dimanche 3 juillet 2016

Conte: Les boucles du curé

CONTE: les boucles du curé

Il y avait un curé très savant et riche
Qui était cependant de son argent chiche.
C’était son seul défaut, toutefois ; il faisait
Beaucoup de bien et qui jamais ne lui pesait,
Et pour visiter un seul malade, apathique,
Eût fait dix lieues pour leur porter le saint viatique.
Or ce curé avait, pour orner ses souliers,
Deux boucles d’argent, fort belles, sans oublier
Que Scambaronu les voulait, et que ce drôle
Etait déterminé à jouer son rôle,
De s’emparer des boucles et même, déluré,
De se faire donner par notre bon curé
L’absolution. Très tôt, le matin, prêt à mordre,
Il alla, tout hagard, les cheveux en désordre,
Frapper à la porte du curé, et pria
Qu’on lui ouvrît. Une servante alors cria :
« Qui est là ? » « C’est moi ! moi, Joseph Scambaronu. »
« Et pourquoi êtes-vous à cette heure venu ? »
« Voir monsieur le curé. » « Mais il dort encore !
Et l’heure est mal choisie de venir à l’aurore.
Revenez donc plus tard. ». Mais le voleur voulait
Qu’on lui ouvrît ; près de la porte il se roulait
En criant et faisant un si grand vacarme,
Que le curé alla ouvrir, en alarmes.
« Eh bien ! pourquoi venir si tôt, mon jeune ami ? »
Lui demanda-t-il. « De mes péchés je frémis,
Répondit le sournois. J’ai fait un rêve étrange :
Hier, j’ai vu, armé d’une épée, un terrible ange
Qui m’a dit que si je reste sans confession
Je ne vivrai que dix jours. Pour voir les passions
De tous les condamnés qui souffrent à la géhenne,
Il m’y a transporté. Ah, tous ces cris de haine,
Mon bon curé, et tous ces supplices éternels !
Comme ils sont à plaindre, ces pauvres criminels ! »
Le pieux curé frémit : « Il faut sans attente,
Mon bon et brave ami, que tu te repentes.
Ce rêve, c’était sans doute un avertissement. »
Scambaronu se mit à gémir doucement :
« Ah, que Dieu, qui sait que mes intentions sont bonnes,
Entende mes soupirs, et qu’il me pardonne !
Souffrez que je me jette en pleurant à vos pieds 
Et que je l’implore, bon curé, comme il sied. »
La paire de souliers aux boucles argentées
Etait tout près du lit, et l’âme éhontée,
Le fourbe s’approcha de son futur butin.
« Au lieu de labourer mon champ tous les matins,
Je me suis épris de la dive bouteille ;
Au lieu d’aller à la messe, je sommeille
Et tous les dimanches je me lève fort tard. »
« Ceci est très grave, et vous courez les hasards
Avec une telle déplorable conduite.
Mais continuez, mon ami. » « J’avoue ensuite
Un péché qui me pèse et me livre aux tourments :
J’ai volé deux boucles d’argent. » « C’est alarmant,
Mon jeune ami, rendez-les au propriétaire. »
S’efforçant en même temps de ne pas se taire,
Scambaronu, qui se frappa le sein, vola
Les boucles du curé, ensuite parola :
« Quand je perds au jeu, je fais des jurons infâmes ;
Injustement hier j’ai battu ma femme
Car elle me donnait de judicieux conseils. »
« C’est mal, mon bon ami. Continuez. » « Pareil
A la foudre, quand je me fâche, je gronde
Et je casse. Voulez-vous que je vous rende
Les deux boucles d’argent ? » « Non, moi je n’en veux pas. »
« Si leur propriétaire en est, mon curé, las,
Que dois-je en faire ? » « Eh bien, gardez-les sans problème. »
Et il continua, notre pécheur blême,
Jusqu’à midi, lassant le pauvre et bon curé.
Absous de ses péchés, comme transfiguré,
Il s’en alla enfin, poussé à bien faire.
Mais la chose, plus tard,  n’était pas pour plaire
Au bon curé, quand il se leva de son lit.
Scambaronu ne fut point celui qui pâlit.


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

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