CONTE: les boucles du curé
Il y avait un
curé très savant et riche
Qui était cependant
de son argent chiche.
C’était son seul
défaut, toutefois ; il faisait
Beaucoup de bien
et qui jamais ne lui pesait,
Et pour visiter
un seul malade, apathique,
Eût fait dix
lieues pour leur porter le saint viatique.
Or ce curé
avait, pour orner ses souliers,
Deux boucles d’argent,
fort belles, sans oublier
Que Scambaronu
les voulait, et que ce drôle
Etait déterminé à
jouer son rôle,
De s’emparer des
boucles et même, déluré,
De se faire
donner par notre bon curé
L’absolution.
Très tôt, le matin, prêt à mordre,
Il alla, tout
hagard, les cheveux en désordre,
Frapper à la
porte du curé, et pria
Qu’on lui
ouvrît. Une servante alors cria :
« Qui est
là ? » « C’est moi ! moi, Joseph Scambaronu. »
« Et
pourquoi êtes-vous à cette heure venu ? »
« Voir
monsieur le curé. » « Mais il dort encore !
Et l’heure est
mal choisie de venir à l’aurore.
Revenez donc
plus tard. ». Mais le voleur voulait
Qu’on lui ouvrît ;
près de la porte il se roulait
En criant et
faisant un si grand vacarme,
Que le curé alla
ouvrir, en alarmes.
« Eh bien !
pourquoi venir si tôt, mon jeune ami ? »
Lui demanda-t-il.
« De mes péchés je frémis,
Répondit le
sournois. J’ai fait un rêve étrange :
Hier, j’ai vu,
armé d’une épée, un terrible ange
Qui m’a dit que
si je reste sans confession
Je ne vivrai que
dix jours. Pour voir les passions
De tous les
condamnés qui souffrent à la géhenne,
Il m’y a
transporté. Ah, tous ces cris de haine,
Mon bon curé, et
tous ces supplices éternels !
Comme ils sont à
plaindre, ces pauvres criminels ! »
Le pieux curé
frémit : « Il faut sans attente,
Mon bon et brave
ami, que tu te repentes.
Ce rêve, c’était
sans doute un avertissement. »
Scambaronu se
mit à gémir doucement :
« Ah, que
Dieu, qui sait que mes intentions sont bonnes,
Entende mes
soupirs, et qu’il me pardonne !
Souffrez que je
me jette en pleurant à vos pieds
Et que je l’implore,
bon curé, comme il sied. »
La paire de
souliers aux boucles argentées
Etait tout près
du lit, et l’âme éhontée,
Le fourbe s’approcha
de son futur butin.
« Au lieu de
labourer mon champ tous les matins,
Je me suis épris
de la dive bouteille ;
Au lieu d’aller
à la messe, je sommeille
Et tous les
dimanches je me lève fort tard. »
« Ceci est
très grave, et vous courez les hasards
Avec une telle
déplorable conduite.
Mais continuez,
mon ami. » « J’avoue ensuite
Un péché qui me
pèse et me livre aux tourments :
J’ai volé deux
boucles d’argent. » « C’est alarmant,
Mon jeune ami,
rendez-les au propriétaire. »
S’efforçant en
même temps de ne pas se taire,
Scambaronu, qui
se frappa le sein, vola
Les boucles du
curé, ensuite parola :
« Quand je perds
au jeu, je fais des jurons infâmes ;
Injustement hier
j’ai battu ma femme
Car elle me
donnait de judicieux conseils. »
« C’est
mal, mon bon ami. Continuez. » « Pareil
A la foudre,
quand je me fâche, je gronde
Et je casse. Voulez-vous
que je vous rende
Les deux boucles
d’argent ? » « Non, moi je n’en veux pas. »
« Si leur
propriétaire en est, mon curé, las,
Que dois-je en
faire ? » « Eh bien, gardez-les sans problème. »
Et il continua,
notre pécheur blême,
Jusqu’à midi,
lassant le pauvre et bon curé.
Absous de ses
péchés, comme transfiguré,
Il s’en alla
enfin, poussé à bien faire.
Mais la chose,
plus tard, n’était pas pour plaire
Au bon curé,
quand il se leva de son lit.
Scambaronu ne
fut point celui qui pâlit.
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2166.
dimanche 3 juillet 2016
Conte: Les boucles du curé
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