dimanche 22 mai 2016

Conte: Il faut mourir (Partie III)

CONTE: IL FAUT MOURIR (PARTIE III)


III. Le deuxième pays où Grantesta se crut immortel

Voilà donc de nouveau Grantesta le sage
Fuyant sinistrement son propre passage,
Cherchant le doux pays où rien ne meurt jamais.
Chaque jour l’effrayait, chaque nuit l’alarmait
Et il tremblait même de la brise qui passe,
Ame qui veut vivre toujours, de vivre lasse.
Il arriva enfin, cœur curieux et amer,
Sur les bords d’un grand lac, vaste comme la mer.
Ô rêve délicieux et doucement étrange !
Ô rive fortunées faites pour des anges !
Mille parfums montaient confusément dans l’air,
Invisibles oiseaux amoureux du ciel clair,
Les arbres qui portaient leurs fruits, joyeux hères,
Etaient appesantis par leurs faix sans misère,
Beaux fardeaux parfumés et qui rendaient tout gai,
Pliant les dos des branches et des troncs fatigués.
Grantesta, dans cette naturelle clémence,
Trouva un chêne élevé, qui était si immense
Que toute une ville à son ombre eût pu dormir.
Tant de beautés faisaient notre héros frémir,
Et il frémit encor d’entendre le grand chêne
Haut comme les nuées et que rien n’enchaîne
Lui dire : « Que viens-tu faire ici, vil mortel ?
Ver de terre, veux-tu donc voler dans le ciel ? »
« Dis-moi, chêne orgueilleux à la voix redoutable !
Tout ce qui est ici est-il impérissable ? »
« Oui » « Je ne te crains point, alors, car rien ne meurt,
Rien ne peut me ravir la vie, je n’ai pas peur. »
Comme pour le châtier, dès qu’il dit ses paroles,
Voilà tout le pays charmant qui s’envole
Emporté par une tempête sans merci.
Grantesta, frémissant de ce ciel noirci
Par de lourdes nuées, vit un oiseau sombre
S’envoler promptement dans cette soudaine ombre
Et prendre dans son bec, invisible fardeau,
Sans qu’elle ne tombât, une seule goutte d’eau.
Grantesta demanda à l’oiseau sinistre :
« Qui es-tu, ô oiseau ? » « Le fidèle ministre,
Lui répondit l’oiseau, du trépas éternel. »
Grantesta s’écria : « Ô chêne criminel !
Tu m’as menti, alors, et même ici la vie
Me sera par la Mort cruelle un jour ravie ! »
« Il ne t’a point menti, dit l’oiseau ; de ces flots
Je prends une goutte tous les ans. Vois donc l’eau
Qui reste ! Tu vivras des millions d’années. »
« Oui, toujours est-il que mon âme est condamnée !
Je veux rester vivant ! Je ne veux pas mourir !
N’y a-t-il point un pays où rien ne peut rien périr ? »
« Ce pays existe, mais je ne puis te dire
Où il est. » « Cache-moi ton vilain sourire,
S’emporta Grantesta, car je le trouverai,
Je serai immortel et te le prouverai. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

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