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mardi 31 mai 2016

Conte: Il faut mourir (Partie IV)

CONTE: IL FAUT MOURIR (PARTIE IV)


IV. Le troisième pays que trouva Grantesta, et le présent que lui fit la fée

Les aurores et les nuits passèrent, rapides,
Les unes ténébreuses et les autres limpides,
Et Grantesta marchait toujours, sans s’arrêter,
En pensant à la mort qu’il voulait éviter.
Un soir, il rencontra une dame charmante
Qui lui sembla, toutefois, vaguement alarmante,
Et qui lui demanda : « Où vas-tu, voyageur ? »
« Chercher le doux pays que le trépas vengeur,
Répondit Grantesta, jamais ne visite.
J’erre depuis longtemps, et mon pas hésite. »
« Viens avec moi ; je t’y conduirai, si tu veux. »
« Volontiers. » et la fée aux ténébreux cheveux
– Car c’était une fée – fit soudain apparaître
Sept grands chevaux ailés dont nul humain n’est maître
Traînant la carrosse d’un dieu ou d’un roi.
Grantesta y monta, malgré son effroi,
Et lui et la fée dans les airs disparurent.
« Où allons-nous ainsi, puissante créature ? »
« Au pays où l’on est immortel et heureux.
Suis-moi et ne sois pas hésitant et peureux.
De ce pays je vais te montrer la porte. »
« Oui, je me tais et que le diable m’emporte
Si je dis le moindre mot ! Va et je te suis. »
Ils arrivèrent enfin. Sous le ciel qui luit,
Il vit des animaux et des fleurs qui parlent,
Près d’une vaste mer, répandues, des perles,
Et des arbres géants philosophant sans bruit
Et pour les voyageurs laissant tomber leurs fruits.
Pendant longtemps, il fut dans cette nature
Avec sa compagne, douce créature
Qui l’aimait et veillait sans répit sur son sort,
Bien qu’ils fussent tous deux à l’abri de la mort.
Un jour, pourtant, il dit à la radieuse fée :
« D’immortalité mon âme est certes assoiffée,
Mais je veux voir ma mère et entendre sa voix
Car je l’aime elle aussi, et qui aime voit. »
La fée tenta, en vain, de l’en dissuader.
« Eh bien ! si tu veux la revoir, je vais t’aider,
Lui dit-elle enfin ; rien ne retiendra mon zèle.
Vois-tu ce magique cheval aux blanches ailes ?
Prends-le, il est à toi, mais ne le quitte point,
Ou tu mourras, malgré mes inutiles soins. »
Grantesta remercia la fée, et rapide,
Partit sur son cheval comme le ciel limpide.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

dimanche 22 mai 2016

Conte: Il faut mourir (Partie III)

CONTE: IL FAUT MOURIR (PARTIE III)


III. Le deuxième pays où Grantesta se crut immortel

Voilà donc de nouveau Grantesta le sage
Fuyant sinistrement son propre passage,
Cherchant le doux pays où rien ne meurt jamais.
Chaque jour l’effrayait, chaque nuit l’alarmait
Et il tremblait même de la brise qui passe,
Ame qui veut vivre toujours, de vivre lasse.
Il arriva enfin, cœur curieux et amer,
Sur les bords d’un grand lac, vaste comme la mer.
Ô rêve délicieux et doucement étrange !
Ô rive fortunées faites pour des anges !
Mille parfums montaient confusément dans l’air,
Invisibles oiseaux amoureux du ciel clair,
Les arbres qui portaient leurs fruits, joyeux hères,
Etaient appesantis par leurs faix sans misère,
Beaux fardeaux parfumés et qui rendaient tout gai,
Pliant les dos des branches et des troncs fatigués.
Grantesta, dans cette naturelle clémence,
Trouva un chêne élevé, qui était si immense
Que toute une ville à son ombre eût pu dormir.
Tant de beautés faisaient notre héros frémir,
Et il frémit encor d’entendre le grand chêne
Haut comme les nuées et que rien n’enchaîne
Lui dire : « Que viens-tu faire ici, vil mortel ?
Ver de terre, veux-tu donc voler dans le ciel ? »
« Dis-moi, chêne orgueilleux à la voix redoutable !
Tout ce qui est ici est-il impérissable ? »
« Oui » « Je ne te crains point, alors, car rien ne meurt,
Rien ne peut me ravir la vie, je n’ai pas peur. »
Comme pour le châtier, dès qu’il dit ses paroles,
Voilà tout le pays charmant qui s’envole
Emporté par une tempête sans merci.
Grantesta, frémissant de ce ciel noirci
Par de lourdes nuées, vit un oiseau sombre
S’envoler promptement dans cette soudaine ombre
Et prendre dans son bec, invisible fardeau,
Sans qu’elle ne tombât, une seule goutte d’eau.
Grantesta demanda à l’oiseau sinistre :
« Qui es-tu, ô oiseau ? » « Le fidèle ministre,
Lui répondit l’oiseau, du trépas éternel. »
Grantesta s’écria : « Ô chêne criminel !
Tu m’as menti, alors, et même ici la vie
Me sera par la Mort cruelle un jour ravie ! »
« Il ne t’a point menti, dit l’oiseau ; de ces flots
Je prends une goutte tous les ans. Vois donc l’eau
Qui reste ! Tu vivras des millions d’années. »
« Oui, toujours est-il que mon âme est condamnée !
Je veux rester vivant ! Je ne veux pas mourir !
N’y a-t-il point un pays où rien ne peut rien périr ? »
« Ce pays existe, mais je ne puis te dire
Où il est. » « Cache-moi ton vilain sourire,
S’emporta Grantesta, car je le trouverai,
Je serai immortel et te le prouverai. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

lundi 16 mai 2016

Conte: Il faut mourir (Partie II)

