lundi 16 mai 2016

Conte: Il faut mourir (Partie II)

CONTE: IL FAUT MOURIR (PARTIE II)


II. Le pays que trouva Grantesta, et pour quelle raison il crut bon de le quitter

Voilà donc Grantesta, le cœur empli d’émois
Et courant le monde des semaines et des mois,
Fuyant un ennemi invisible et sombre
Et tressaillant de voir, sous lui, sa propre ombre.
Il s’arrêta enfin, plein d’un sinistre effroi,
Entouré de hauts monts, dans un étrange endroit
Où il y avait écrit, en lettres de flamme :
« Ici, on ne meurt pas ». La joie dans l’âme,
Grantesta s’écria : « Je serai immortel !
Voilà le pays où rien ne meurt sous le ciel ! »
En admirant la terre et ses herbes vertes
Ainsi que les mille fleurs à l’aurore ouverte.
Les jours, les mois passaient, prestes comme le vent,
De ne jamais mourir notre savant rêvant.
Un matin, cependant, grondant sur sa tête,
Le voici réveillé par une tempête
Qui tordait les arbres, grands pourtant et verts,
Et qui semblait ployer tout le vaste univers ;
Les nuées noircissaient le ciel, clair d’habitude,
Mille bruits profanaient la douce solitude,
Quand tout à coup le vent cessa, et le ciel clair
Devint empli d’oiseaux aux chants emplissant l’air ;
Le printemps éternel revint dans la vallée,
Ainsi que la brise qui s’en était allée.
Grantesta demeura surpris de ce changement,
Lorsque soudain il vit, s’avançant étrangement,
Un monstre rapide et hideux aux larges ailes,
Tenant dans ses griffes un cadavre avec zèle
Dont les chairs palpitaient et qui était fumant,
Laissant tomber son faix comme lui alarmant
Et prenant dans son bec un petit grain de sable
Avant qu’il ne quittât l’endroit impérissable.
Etonné, Grantesta se dit à haute voix :
« Que fait ce monstre ici, et qu’est-ce que je vois ?
A quoi lui sert ce grain de sable invisible ? »
Un rocher répondit : « Rien n’est invincible,
Et tout est à la mort promis et l’affliction.
Il vient accomplir son œuvre de destruction
Et prendre un grain de sable à ces hautes montagnes.
Mais la mort ne viendra que quand en campagne
Elles seront réduites en des siècles pesants. »
« Quoi ! la mort va venir ! Ce soleil reluisant,
S’écria Grantesta, et cette douce aurore
Etaient donc mensongers ! il faut partir encore ! »
« Reste, dit le rocher. La mort ne va venir
Que dans plusieurs millions d’années. » « Tout va finir !
Cela ne suffit pas, et il faut que je parte !
Dans des millions d’années ou dans deux, qu’importe ?
La mort viendra un jour, inéluctablement !
Partons d’ici. », dit-il avec un tremblement. 

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

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