CONTE: LA BELLE AUX CLÉS D'OR (PARTIE IV)
IV. Les travaux du jeune prince, et la dernière
requête de la Belle aux clés d’or
Suivant de la jument les fidèles
conseils,
Le prince demanda, radieux comme le
soleil,
Au roi de faire construire un vaisseau
immense.
Les ouvriers, tremblant de sa véhémence,
Se mirent bien vite à l’œuvre ;
Après sa construction,
Le jeune prince suivit, dans toutes ses
actions,
Les recommandations de la jument sage,
Et près du château il fit enfin passage.
La belle était à sa fenêtre et regardait
Le navire qui dans ses flots se
hasardait.
« Bonjour, princesse. » dit le
prince ébloui de ses charmes.
« Bonjour, sire. » répondit la
princesse sans alarmes
Qui prenait le berger pour un illustre
roi.
« Madame, je suis venu en ce
lointain endroit,
Ajouta le berger, que les marins
craignent,
Visiter le château où votre altesse
règne,
Et qui sur Terre n’a point encor son
pareil,
Immense comme la mer, radieux et
vermeil.
Me le permettez-vous ? » « Oui »
répondit-elle.
Le prince parcourut, aidé par la belle,
Tout le château. Puis elle le fit boire
et manger,
Hospitalière comme il sied aux
étrangers.
Elle dit au prince, avec un sourire
affable :
« Aimez-vous mon château ? Y
a-t-il un semblable
Dans votre pays ? » « Non,
lui dit le prince ébloui,
Et je n’ai jamais vu un aussi beau que
lui.
Mais si vous voulez venir à bord de mon
navire
Qui dans les flots violents jamais ne
chavire,
Vous verrez qu’il est fort beau aussi et
ancien. »
« Je vais me préparer et dans deux
heures je viens. »
Dit la Belle aux clés d’or d’une façon
ingénue.
Il commanda, avant qu’elle ne fût venue,
Pour la ramener à coup sûr au roi
passionné
Qui l’attendait dans son palais
assaisonné,
A ses matelots d’être prêts pour l’appareillage
Et à refaire sans délai le même voyage.
La Belle aux clés d’or vint, montant
sans hésiter
Sur le vaisseau que son hôte lui fit
visiter
Pendant une heure. Mais quand la pauvre
princesse
Remonta sur le pont, elle vit avec
détresse
Qu’on l’emmenait bien loin de son pays
chéri.
« Malheureux ! cria-t-elle au
prince, sois flétri !
Pourquoi m’as-tu trompée ? Tu n’es
point honorable,
Et ne méritais point ma bonté,
misérable. »
« Madame, pardonnez-moi. Je devais
vous cacher,
Répondit le prince, que je vins vous
chercher
Par l’ordre du roi qui, plein d’une rage
hautaine,
Me promit, revenu sans vous, une mort
certaine.
Sachez que, comme vous, mon action me
rend amer. »
Elle jeta, de colère, ses clés d’or à la
mer,
Et se mit à crier encore. Mais, sans
doute,
Nul ne pouvait l’aider. Continuant sa
route,
Le vaisseau arriva au port, et le roi
vit
La Belle aux clés d’or, et de ses
charmes ravi,
Il voulut l’épouser. Mais, rebelle et
fière,
Elle n’obéit point à ses amoureuses
prières.
« Quand j’étais, lui dit-elle,
captive du bateau,
Je jetai en mer les clés d’or de mon
château,
Et pour vous épouser il faut me les
remettre. »
Le roi fit aussitôt venir son pauvre
pâtre
Et lui dit : « Si tu veux
vivre, il faut m’apporter
Les clés d’or de ma reine que tu as pu
escorter
Jusqu’ici, et qu’elle a perdues dans les
ondes. »
Empli de peur et de tristesse profonde,
Le prince alla voir sa jument, et il lui
dit :
« Que ce roi, prompt à me menacer,
soit maudit !
Je lui ai ramené la belle princesse
irritée,
Et il veut que je trouve es clés qu’elle
a jetées
Dans les ondes, si je veux demeurer
vivant. »
« Écoute bien mes conseils,
dit-elle. En les suivant,
Tu réussiras. Dis au roi de faire
construire
Un nouveau vaisseau, et surtout veille à
l’instruire
De sa taille, petit mais rapide
marcheur,
Et robuste comme les navires des
pêcheurs.
Tu mettras une pierre bien droite à l’arrière,
Et près de l’endroit où cette princesse
fière
Jeta ses clés, avec cette baguette tu
frapperas
Trois fois la grosse pierre que tu
emporteras.
Tu verras sortir de l’eau un nain
difforme
Qui menacera de te dévorer. Reste ferme,
Et frappe-lui sur la tête trois coups
puissants
Jusqu’à ce qu’il te jette les clés, s’affaiblissant. »
Le prince partit de nouveau à l’aventure
Et réussit à vaincre la farouche
créature
Et ramener à la belle ce qui lui fut
volé.
Le roi les lui montra, de joie affolé,
Et lui dit : « Maintenant,
tu seras ma femme. »
La princesse réfléchit un peu et devint
blême,
Puis dit au roi : « Non,
si vous voulez m’épouser,
Ramenez-moi mon château qu’il faut ici
poser. »
Le roi fit venir le prince et, sans
gratitude,
Le menaça d’abord, comme d’habitude,
Et le chargea de cette périlleuse
mission,
Pour la Belle aux clés d’or empli d’une
folle passion.
Le jeune prince alla voir, devenue
chétive
Car dans les étables elle fut trop
longtemps captive,
Sa jument qui lui dit : « Modère
ton effroi,
Pour réussir, tu vas demander à ce roi
De faire construire, cette fois, le
vaisseau le plus vaste
Qui existât, et de le charger avec faste
De mille vins et des mets les plus
délicieux.
Tu verras les géants de leurs ventres
soucieux
Qui portent le château de la belle sur
leurs têtes.
Ne les crains pas : ils sont
puissants mais bien bêtes,
Et il suffira que tu leur offres à
manger
Pour que tu ne coures, de leur part, nul
danger.
Une fois repus, ils vont t’obéir avec
joie. »
Léger pour ces géants comme une étoffe
de soie,
Ils emportèrent le château, et au pâtour
Disaient : « Nous avions,
sire, une faim de vautours !
Vous êtes bien meilleur que notre
maîtresse. »
Sans aucune lassitude et sans nulle détresse
Ils atteignirent Paris. Le roi fut très
content
De voir qu’ils arrivèrent sans tarder
très longtemps.
Il dit à la princesse : « Maintenant,
ma reine,
Vous serez ma femme, de ce pays
souveraine. »
Elle pâlit et lui dit : « Mon
seigneur, en retour,
Je veux une dernière chose : tuez
ce vil pastour
Qui a été chercher mes clés et ma
demeure.
Pour que je vous épouse, il suffit qu’il
meure. »
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2166.
vendredi 2 janvier 2015
Conte: La Belle aux clés d'or (Partie IV)
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