CONTE: IL FAUT MOURIR (PARTIE II)


II. Le pays que trouva Grantesta, et pour quelle raison il crut bon de le quitter

Voilà donc Grantesta, le cœur empli d’émois
Et courant le monde des semaines et des mois,
Fuyant un ennemi invisible et sombre
Et tressaillant de voir, sous lui, sa propre ombre.
Il s’arrêta enfin, plein d’un sinistre effroi,
Entouré de hauts monts, dans un étrange endroit
Où il y avait écrit, en lettres de flamme :
« Ici, on ne meurt pas ». La joie dans l’âme,
Grantesta s’écria : « Je serai immortel !
Voilà le pays où rien ne meurt sous le ciel ! »
En admirant la terre et ses herbes vertes
Ainsi que les mille fleurs à l’aurore ouverte.
Les jours, les mois passaient, prestes comme le vent,
De ne jamais mourir notre savant rêvant.
Un matin, cependant, grondant sur sa tête,
Le voici réveillé par une tempête
Qui tordait les arbres, grands pourtant et verts,
Et qui semblait ployer tout le vaste univers ;
Les nuées noircissaient le ciel, clair d’habitude,
Mille bruits profanaient la douce solitude,
Quand tout à coup le vent cessa, et le ciel clair
Devint empli d’oiseaux aux chants emplissant l’air ;
Le printemps éternel revint dans la vallée,
Ainsi que la brise qui s’en était allée.
Grantesta demeura surpris de ce changement,
Lorsque soudain il vit, s’avançant étrangement,
Un monstre rapide et hideux aux larges ailes,
Tenant dans ses griffes un cadavre avec zèle
Dont les chairs palpitaient et qui était fumant,
Laissant tomber son faix comme lui alarmant
Et prenant dans son bec un petit grain de sable
Avant qu’il ne quittât l’endroit impérissable.
Etonné, Grantesta se dit à haute voix :
« Que fait ce monstre ici, et qu’est-ce que je vois ?
A quoi lui sert ce grain de sable invisible ? »
Un rocher répondit : « Rien n’est invincible,
Et tout est à la mort promis et l’affliction.
Il vient accomplir son œuvre de destruction
Et prendre un grain de sable à ces hautes montagnes.
Mais la mort ne viendra que quand en campagne
Elles seront réduites en des siècles pesants. »
« Quoi ! la mort va venir ! Ce soleil reluisant,
S’écria Grantesta, et cette douce aurore
Etaient donc mensongers ! il faut partir encore ! »
« Reste, dit le rocher. La mort ne va venir
Que dans plusieurs millions d’années. » « Tout va finir !
Cela ne suffit pas, et il faut que je parte !
Dans des millions d’années ou dans deux, qu’importe ?
La mort viendra un jour, inéluctablement !
Partons d’ici. », dit-il avec un tremblement. 

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

Conte: Il faut mourir (Partie I)

CONTE: il faut mourir (partie I)

I. La quête de Grantesta

Il y avait un homme qui était si savant
Que parmi les sages vieillards, morts ou vivants,
Aucun ne lui était jadis comparable.
Il s’appelait Grantesta, héros de cette fable.
Un jour, après avoir à Rome étudié,
Il alla voir sa mère, au village oublié
Qu’ils habitaient tous deux. Il se mit en route,
Et quand il s’arrêta pour manger sa croûte,
Il vit un doux vieillard aux longs et blancs cheveux.
« Où vas-tu ? », lui demanda-t-il. « Pourquoi ? » « Je veux
Suivre la route avec toi, si ta route est mienne. »
« Je m’en vais, et je veux que rien ne me retienne,
Surtout un gueux de ton espèce, vain mendiant. »
« Respecte un blanc vieillard de l’aider te priant,
Tu es jeune et tu es fort, aide ma faiblesse. »
« Me crois-tu ton valet ? va-t’en et me laisse.
Sais-tu quel est mon nom ? je suis Grantesta
L’homme le plus savant qui ici-bas resta
Après la mort, jadis, de tous les vieux sages.
Disparais, le vieillard, quitte mon passage. »
« Je vois, bien qu’au départ je ne l’aie point pensé,
Répondit le vieillard, que tu es insensé
Et que ta vanité n’a point d’égale.
Prends garde, car elle peut t’être fatale. »
Et voilà le mendiant tout à coup transformé
En jeune homme, qui dit à ce fat alarmé :
« Jamais tu ne vaincras la mort toute-puissante,
Grand sage, Grantesta, âme évanescente
Que le néant prendra, comme il prend tout, un jour.
Ô, malheureux mortel, à ta perte tu cours
On oubliera jusqu’à ton nom, misérable. »
Grantesta s’écria : « Ô présage effroyable !
Moi, mourir ? que dis-tu, vaurien ? jamais, jamais ! 
Moi, mourir comme un sot ? Que me dis-tu là ? Mais
Je suis le plus sage des hommes sur terre ! »
« Tu mourras, Grantesta. » « Jamais ! il faut que j’erre
Pour trouver le pays où tout est éternel
Et où rien ici-bas ne meurt sous le ciel. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène