jeudi 1 janvier 2015

Conte: La Belle aux clés d'or (Partie III)

CONTE: LA BELLE AUX CLÉS D'OR (PARTIE III) 



III. Ce que le jeune prince devint à Paris, et ce que le roi lui ordonna de faire

« Et maintenant, qu’allons-nous faire ? J’espère,
Dit le prince, que je reviendrai voir mon père,
Qui d’une belle princesse veut que je sois mari. »
La jument répondit : « Non, allons à Paris. »
Et avec lui elle se mit à marcher encore.
Il trouva un ruban de diamants. Comme l’aurore,
Il reluisait, changeant la nuit en jour radieux.
Les deux marchèrent aussi longtemps qu’il plut à Dieu,
Et arrivèrent enfin à Paris, moins immense
Qu’il ne l’est de nos jours. Dans une pâture dense
Qui était alors grasse et fraîche à faire plaisir,
Le prince mena sa jument qui à loisir
Broutait, car elle avait grand faim, l’herbe verte.
« Tu vois ce blanc palais à la porte ouverte,
Lui dit-elle, c’est là que demeure le roi.
Allons le voir quand nous quitterons cet endroit,
Il cherche un pâtour pour ses brebis nombreuses
Et te prendra à son service. Et moi, heureuse,
Je t’accompagnerai quand tu viendras ici. »
Le jeune homme alla voir le roi, et celui-ci,
Comme un de ses bergers partit la matinée,
Pour voir ce qu’il vaut, le gagea pour la journée.
Il mena ses brebis que la faim torturait
Au même endroit où sa belle jument pâturait,
Et quand elle le vit elle hennissait, joyeuse,
En agitant de haut en bas sa queue soyeuse.
Le prince ramena ses brebis aussi le soir,
Elles devinrent en quelques jours fort charmantes à voir
Et bien repues, tandis que celles de ses confrères
Etaient laides et maigres comme des moines austères.
« Ah ! dit le roi content, j’aimerais bien manger
Une des belles brebis de cet excellent berger. »
Et les autres pâtours pâlirent de jalousie
Et sourirent au jeune prince avec hypocrisie
En songeant à perdre leur redoutable ennemi.
Une nuit qu’il était seul, le prince se mit
A regarder son beau ruban dans les étables
Qu’il emplissait de mille éclairs redoutables.
Or, le roi défendit à ses bergers prudents
De les éclairer. Pour dénoncer l’impudent,
Au lieu de lui dire d’éteindre sa chandelle,
Ils dirent à leur roi : « Le nouveau n’est point fidèle
A votre arrêt, car il allume, en ce moment,
De la chandelle pour lui et pour sa jument,
Et nous l’avons vu aux étables descendre. »
Etant véhément et n’aimant point attendre,
Le roi vint voir. Mais quand il entendit un bruit,
Le pâtour cacha vite le ruban qui reluit.
Le roi, ne voyant pas de coupable lumière,
Se courrouça contre eux d’une rude manière,
Et les traita tous de faquins et de menteurs.
Les pâtours se dirent : « Pour perdre ce vanteur,
Nous allons dire au roi que, plein d’effronterie,
De ravir la Belle aux clés d’or à sa patrie
Il avait affirmé posséder le pouvoir. »
Au roi crédule ces malins le firent savoir,
Il fit le prince et lui dit : « Tu te vantes
De pouvoir ramener ici sans épouvante
La Belle aux clés d’or. Si tu dis la vérité,
Amène-la-moi, ou je serai irrité. »
« Je n’en ai point parlé ! S’écria le jeune homme,
Et vous jure que j’ignore qui est cette dame. »
« Peu m’en chaut ! Dit le roi, amène-la ou tu meurs. »
Le berger se rendit, les yeux emplis de pleurs,
A la pâture où sa monture superbe,
Comme d’habitude, mangeait un peu d’herbe.
Affligé, elle lui en demanda la raison.
« Demeurer ici, ma chère, n’est plus de saison,
Lui répondit-il. Il faut qu’au roi j’apporte
La Belle aux clés d’or. Son humeur est peu accorte,
Et il m’a promis que si je n’y parviens pas
Tout ce qui m’attend est un injuste trépas. »
« N’est-ce que cela, dit la jument, qui t’attriste ?
Dis au roi qu’il te faut un vaisseau robuste,
Qui brille comme le soleil. Ensuite, tu iras
Avec quelques hommes preux que tu choisiras
Vers l’ouest-nord-ouest. Dans dix jours et dix heures
Tu arriveras au château où demeure
La Belle aux clés d’or, par quatre géants porté.
Invite la princesse, en lui parlant sans fierté,
A monter à bord de ton vaisseau, et l’emmène
A ce roi qui l’attend, sur les flots amènes. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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