étendaient doucement leur linge sur les
gazons.
Une semaine après, n’étant pas de
service,
Jean aperçut la dame qu’un mystérieux
caprice
Faisait revenir au même endroit, et il
sortit
Et à sa rencontre, sans réfléchir,
partit,
Emportant sa perche comme s’il allait à
la pêche.
Il descendit encore la falaise rêche
Et, arrivé auprès de la Houle, aussitôt
Vit une table emplie de fruits, de vins,
de gâteaux
Et d’autres délices. La dame, de le
revoir aise,
Lui dit de s’asseoir, à côté d’elle, sur
une chaise.
« Eh bien, demanda-t-elle à l’hôte
qui la chérit,
Jean Cate, de tes blessures es-tu bien
guéri ? »
« Ah ! oui, répondit-il. Grâce
à vous, madame. »
« Ne m’appelle pas ainsi, dit la
jeune femme,
Je suis demoiselle, et ne vais point te
cacher
Que l’on me donne le nom de la Fleur du
rocher. »
« Ah ! voilà un nom qui vous
sied à merveille,
Même si à nulle autre fleur vous n’êtes
pareille. »
S’écria le soldat épris, qui eut recours
A toute son éloquence pour lui faire la
cour,
En mangeant dans ce bel endroit avec
elle.
Il lui dit qu’elle était aussi bonne que
belle,
Et que revoir ses yeux était son seul
désir ;
Comme elle semblait y prendre grand
plaisir,
Il lui avoua qu’il voulait, sans
attente,
Et si elle y était, certes, consentante,
Qu’elle devînt son épouse, mais il
voulait savoir
Si elle était femme ou fée. Elle, sans s’émouvoir,
Lui dit : « Des fées ?
Croirais-tu à ces histoires ?
Je suis la fille d’un seigneur de grande
gloire,
Si tu viens avec moi au château
paternel,
Tu y recevras un bel accueil fraternel. »
Jean était content ; il se disait,
tout de même :
« Si je vais avec cette demoiselle
que j’aime,
Je passerai pour un lâche et pour un
déserteur,
Mais à ces douces grâces, à ces charmes
transporteurs,
Qui peut résister ? Non, que le
Diable m’emporte !
Être avec une femme qui vous réconforte
Et vous embrasse, est mieux que le vent
et le froid.
Rien, hormis la perdre, ne m’inspire de
l’effroi,
Et le ciel ne fait pas toujours tomber
du cuivre. »
Il demanda à la dame : « Comment
vous suivre ?
Nous nous perdrons sans doute, n’ayant
point de flambeaux,
Dans cette grotte où il fait noir comme
dans un tombeau. »
« Ne t’ai-je pas passé sur les yeux
du baume magique ?
Allons, n’aie point peur et sois plus
énergique,
Répondit la Fleur du rocher, car grâce à
lui
Nous n’aurons besoin de nul flambeau qui
reluit. »
Quand ils finirent de manger, une
vieille
Couverte de goumon, à une sirène
pareille,
Vint desservir la table, légère comme l’air.
Jean et la demoiselle, dans la grotte,
voyaient clair
Comme s’ils étaient en plein jour, et sa
sombre marge,
En s’avançant devenait encore plus
large.
Jean, stupéfait, croyait qu’il perdait
la raison
En voyant des chemins parsemés de
maisons
Et des champs tout radieux, somptueux
voilages,
Et il passa devant plus de dix villages
Avant d’arriver au château, voulant
souvent
Savoir où ils allaient, rapides comme le
vent.
« Le château n’est pas loin. »
Lui disait, aimante,
La Fleur du rocher qui lui souriait,
charmante.
Ils arrivèrent, tandis que Jean encor
rêvait,
A une grande avenue royale où il y avait
Des fleurs parfumées et des arbres de
toutes sortes.
Au bout de l’avenue se tenaient à la
porte
Deux gardiens qui semblaient avoir plus
de mille ans.
Le père et la mère avaient les cheveux
blancs
Et de vieux crapauds ils avaient la peau
hideuse.
Jean trembla, malgré lui, de leur mine
hasardeuse,
Et dit à son épouse : « Sont-ce
là vos parents ? »
« Tu les verras bientôt tout à fait
différents,
Lui dit-elle en riant, ils éprouvent ton
courage. »
Changeants, en effet, comme s’ils
étaient des mirages,
Dès qu’ils entrèrent dans un
appartement,
Le seigneur et sa femme embrassèrent
fortement
Jean Cate, et ils devinrent aussi beaux
que leur fille.
Ils l’accueillirent comme un membre de
leur famille,
Et bien qu’ils fussent très riches,
consentirent sans effort
A ce mariage, et leurs parents n’étant
point morts,
Avec tous leurs amis ils les invitèrent
Aux belles noces que dans le château ils
célébrèrent.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
jeudi 8 janvier 2015
Conte: La Fleur du rocher (Partie II)
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