dimanche 17 juillet 2016

Conte: Le trompeur trompé

CONTE: le trompeur trompé

Un riche homme était mort et laissa sa fortune
A son fils, un malin que nul n’importune
Appelé Tignosello, qui aimait dépenser
Et châtier les voleurs qui venaient l’offenser.
Voici son histoire, qui plaira, je l’espère,
Et que mon grand-père sut par son grand-père :
Au mois d’août, les moissons finies, le fils était  
Bien content de lui-même, et rien ne l’inquiétait
Car ses greniers étaient pleins, comme la mer d’ondes.
Le curé, homme à la cupidité immonde,
Lui rendit visite un jour et lui dit : « Hélas !
Ton père, au Purgatoire, est tourmenté et las,
Et toi tu es riche et tu veux qu’il y demeure !
Fais-le monter au ciel ; avant qu’il ne meure,
Il vint me confesser qu’il tremblait de ce sort. »
« Mais, répondit le fils, que peut-on pour les morts ? »
« Tu es bien sot, alors ! L’âme n’est jamais morte,
L’argent du Paradis peut forcer les portes !
Donne-moi vingt boisseaux de ton plus pesant grain
Et j’enverrai ton père à l’Éden sans chagrin. 
N’est-ce point cela, mon fils, que tu préfères ? »
« Oui, je le veux sauver. Comment va-t-on faire ? »
« Viens avec les boisseaux de blé chez moi, demain,
Et je le sauverai des tourments inhumains.
Car à l’heure qu’il est il souffre et il implore !
N’oublie pas de venir chez moi à l’aurore. »
Notre Tignosello avait d’autres desseins,
Mais il dit au curé : « Je viendrai, homme saint. »
Il fut avec ses vingt boisseaux de bonne heure
Chez le curé, rêvant vaguement dans sa demeure.
« Ah te voilà, mon fils, dit-il, tu es venu,
Et rien pour sauver ton père ne t’a retenu. 
Décharge donc ta bête et viens, fils. J’espère
Que nous pourrons sauver ensemble ton père. »
Et le curé alla chercher, de bon matin,
Un livre tout poudreux et rempli de latin
Qu’il ne comprenait point. Il dit à sa victime :
« Pour que ton père échappe à son sort ultime,
C’est-à-dire l’enfer, mets ton pied sur le mien ;
Je vais lire, reste muet et ne dis rien. »
Le curé invoqua, pour son tour infâme,
Le bon Dieu, les démons, les anges et les âmes, 
Et dit mille choses en un jargon inconnu.
Il s’écria enfin : « Le moment est venu !
Ton père est maintenant au Paradis, saint Pierre
M’en a fait la promesse, et Dieu à mes prières
A répondu, mon fils ! » « Bien ! je m’en vais, alors. »
« Et les boisseaux de blé que tu laissas dehors ? »
« Tu as promis l’éden pour mon pauvre père,
Et moi je te promets, en des jours plus prospères,
Qu’ils deviendront à toi. » « Ah, quel mauvais chrétien
Tu es ! le Paradis ne sera jamais tien,
Je t’excommunierai... » « Que mon fils me sauve
Dans ce cas, en trouvant un autre curé chauve. »
Railla Tignosello, qui laissa le curé
Maudire le malin plus que lui déluré.


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

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