samedi 6 juin 2015

Conte: Les sept paires de souliers de fer et les trois baguettes de bois (Partie I)

CONTE: LES sept paires de souliers de fer et les trois baguettes de bois (Partie i)

I. La voix qu’entendit Catarinella au Monte Incudine, et la mission qu’on lui ordonna d’accomplir

Catarinella et ses deux sœurs blondines
Allaient chercher du bois au Monte Incudine,
Tous les jours une voix lui disait : « Va plus haut,
Catarinella, n’aie point peur car il le faut. »
Les jeunes filles eurent d’abord peur de l’entendre,
Mais cette voix était si invitante et tendre
Que Catarinella s’y familiarisa
Et, courageuse qu’elle était, s’héroïsa.
Un jour elle dit à ses sœurs tremblantes
Qui étaient moins braves qu’elle et plus indolentes :
« Cette voix nous invite chaque jour à monter ;
Pour voir ce qu’elle veut au somment nous conter
Voulez-vous avec moi venir ? » « Sombre idiote !
Lui répondirent-elles, veux-tu notre morte, sotte ?
Ramasse ton bois et retourne à la maison. »
Mais Catarinella n’entendit point raison
Et, aux conseils de ses sœurs indifférente,
Elle les embrassa, pâles et implorantes,
Sans qu’elles ne pussent, hélas, la retenir,
Et partit du côté d’où lui semblait venir
Cette voix qui l’appelait à une aventure.
Pour encourager la frêle créature
La voix lui répétait de monter. Ses sueurs
Ne l’empêchèrent point de marcher ; les lueurs
Du jour s’éteignaient, et elle marchait encore
En contemplant d’en haut l’abîme et les accores.
Elle trouva enfin au sommet printanier,
Etonnée de l’y voir, un fort vieux jardinier
Qui, la voyant, lui dit : « Malheureuse fillette !
Que viens-tu faire ici, pauvre enfant douillette ?
C’est la mort qui t’attend si tu ne peux remplir
La mission que l’on va te charger d’accomplir. »
Et le jardinier la conduisit dans la salle
Du plus beau château qui fût, sombre et colossale
Et remplie de statues. L’homme qui la gardait
En la voyant qui à venir se hasardait
Lui dit : « C’est le destin qui jusqu’ici t’emporte ;
Tes yeux se fermeront et tu seras morte
Et la parole sur tes lèvres séchera,
Ô Catarinella, si Dieu t’empêchera
D’accomplir ta mission, fillette imprudente. »
Elle lui dit, emplie d’une peur évidente :
« Ah ! mon Dieu ! quelle est donc cette sombre mission ? »
Le gardien, qui pour elle eut de la compassion,
Lui répondit : « Vois-tu toutes ces statues ? Sache
Que ces hommes n’ont point pu accomplir la tâche
Que je t’imposerai. Ils ne sont point tués
Mais ils ne vivent point. Et comme toi tu es
Belle et charmante, ta tâche sera plus douce.
Gare à toi, cependant, si tu me courrouces ! 
Contemple ces hommes. Qu’est-ce que tu vois ? »
« Mille augustes statues, mais sans vie et sans voix.
Ils sont tous habillés comme marquis et comtes. »
« Qu’est-ce que tu vois dans cette niche? conte. »
« A sa noble allure, c’est un prince, je crois. »
« En effet, dit le gardien, c’est le fils du roi.
Il a vingt ans, il faut que tu sois sa femme. »
« L’épouser ? s’écria-t-elle, il n’a point d’âme,
Et il faut lui rendre la vie, car il est mort ! »
« Ce n’est point, expliqua le gardien, son sort,
Mais c’est ce que tu dois faire afin de vivre.
De sa malédiction si tu le délivres,
Ce château, empli de trésors, t’appartiendra.
Si tu ne réussis point, tu deviendras
Pendant cent fois cent ans une statue de pierre.
Pour que tu réussisses, beauté aventurière,
Use ces sept paires de souliers de fer
Et ces trois baguettes de bois, et comme en mer
Le vaisseau va de port en port aux mouillages,
De château en château, de village en village,
Tu partiras jusqu’à user tous tes souliers
A force de marcher, sans aussi oublier
D’user tes trois baguettes en frappant aux portes.
Va, pour vivre il faut que maintenant tu partes. »
Elle prit ses souliers, ses baguettes et partit,
Songeait à sa mission et du château sortit.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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