vendredi 2 janvier 2015

Conte: La Belle aux clés d'or (Partie IV)

CONTE: LA BELLE AUX CLÉS D'OR (PARTIE IV) 



IV. Les travaux du jeune prince, et la dernière requête de la Belle aux clés d’or

Suivant de la jument les fidèles conseils,
Le prince demanda, radieux comme le soleil,
Au roi de faire construire un vaisseau immense.
Les ouvriers, tremblant de sa véhémence,
Se mirent bien vite à l’œuvre ; Après sa construction,
Le jeune prince suivit, dans toutes ses actions,
Les recommandations de la jument sage,
Et près du château il fit enfin passage.
La belle était à sa fenêtre et regardait
Le navire qui dans ses flots se hasardait.
« Bonjour, princesse. » dit le prince ébloui de ses charmes.
« Bonjour, sire. » répondit la princesse sans alarmes
Qui prenait le berger pour un illustre roi.
« Madame, je suis venu en ce lointain endroit,
Ajouta le berger, que les marins craignent,
Visiter le château où votre altesse règne,
Et qui sur Terre n’a point encor son pareil,
Immense comme la mer, radieux et vermeil.
Me le permettez-vous ? » « Oui » répondit-elle.
Le prince parcourut, aidé par la belle,
Tout le château. Puis elle le fit boire et manger,
Hospitalière comme il sied aux étrangers.
Elle dit au prince, avec un sourire affable :
« Aimez-vous mon château ? Y a-t-il un semblable
Dans votre pays ? » « Non, lui dit le prince ébloui,
Et je n’ai jamais vu un aussi beau que lui.
Mais si vous voulez venir à bord de mon navire
Qui dans les flots violents jamais ne chavire,
Vous verrez qu’il est fort beau aussi et ancien. »
« Je vais me préparer et dans deux heures je viens. »
Dit la Belle aux clés d’or d’une façon ingénue.
Il commanda, avant qu’elle ne fût venue,
Pour la ramener à coup sûr au roi passionné
Qui l’attendait dans son palais assaisonné,
A ses matelots d’être prêts pour l’appareillage
Et à refaire sans délai le même voyage.
La Belle aux clés d’or vint, montant sans hésiter
Sur le vaisseau que son hôte lui fit visiter
Pendant une heure. Mais quand la pauvre princesse
Remonta sur le pont, elle vit avec détresse
Qu’on l’emmenait bien loin de son pays chéri.
« Malheureux ! cria-t-elle au prince, sois flétri !
Pourquoi m’as-tu trompée ? Tu n’es point honorable,
Et ne méritais point ma bonté, misérable. »
« Madame, pardonnez-moi. Je devais vous cacher,
Répondit le prince, que je vins vous chercher
Par l’ordre du roi qui, plein d’une rage hautaine,
Me promit, revenu sans vous, une mort certaine.
Sachez que, comme vous, mon action me rend amer. »
Elle jeta, de colère, ses clés d’or à la mer,
Et se mit à crier encore. Mais, sans doute,
Nul ne pouvait l’aider. Continuant sa route,
Le vaisseau arriva au port, et le roi vit
La Belle aux clés d’or, et de ses charmes ravi,
Il voulut l’épouser. Mais, rebelle et fière,
Elle n’obéit point à ses amoureuses prières.
« Quand j’étais, lui dit-elle, captive du bateau,
Je jetai en mer les clés d’or de mon château,
Et pour vous épouser il faut me les remettre. »
Le roi fit aussitôt venir son pauvre pâtre
Et lui dit : « Si tu veux vivre, il faut m’apporter
Les clés d’or de ma reine que tu as pu escorter
Jusqu’ici, et qu’elle a perdues dans les ondes. »
Empli de peur et de tristesse profonde,
Le prince alla voir sa jument, et il lui dit :
« Que ce roi, prompt à me menacer, soit maudit !
Je lui ai ramené la belle princesse irritée,
Et il veut que je trouve es clés qu’elle a jetées
Dans les ondes, si je veux demeurer vivant. »
« Écoute bien mes conseils, dit-elle. En les suivant,
Tu réussiras. Dis au roi de faire construire
Un nouveau vaisseau, et surtout veille à l’instruire
De sa taille, petit mais rapide marcheur,
Et robuste comme les navires des pêcheurs.
Tu mettras une pierre bien droite à l’arrière,
Et près de l’endroit où cette princesse fière
Jeta ses clés, avec cette baguette tu frapperas
Trois fois la grosse pierre que tu emporteras.
Tu verras sortir de l’eau un nain difforme
Qui menacera de te dévorer. Reste ferme,
Et frappe-lui sur la tête trois coups puissants
Jusqu’à ce qu’il te jette les clés, s’affaiblissant. »
Le prince partit de nouveau à l’aventure
Et réussit à vaincre la farouche créature
Et ramener à la belle ce qui lui fut volé.
Le roi les lui montra, de joie affolé,
Et lui dit : « Maintenant, tu seras ma femme. »
La princesse réfléchit un peu et devint blême,
Puis dit au roi : « Non, si vous voulez m’épouser,
Ramenez-moi mon château qu’il faut ici poser. »
Le roi fit venir le prince et, sans gratitude,
Le menaça d’abord, comme d’habitude,
Et le chargea de cette périlleuse mission,
Pour la Belle aux clés d’or empli d’une folle passion.
Le jeune prince alla voir, devenue chétive
Car dans les étables elle fut trop longtemps captive,
Sa jument qui lui dit : « Modère ton effroi,
Pour réussir, tu vas demander à ce roi
De faire construire, cette fois, le vaisseau le plus vaste
Qui existât, et de le charger avec faste
De mille vins et des mets les plus délicieux.
Tu verras les géants de leurs ventres soucieux
Qui portent le château de la belle sur leurs têtes.
Ne les crains pas : ils sont puissants mais bien bêtes,
Et il suffira que tu leur offres à manger
Pour que tu ne coures, de leur part, nul danger. 
Une fois repus, ils vont t’obéir avec joie. »
Léger pour ces géants comme une étoffe de soie,
Ils emportèrent le château, et au pâtour
Disaient : « Nous avions, sire, une faim de vautours !
Vous êtes bien meilleur que notre maîtresse. »
Sans aucune lassitude et sans nulle détresse
Ils atteignirent Paris. Le roi fut très content
De voir qu’ils arrivèrent sans tarder très longtemps.
Il dit à la princesse : « Maintenant, ma reine,
Vous serez ma femme, de ce pays souveraine. »
Elle pâlit et lui dit : « Mon seigneur, en retour,
Je veux une dernière chose : tuez ce vil pastour
Qui a été chercher mes clés et ma demeure.
Pour que je vous épouse, il suffit qu’il meure. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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