dimanche 5 août 2012

Les songes de saint Patrice (quatrième partie)


LES SONGES DE SAINT PATRICE (Quatrième PARTIE)



IV

Un soir, il s’endormit près d’un feu énorme,
Après avoir doucement essuyé les larmes
De trois bûcherons par ses paroles consolés.
Du Christ et de son père il leur avait parlé,
De l’éden, du salut, de la sainte lumière,
En leur rappelant aussi leur fange première ;
Il leur dit : « Mes frères, sachez tous que Dieu
Ne nous oublie point, qu’il est miséricordieux,
Les rois et les druides de ses foudres tremblent,
Vos chaînes sont si pesantes aujourd’hui qu’elles vous semblent
Impossibles à briser. Mais le Seigneur vous voit
Et il vous sauvera si vous avez la foi !
Dormez en paix, ô, mes frères d’infortune,
Sous l’œil toujours ouvert de la sombre lune. »
Et Patrice s’endormit lui-même avec eux.

Il vit Satan, géant sombre qu’embrase le feu
De l’enfer, et que les vents jamais n’éteignent,
Furieux, rouler sur lui une noire montagne
Pour l’écraser. Alors il cria, horrifié :
« Ô, Élie ! Aidez-moi, car je ne puis défier
Ce monstre tout-puissant à la gueule enflammée ! »
Et la montagne, comme une éphémère fumée,
Se dissipa, et le jeune esclave, dans la nuit,
Vit Jésus rayonnant qui marchait vers lui ;
Il fut ébloui par sa blancheur surnaturelle,
Ses divines mains le bénissaient avec zèle
Et de son sourire le resplendissement
Emplit son cœur de joie et d’émerveillement
Comme d’un vin mystérieux on emplit une coupe vide ;
Il n’était plus las et il n’était plus livide,
Cessant d’être par le sommeil appesanti,
Le feu était éteint et les bûcherons partis
Quand il ouvrit ses yeux illuminés, qui virent
Le jour nouveau de Dieu devant lui reluire.
Il s’écria : « Enfin ! Je l’ai vu ! Le Christ vient
A mon secours, et de mes prières se souvient !
Je suis libre comme le seront mes frères ! »

Il rêva d’un navire que la houle altière
Poussa sur la côte, et entendit une voix
Forte et obstinée, qui lui cria plusieurs fois :
« Ce navire va bientôt mettre à la voile,
Entre toi et ton pays il n’y a que quelques étoiles !
Retourne à ta Bretagne ! » Et Patrice rêveur
Qui vit appareiller le navire sauveur
Se leva en sursaut, et courut, agile,
Vers le rivage à l’autre cap de la ville.
Il vit des marchands qui en Bretagne étaient nés
Et éploré il les supplia de l’emmener,
Au nom de Dieu et au nom de la Patrie.
Mais, âmes rudes et par l’océan aigries,
Ils refusèrent durement d’abord, puis étonnés,
Emus par les prières de ce jeune condamné
Et le timbre de sa voix suppliante
Qui leur rappela, malgré eux, leur patrie souriante,
Ils l’emmenèrent avec eux. Par les pirates surpris,
Il fut une nouvelle fois par ces monstres repris
Et revendu en Gaule. Des amis le rachetèrent
Et il se retira alors au monastère
De Lérins, de toutes ces aventures las,
Et il se préparait à son apostolat
Car les douleurs des fils d’Érin étaient restées
Dans son âme sombre qu’elles n’avaient jamais quittée.

L’aube blanchit le ciel, Patrice se réveilla
Par ce songe troublé, et en pleurant pria.


[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

2 commentaires:

  1. Patrice l affectueux se sacrifie pour l aultrui .

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  2. Oui, on peut considérer sa quête spirituelle comme étant également une quête "sacrificielle". Merci d'avoir lu et commenté ce poème.

    Cordialement,
    M.Yosri.

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