lundi 11 juillet 2016

Conte: Les trois amoureux de Paulina (Partie II)

CONTE: LES TROIS AMOUREUX DE PAULINA (PARTIE II)


II. Ce que les trois amis firent pour se venger

Sept jours passés dans ce terrible silence,
A Carlo Francesco dit avec violence :
« Pourquoi te détournes-tu lorsque tu me vois,
En restant pour moi sans yeux, et aussi sans voix ?
Que t’ai-je donc fait, moi, pour m’éviter et feindre ?
C’est moi, en vérité, qui dois me plaindre ! »
« Non ! s’écria Carlo, mais je fais mon devoir,
Je suis celui que tu as refusé de voir !
Ton ami, qui souffrait et était malade !
Que faisais-tu alors ? Etais-tu en balade ? »
« Malade ? S’écria Francesco, je l’étais 
Et personne pour mon destin ne s’inquiétait ! »
« Quand cela ? » « Il y a trois mois » « Et moi de même !
A quelle heure ? » « A minuit », « Où ? » « A l’église ! », blêmes,
Carlo et Francesco se regardaient. « Pourquoi ? »
Demanda Francesco. « Le sourire narquois
De Paulina m’y a conduit, et sa lettre... »
« Moi aussi ! Ah, nous nous sommes pris pour des traîtres
Alors que Paulina s’est bien jouée de nous !
Et je crois que Petro s’est mis à ses genoux. »
Les trois amis, enfin lucides, se parlèrent
Furent bientôt fixés et pleins de colère,
Et ils décidèrent alors de se venger.
Petro, qui se calma et se prit à songer,
Dit à ses deux amis : « Pour punir cette femme
Nous allons lui jouer un petit tour infâme
Comme celui qu’elle a joué sans nul effroi,
Nous coucherons avec elle tous les trois. »
Et Petro expliqua tout son stratagème :
« Je vais me déguiser, chers amis que j’aime,
En pèlerin, et la nuit, et avec civilité
J’irai lui demander son hospitalité
Qu’elle ne refusera point, étant très pieuse,
En voyant ma mine pauvre et religieuse.
Avec des provisions, un de vous montera
Sur le toit, et dans un panier les apportera
Quand je dirai : Seigneur, venez-moi en aide.
Ayez confiance en moi, amis. » Et l’aède
Alla à la porte de Paulina frapper.
« Qui vient ? » « Un serviteur de Dieu voulant souper.
Ouvrez, pour que notre Seigneur vous bénisse. »
On fit. « En attendant que cette nuit finisse,
Auriez-vous un sombre coin pour un voyageur
Qui fait pénitence, mes aimables logeurs ? »
« Oui, mon père, lui dit Paulina, ma demeure
Est la vôtre, sachez-le, et à toute heure.
Nous avons du bon vin, de la viande et du pain. »
« J’éprouvais votre foi, mais tout cela est vain
Car le Seigneur pourvoit à ma nourriture. »
« Comment ! Dieu vous nourrit ! » « Et ses créatures ;
Car il nourrit l’oiseau et le ver oublié,
Tout ce qui est faible et par les hommes humilié. »
Et le pieux pèlerin se mit en prière.
Après quelques instants, les yeux pleins de lumière,
Il dit : « Seigneur, venez-moi en aide », tout haut.
Plein de viande, de pain et de vin, sans défaut,
Un panier descendit, grand, de la cheminée.
Paulina et sa mère en étaient étonnées.
« Saint homme, c’est votre dîner habituel ? »
Demanda Paulina.  « Oui, Dieu n’est point cruel
A mon égard. Et même il m’a dit en songe
En envoyant pour moi un bel et radieux ange
Que la première femme qui couchera avec moi
Enfantera un pape, un héros de la foi. »
« Et vous n’avez couché avec aucune femme ? »
« Non, jamais. » « Sommes-nous à vos yeux infâmes ? »
Demanda la mère de Paulina. « Dieu ! non. »
« Ô messager de Dieu, vous êtes noble et bon !
Prenez ma fille alors, pour qu’elle soit bénie. »
Et Paulina, au saint qui la trompait unie,
Etait contente de mériter cet honneur.
Une heure après, Petro se leva et dit : « Sœur,
Il faut que je prie Dieu. » « Allez donc, saint père,
Dites à notre Seigneur tout ce que j’espère. »
Petro ouvrit la porte et Carlo vint doucement.
Une heure après il dit à Paulina bassement :
« Il me faut remercier Dieu,  ma bonne fille. »
« Allez donc, saint homme. » « Vous êtes bien gentille. »
Francesco vint et dit quelques mots en latin,
Puis resta avec sa fille jusqu’au matin.

Peu de temps après, il y eut une grande fête
Au pays. Paulina, rêveuse sans tête
Qui croyait enfanter un pape, s’y rendit.
Les trois amis aussi. Carlo vint et lui dit :
« Alors, il est en bon chemin, notre pape ? »
Paulina en rougit. En riant sous cape
Francesco et Petro lui demandèrent aussi :
« Mais que vient une sainte aujourd’hui faire ici ? »
Et ils rirent tous les trois, impitoyables.
Paulina, comprenant l’histoire effroyable,
Poussa un strident cri, foudroyée tomba
Aux pieds des trois amis, et soudain succomba. 

[FIN DU CONTE: LES TROIS AMOUREUX DE PAULINA]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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