La promenade du roi Harun Al-Rashid
Le calife Harun
passait, radieux soleil
Emplissant
Khorasan de ses rayons vermeils.
Haut sur son
destrier comme les héros antiques,
Entouré de ses
femmes et de ses eunuques,
Appesanti de soie
et appesanti d’or,
Il reluit. On ne sait
s’il sourit ou s’il dort
Car il bâillait
souvent, plein de cet ennui sombre
Des conquérants
amis des coups d’épée dans l’ombre
Qui avaient
l’habitude, avant le rude combat,
De dormir dans la
même tente que leurs soldats,
De boire, quand la
soif les rendait livides,
L’eau de l’agile
ruisseau dans leurs casques vides,
De n’avoir point
d’autre foyer qu’un champ sanglant
Où ils dorment
blessés et de fièvre tremblant
Les yeux à demi
clos, après la bataille,
Et en entendant ce
cri : « L’ennemi nous assaille ! »
Se réveillent, le
sabre à la main, en sursaut,
Se cachant des
flèches ou repoussant un assaut !
Harun s’ennuyait.
Plus de combats, plus de guerres !
Ses ennemis,
tremblant de sa fureur meurtrière,
Ont rendu les
armes. Nul n’ose se révolter
Contre cet illustre
héros de la Piété,
Archange terrible
et que Dieu lui-même
Semblait envoyer,
pour les châtier, aux hommes !
La lassitude
rendait sombres ses yeux noirs
Qui ne voyaient
pas ce peuple venu le voir,
Presque à genoux
devant son roi redoutable.
Soudain un noir
vieillard en haillons, semblable
A un coup de
foudre, surgit de nulle part.
Le brave destrier,
accoutumé aux dards,
Et qui souvent
porta son hôte héroïque
Dans les champs de
bataille, en défiant, stoïque
Comme son
cavalier, les coups sans en frémir,
Se cabra
violemment et il voulait fuir
Ce spectre
silencieux dont la vue alarme.
Harun le retint
avec ses deux mains fermes
Et pâle de colère,
dit au sinistre manant :
« Misérable !
Hors de mon chemin, maintenant !
Ou cette épée que
tu vois te coupera la tête. »
« Calife, de mon chemin éloigne ta bête. »
Répondit le
fantôme, calme comme le Destin.
Harun descendit de
son destrier hautain
Et dans ses yeux
fiers on voyait la flamme
De l’enfer. Il
hurla en montrant sa lame
Au superbe
inconnu : « Sais-tu qui je suis ?
Le lion se cache
dans son antre et le tigre fuit
Lorsqu’ils voient
de loin le bout de mon épée
Dans le sang de
mille rois, mes ennemis, trempée.
Je suis Harun,
fils d’Al-Mahdi. La vaste mer
M’obéit, tout
ici-bas gémit de mes fers !
L’Iran, la
Transoxiane, le Caucase, l’Ethiopie,
Se souviennent de
mes coups. Et tous les peuples impies
Tremblent de mon
courroux, le monde est mon champ clos,
Du Bosphore
effrayé, que j’ai rougi, les flots
Sont appesantis
par mes preux adversaires,
Aigle invincible, j’ai
emporté dans mes serres
L’Egypte et la
Syrie, l’orient et l’occident,
Et comme un foudre
qui de l’azur tombe, ardent,
Sur les Byzantins
et sur les Barmécides
Je suis
tombé ! Le sang des vaillants Abbassides
Coule dans mes
veines et de courage m’emplit,
Les Omeyyades des
mes travaux ont pâli,
Par Dieu !
J’ai transformé l’univers en blessure !
Les corbeaux
croassent déjà. Leur pâture
C’est toi,
impertinent à mourir condamné !
Ne les privons pas
de leur délicieux dîner.
Mais dis, tu dois
être un brave ou un imbécile
Pour me parler
ainsi. Qui es-tu ? » Tranquille,
De la bouche close
du spectre silencieux
Nul mot ne sortit.
Le roi, devenu furieux,
Tira son épée de
son fourreau, fou de rage,
Et lui assena au
cœur un coup si sauvage
Que même sa garde
recula de terreur.
Comme de son doigt
on ôte l’épine d’une fleur,
Le vieillard ôta
cette épée de sa poitrine
Et la rendit,
calme, à la main assassine
Du calife qui
tremblait maintenant de tout son corps,
En lui
disant : « Tu es Harun, je suis la Mort. »
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2180.
jeudi 7 juin 2012
La promenade du roi Harun Al-Rashid
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