samedi 2 avril 2016

Conte: Comment André coupa le nez du curé (Partie V)

CONTE: COMMENT ANDRÉ COUPA LE NEZ DU CURÉ (PARTIE V)


V. Les deux besognes que le curé infligea à André, et comment le malin valet se vengea deux fois de lui

Le curé s’étonna de cette victoire
De son valet, et lui en fit conter l’histoire.
Un autre jour, à le perdre déterminé,
Il lui demanda, à l’heure du dîner :
« Tailles-tu la vigne, garçon ? » « Si j’en taille !
Comme le chevalier sait faire des batailles,
Je sais le faire et je le fais depuis longtemps. »
« Va travailler alors, et si je suis content
Tu auras une bien belle récompense. »
André, qui ne trouva point cela alarmant,
Partit, et il coupa gauchement les sarments
Et revint à midi, six heures avant l’heure,
Du curé étonné hanter la demeure.
« Faquin ! que viens-tu faire ici ? » demanda-t-il
En tremblant des ruses de son valet subtil.
« J’ai fini, répondit André, vite ma tâche. 
J’ai été laborieux et cela vous fâche ? »
« Non, nullement...bredouilla le curé. Allons voir
Si tu as fait, comme tu le dis, ton devoir. »
Le curé, courroucé, vit toute sa vigne
Dévastée par les coups du valet indigne,
Et il allait lui en donner, quand ce dernier
Lui demanda : « êtes-vous content ? » ; sans nier
Le curé, qui retint sa grande colère,
Lui répondit : « Cela ne peut que me plaire !
Je suis certes content de toi, mon brave André. »
Et quand il fut enfin seul : « Ce jeune madré
Me ruinera à coup sûr ; il faut que je lui donne
Une plate besogne...ah ! celle-là est bonne ! »
Et envoya André pour qu’il fendît du bois
En le suivant, inquiet, et cent fois aux abois.
André, qui n’avait point le cœur mol et lâche,
Se mit à l’ouvrage, armé d’une hache
Dont il frappait le bois avec des coups subtils.
Faisant soudain semblant d’en tirer son outil
Alors qu’il méditait, il dit à son maître :
« Venez m’aider un peu, car le bois est traître.
Tenez cette fente écartée des deux mains. »
Il ne se fit prier point jusqu’au lendemain.
André, en ce moment, avec promptitude
Retira sa hache sans inquiétude
Et laissa le curé, pareil aux suppliciés,
Prisonnier du morceau de bois et humilié.
« Diantre ! s’écria-t-il, par le maudit Tibère !
Il faut que de ce bois maintenant tu me libères !
Va donc chercher trois coins de bois, sot que tu es,
Même si tu ferais bien mieux de me tuer ! »
André alla, avec la même hardiesse,
Au lieu des trois coins de bois appeler les trois nièces
Du curé, et leur dit : « Votre oncle va mourir.
Pour qu’il vive, il me faut toutes trois vous chérir
Et coucher avec vous. » « Diable de domestique !
Autant coucher avec les monstres aquatiques !
Tu n’est qu’un vil coquin et un vilain menteur. »
« Vous ne me prendrez plus pour un mauvais conteur,
Leur dit André, quand vous entendrez mon maître »
Qui cria pour l’appeler deux fois par la fenêtre :
« Maître ! maître ! » « Que veux-tu, valet de malheur ? »
Cria le curé qui se tordait de douleur.
« Il me les faut les trois ? » « Oui, oui par le diable ! 
Hâte-toi, je t’attends ! » De ses cris effroyables
Une nièce alarmée lui demanda : « Cela
Est-il dans votre chambre ? » « Et que crois-tu ? hélas ! »
Et les trois nièces, sans comprendre ce mystère,
De faire ce qu’on leur demandait se hâtèrent. 


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

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