vendredi 15 juillet 2016

Conte: La femme curieuse (Partie I)

CONTE: la femme curieuse (partie i)

I. Ce que Marianne fit au lieu de faire la soupe de Buzetto, son mari

Marianne, une jeune fille point couarde,
Etait des femmes de Piève la plus bavarde
Et de plus – ce qui fit plus tard tout son malheur –
La plus curieuse pour les choses sans valeur.
La nuit de ses noces, comme une ménade,
Pour savoir combien lui chantaient la sérénade,
Elle se réveilla tout à coup follement,
Ouvrit la fenêtre et souriait triomphalement.
Son mari, Buzetto, lui dit un jour : « Femme,
« Je sors pour travailler, et je veux, mon âme,
Que tu fasses pour moi de la soupe. » « Amour,
Ta soupe sera bonne et prête à ton retour. »
Le mari partit, donc. Sa femme diabolique
Entendit disputer à la place publique.
« Ah ! qui crie ? je crois que c’est la Piedigialla ! »
Et Marianne à l’endroit de la dispute alla,
Ne voulant perdre aucun mot de la querelle.
Buzetto arriva, à midi. « Ma belle,
La soupe est-elle prête ? » « Elle sera sous peu !
Je n’ai pas eu le temps pour allumer le feu.
Piedigialla et sa hargneuse rivale
Se sont prises aux cheveux et étaient bien pâles ;
Murichetta a dit... » « Mais je m’en moque bien !
S’écria Buzetto ; cela ne me fait rien !
Où est donc la soupe ? » « Elle sera faite !
Pardon, bon Buzetto, que je suis bête !
Tiens-le-toi pour certain : tu en auras ce soir. »
« Tu es négligente, mais c’est ce qu’on va voir ! »
Et il s’en alla en colère, le bonhomme.
Alors que Marianne épluchait ses pommes
De terre, elle entendit tout à coup un grand bruit
De clairons, de tambours et de flûtes. Elle fuit
Sa cuisine donc, et oubliant la soupe,
Elle court, la folle ! pour voir la troupe.
La musique lui plut si bien qu’elle resta
Fort longtemps. Son mari appela, insista,
Mais elle n’était pas encore chez elle.
La devinant pleine de son curieux zèle,
Il l’attendit, furieux. Elle revint enfin.
« D’où viens-tu ? S’écria-t-il ; je suis las, j’ai faim... »
« Ah, mon bon Buzetto ! interrompit-elle,
Comme la musique, ce soir, était belle !
Cela par une marche a d’abord commencé
Qui aurait fait danser les pierres, et... ». Offensé,
« C’est toi que je ferai danser, femme étourdie !
S’écria le mari. Ah tu es bien hardie
De me laisser ainsi, affamé tout le jour ! »
Marianne alors promit, en l’appelant son amour,
A Buzetto de ne plus être curieuse.
Mais elle ne tint point cette promesse pieuse,
Sortit et oublia la soupe du mari
Qui était bien furieux et le cœur bien marri.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

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