mardi 23 juin 2015

Conte: Marie la fille du roi (Partie III)

CONTE: MARIE LA FILLE DU ROI (PARTIE IiI)


III. L’amoureux souvenir que Marie laissa à son insu au prince, et ce qu’il en fit

La nuit s’assombrissait, et la jeune bergère,
Quand elle eut chanté son harmonie passagère
Et qu’elle eut remis sa peau d’âne sombrement,
Vit paraître soudain, non sans effarement,
Un jeune homme égaré à la chasse la veille
Qui est le fils du roi et qui la surveille.
Le prince avait tout vu et aussi entendu,
Mais de la princesse il n’était point attendu ;
Immobile d’abord comme un peu de marbre,
La pauvre pastoure tremblait de tous ses membres,
Puis en laissant toutes ses chèvres sur le mont
Elle s’enfuit comme s’il y avait un démon
Vers le château du roi. La beauté, par mégarde,
Laissa tomber pendant sa fuite hagarde
Comme un pétale la rose, un petit soulier,
Souvenir que le prince ne pouvait oublier,
Si petit, si petit, qu’il était impalpable
Et qu’on n’avait jamais vu rien de semblable.
Le prince tomba de la bergère amoureux,
Et de ne plus la voir il était malheureux
Et entendre sa voix harmonieuse et céleste.
Lorsque Marie s’enfuit, effrayée et leste,
Il ignorait, en la voyant à cet endroit,
Qu’elle était au service de son père le roi
Et il la fit chercher dans toute la contrée.
Mais nul de ses sujets ne l’avait rencontrée,
Et ses efforts furent vains. Il ne renonça
Point toutefois à sa belle, et on annonça,
Suivant son commandement et celui de son père
Qui voulait son fils fort et royaume prospère,
A son de trompe, dans le pays, qu’on allait
Marier le prince et faire princesse du palais
Celle qui pourrait son soulier trouvé mettre.
Jugez combien de femmes on y vit paraître !
Comme pour accomplir une sainte mission,
Elles y affluaient, de toutes conditions,
Belles et laides, bourgeoises, princesses et roturières.
Elles croyaient, toutes ces femmes aventurières,
Avoir le bon pied, mais le maudit soulier
Etait petit, à leurs doigts inhospitalier.
Le prince au désespoir, embrasé par sa flamme,
Soupirait et voulait à Dieu rendre l’âme,
Quand on lui dit qu’une bergère au rude aspect,
Vêtue de vieille peau d’âne, sauf son respect,
N’était pas venue. On courut chercher Marie
Qui d’être retrouvée ainsi était marrie ;
Son pied entra dans le soulier exactement
Et elle le mit sans peiner et lestement.
On cria moqueusement : « Vive notre reine ! »
Quand ils apprirent qui était la souveraine,
Le roi et la reine jurèrent, irrités,
De ne point permettre telle témérité.
Mais Marie, fille de roi, leur dit, altière :
« Je n’ai point gardé des chèvres ma vie entière
Et mon père est un roi plus riche et plus puissant
Que vous ne l’êtes, et aux sujets obéissants. »
Les courtisans riaient de son impudence,
Mais elle, après avoir fait ces confidences,
Demanda un moment aux monarques surpris
Pour s’habiller comme il se doit. Tous les esprits
Et tous les yeux de sa grande beauté s’éblouirent,
Et on s’écriait en la voyant reluire
Comme un soleil radieux, pleins de vénération,
Et de respect emplis comme d’admiration.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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